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La Banque mondiale préconise de profondes réformes des politiques foncières

La mauvaise gouvernance aggrave la crise foncière dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), selon un nouveau rapport de la Banque mondiale.

Les défaillances de gouvernance exacerbent l’ampleur de la crise foncière dans cette partie du monde, affirment les auteurs du rapport rendu public récemment et qui montre comment la détérioration continue des terres dans une région qui compte 84% de déserts aggrave les problèmes de manque d’eau qui menacent la sécurité alimentaire et le développement économique.

D’après les informations tirées d’images satellitaires, la superficie des terres cultivées par les pays de la région MENA a diminué de 2,4% en 15 ans, sur la période 2003-2018, a constaté le rapport intitulé «La terre en question : une meilleure gouvernance foncière et une meilleure gestion de la pénurie de terres peuvent-elles éviter la crise qui s’annonce dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord?».

Comme le relève la Banque mondiale dans un communiqué, « il s’agit de la plus forte baisse au monde, dans une région où la surface des terres cultivées par habitant est déjà la plus faible et la marge d’expansion agricole limitée ».

Il est à noter également qu’« au cours de la même période, la population de la région a fait un bond de 35%, et les projections indiquent qu’elle devrait encore augmenter de 40% d’ici à 2050, pour atteindre 650 millions d’habitants», a souligné la même source.

Corrélation entre dégradation des sols et mauvaise gouvernance foncière

Par ailleurs, après avoir analysé et comparé les données sur la couverture terrestre aux statistiques sur les inégalités de richesse et d’autres indicateurs, les auteurs dudit rapport ont mis en évidence une corrélation entre la dégradation des sols et la mauvaise gouvernance foncière.

Il faut dire que dans une région où la proportion de terres appartenant à l’Etat est extrêmement élevée, tout laisse croire que « les gouvernements ne réussissent pas à gérer leurs actifs fonciers de manière à générer des recettes publiques, alors même que 23% des entreprises des secteurs manufacturier et tertiaire éprouvent les plus grandes difficultés à accéder à la terre», a déploré le rapport.

Autre constat relevé dans ce rapport : l’accès au foncier est également entravé par des normes sociales et des lois relatives à la propriété qui sont plus défavorables aux femmes dans la région MENA que dans d’autres parties du monde.

Ainsi, et selon la Banque mondiale, «ces dernières subissent de fortes pressions sociales pour renoncer à leurs droits à l’héritage de biens fonciers, souvent sans compensation équitable ».

Améliorer l’accès aux terres et leur utilisation

La situation est telle que le rapport préconise de profondes réformes pour améliorer l’accès aux terres et leur utilisation, dans un contexte de tensions accrues liées au changement climatique et à la croissance démographique.

Ainsi, pour le vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Ferid Belhaj, «le moment est venu d’examiner l’impact des questions foncières qui pèsent lourd dans de nombreuses décisions de politique publique, mais ne sont pas toujours explicitement reconnues».

Car, s’il est convenu que la terre a de l’importance, il est nécessaire de relever ici un fait : «La croissance démographique de la région MENA et l’impact du changement climatique rendent encore plus urgente la résolution de la crise foncière», a-t-il estimé. D’autant plus que, comme le souligne Harris Selod, économiste senior à la Banque mondiale et coauteur du rapport, «il est impossible de parvenir à un développement économique et social durable tant que les personnes et les entreprises n’ont pas un accès correct à la terre».

Revenant sur les réformes préconisées par le rapport, la Banque mondiale explique que celles-ci portent sur la mise en place de processus transparents fondés sur les principes du marché pour l’évaluation et la cession des terres, ainsi que sur le recensement exhaustif des terres domaniales et l’amélioration de l’enregistrement des droits fonciers.

Selon ses explications, « ces mesures sont nécessaires pour favoriser des décisions plus efficaces en matière d’utilisation et de gestion des terres et pour garantir que celles-ci remplissent des fonctions sociales, économiques et budgétaires dans une région où les impôts fonciers représentent moins de 1% du PIB ». Les auteurs du rapport sont, par ailleurs, persuadés que les politiques foncières peuvent également contribuer à réduire les inégalités entre les sexes.

A ce propos, le document suggère, « par exemple, en cas de renonciation par les femmes à leurs droits de succession, que soit introduite une taxe pour les bénéficiaires masculins qui permettrait, grâce à l’argent collecté, de financer des initiatives favorisant l’autonomisation des femmes ».

Spécialiste senior de l’administration foncière à la Banque mondiale et coauteure du rapport, Anna Corsi constate que l’approche globale indispensable pour traiter les enjeux fondamentaux de développement liés aux politiques foncières fait cruellement défaut dans la région MENA.

Elle est, en outre, persuadée que «la raréfaction des terres conduit à des arbitrages stratégiques sur la meilleure manière d’utiliser cette ressource pour répondre à des objectifs économiques, sociaux et de durabilité concurrents».

Quoi qu’on en pense, «la résolution urgente de la crise foncière dans la région MENA est essentielle pour le développement économique et social durable de la région, a affirmé le rapport.

Alain Bouithy

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