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Le rôle social d’un pilier de la sécurité alimentaire [INTÉGRAL]

Les pêcheurs à la canne aiment l’utiliser comme appât. Ceux de la pêche industrielle adorent la voir dans leurs fi­lets. Les gourmets l’apprécient grillée, frite, en tagine ou même en boulettes. La sardine est une ressource naturelle stratégique, un mets gastronomique et, surtout, le symbole d’une tradition marocaine millénaire. À l’époque romaine de notre Histoire, ce poisson ornait déjà les premières pièces de monnaie qui avait été frappées à Lixus. Preuve s’il en fallait que la pêche, la transformation, le commerce et la consommation de la sardine au Maroc remontent à la nuit des temps. « Doté de deux façades maritimes très entendues, notre pays a depuis l’Antiquité été connu pour ses côtes poissonneuses, où vit un nombre considérable d’espèces halieutiques en tout genre, mais la sardine en est incontestablement la reine », nous confi­e Pr Abdelati Lahlou, anthropologue affilié à l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP).
 

Un poisson populaire

 
Il n’est donc pas surprenant que cette espèce en particulier ait pu revêtir une importance socio-économique majeure pour l’économie et l’industrie du pays. Aujourd’hui encore, la sardine constitue près de 64% du total des captures effectuées annuellement par la ­filière de la pêche halieutique. Capitalisant sur la présence de stocks importants et sur une industrie compétitive de transformation des produits de la mer, le Maroc était en 2022 à la tête des exportateurs de sardine en conserve au niveau mondial, avec un volume de 152.137 tonnes pour une valeur d’environ 5,9 milliards de dirhams. « Si la sardine continue à être un produit relativement abordable pour les populations marocaines, son prix était vraiment très bas durant le siècle passé. Dans certains ports, les pêcheurs avaient même pour tradition d’offrir gratuitement un certain volume de sardines aux plus démunis ou à ceux qui en faisaient la demande », explique Pr Lahlou.
 

Une industrie millénaire

La sardine a ainsi depuis toujours joué un rôle considérable dans la sécurité alimentaire du pays puisqu’elle constitue une denrée disponible et surtout accessible. « Le patrimoine culinaire marocain contient plusieurs recettes et façons de préparer la sardine, surtout dans les villes côtières. D’autres savoir-faire ont également pu évoluer et se développer autour de la sardine, notamment les techniques de pêche, sans oublier les méthodes de transformation. À l’époque de la Maurétanie Tingitane, lorsqu’une part du Maroc actuel faisait partie de l’Empire romain, nous avions déjà une industrie de transformation de la sardine puisque les Romains avaient développé des sites de salaison dans lesquels était fabriqué le fameux Garum (condiment répandu à Rome et en Grèce antique fabriqué à partir de poisson salé et fermenté, NDLR) qui, une fois préparé, était conditionné dans des amphores pour être ensuite transporté dans les soutes de bateaux», précise l’anthropologue.
 

Sardine d’ici ou d’ailleurs ?

 
S’il est avéré que les façades maritimes marocaines font partie des habitats connus de la sardine, la ­fluctuation de ses captures demeure toutefois un mystère pour un grand nombre de néophytes. « La sardine vit en très larges bancs dont le déplacement dépend de conditions très spécifiques. Parfois, ces conditions favorisent le rapprochement de ces bancs des côtes ou des zones de pêche, ce qui explique les volumes importants de captures qui sont enregistrés par moments et par endroits », précise Houssine Nibani, président de l’Association de Gestion Intégrée des Ressources (AGIR).
 
La hausse des captures n’est cependant pas toujours synonyme de stocks en croissance. « Il est possible d’avoir un niveau stable (voire croissant) des captures, alors même que le stock est en baisse, car le paramètre qu’il faut prendre en considération, c’est l’effort de pêche », conclut Houssine Nibani. De ce fait, et à l’image de son importance socio-économique pour notre pays, œuvrer pour la durabilité des stocks de sardine est un enjeu aussi vital que stratégique.

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