Santé

Allô, Giulia ? « Mon mec est un menteur ! »

« Chère Giulia,

Je suis folle de rage. Martin (mon mec) est incapable de tenir une parole, il me ment, et il me prend pour une débile, en plus !

Tout à l’heure, il sort, soi-disant, chercher du pain. Je trouve qu’il met un peu de temps alors, je commence à douter. Lorsqu’il remonte, évidemment, je suis méfiante. Je décide de ne pas le prendre en frontal, le connaissant, il m’aurait encore menti. Donc, je lui prends juste son blouson, comme si j’étais gentille et attentionnée. Là, je renifle : ça pue la clope.

Ça fait des mois que je lui demande d’arrêter, des mois qu’il promet et pire, il me dit même qu’IL A arrêté ! Alors que non, il fume toujours… Je déteste la clope. Mon grand-père, que j’adorais, est mort d’un cancer quand j’étais toute petite, alors c’est très peu pour moi. J’ai beau lui dire ce que ça me fait, tous ces sales souvenirs, et lui dire que j’ai la trouille, visiblement, il s’en fout.

De toute façon, Martin ne fait pas attention à sa santé. Par exemple, il a toujours beaucoup trop mangé, et trop gras – bon, heureusement, depuis qu’on est ensemble, j’ai réussi une ou deux fois à le mettre au régime. Il ne tient jamais longtemps, mais au moins, il fait des efforts. Enfin, c’est pour lui et pour moi aussi, je crois… Personne n’a intérêt à bouffer n’importe quoi, non ?

La clope, c’est beaucoup plus compliqué et aussi dangereux, sans parler de l’odeur ! Quand on vit sous le même toit, c’est clairement un problème. Là, on a décidé de faire un enfant, et tout le monde sait que la clope ça bloque la fertilité. Au fond, je crois que c’est ça qui me rend folle : comment je peux faire un enfant avec quelqu’un d’aussi irresponsable ? » Flora, 37 ans.

« Chère Flora,

Wow. Tout doux, Flora, tout doux… Soufflez un bon coup et prenez le temps de vous relire, à tête reposée : vraiment, il m’a fallu quelques lignes pour comprendre que Martin ne vous trompait pas – et qu’il n’était pas tueur à gages. On parle d’une cigarette, Flora…

Oui, la cigarette, ça pue. Oui, c’est mauvais pour la santé. Oui, ça fait cher la saloperie d’addiction. Mais, scoop 1 : Martin est au courant.

Les fumeurs ne sont pas de sombres idiots convaincus de bouffer une sucette sans sucres quand ils s’en allument une. Ils savent. Et s’ils n’arrêtent pas, c’est pour une série de raisons physiologiques et psychiques qu’ils pourront dénouer avec des professionnels, et qui ne regardent qu’eux… À condition, bien entendu, de ne pas empiéter sur l’espace de l’autre. Là, oui, ça commence à vous regarder, et ça vous rappelle que le couple est avant tout une question de territoires, d’invasions mutuelles, de hache de guerre qu’on déterre, de drapeau blanc qu’on agite et de négociations parfois de haute volée pour retrouver la paix.

Ce que vous avez le droit de demander à Martin, c’est de ne pas fumer à l’intérieur de votre espace commun – et de bouffer un chewing-gum avant de vous rouler une pelle.

Quant au reste du temps passé ensemble… Si je croyais à l’existence de Dieu, je penserais qu’il a inventé la cigarette électronique pour sauver les couples, à deux doigts du précipice. Bref, sur le très court terme, il y a des solutions pour rendre votre quotidien vivable. Et des « efforts », comme vous dites, à faire des deux côtés : à Martin de comprendre pourquoi il fume, qu’est-ce que cela console, rassure, compense… Et au bout de son chemin, quand il l’aura décidé, d’une manière qui sera la sienne, il arrêtera.

En attendant, puisqu’on ne peut agir sur l’autre – scoop 2 : ce n’est pas comme un lego qu’on pourrait démonter et remonter comme on veut, prenez le temps de réfléchir sur vous. D’interroger, par exemple, le souvenir de ce grand-père et de comprendre pourquoi votre chagrin, encore si vif, la nécessaire tranquillité d’une vie à deux. Les événements, Flora, comptent bien moins que la façon dont on les vit. Et on les vivra tous très différemment. Dans ces différences se nichent une foule de choses intéressantes à comprendre. Vous adoriez votre grand-père, et il est mort, et vous êtes triste, et oui, il y a comme une logique là-dedans.

Maintenant… C’était il y a très, très longtemps, or à vous lire, sa mort semble dater d’hier. D’où ma question : qui était-il, pour vous, ce grand-père ? Qu’avez-vous perdu, avec lui ? Ça, c’est un premier chemin à parcourir… Le second, à vue de nez, semble plutôt se dessiner du côté de votre rapport au couple : que devez-vous être l’un pour l’autre, selon vous ?

Scoop 3 : vous n’êtes ni son infirmière, ni sa diététicienne, et encore moins sa coach de vie. De manière générale, je me méfie toujours de ce qu’on veut imposer aux autres sous prétexte que c’est pour leur bien. C’est leur serrer la bride autour du cou, c’est les priver d’autonomie, c’est considérer que, seuls, ils ne sont pas capables de reconnaître ni les dangers, ni les limites. Et ça, c’est ce que font les parents, avec leurs enfants.

Là, ça peut être leur rôle – encore que, parfois, ils se plantent aussi… Oui, Flora, vous avez raison : avant de le faire, et de l’élever à deux, cet enfant, vous avez un peu de pain sur la planche, l’un et l’autre ! Bravo de l’avoir repéré, et maintenant, il n’y a plus qu’à – mais promis, ça vaut le coup. Je vous embrasse, Flora. »

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