Santé

La question psy : « Je suis envieuse de la réussite de mes amis, est-ce normal ? »

« Je suis envieuse de mes proches quand je vois qu’ils accomplissent plus de choses que moi », confie Raphaëlle*, 25 ans. « Je suis contente pour eux, mais je ne peux pas m’empêcher de me comparer. D’autant plus si nous avons le même âge, poursuit-elle. Parfois, leur succès fait ressortir en moi un complexe d’infériorité. »

Dans une autre mesure, certaines personnes ne parviennent pas à se réjouir du bonheur de leurs ami·es, malgré tout l’amour qu’elles leur portent. Peut-être l’avez-vous déjà remarqué, au sein de votre entourage ? À l’annonce de fiançailles, d’une promotion ou de l’achat d’un appartement, les réactions ne correspondent pas toujours à celles que l’on attendrait de la part d’un proche. 

Peut-être vous êtes-vous déjà retrouvée dans cette même position ? L’une de vos copines vous confie qu’elle est enceinte, et au lieu de lui sauter dans les bras en la félicitant, le rire aux lèvres, la compersion (ou le fait de partager la joie de quelqu’un d’autre), laisse place à un sentiment fort désagréable. Avec la sensation de ne pas évoluer au même rythme qu’elle. De quoi faire naître en vous un sentiment de culpabilité. 

Alors, cette tendance à se comparer à ses proches est-elle courante ? Comment expliquer cette réaction, alors que la réussite des autres ne remet en aucun cas votre propre succès ? Le fait de se sentir envieux·se d’ une personne que l’on aime est-il vraiment paradoxal ?

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LA RÉPONSE DE STÉPHANIE GROUSSET

« Tout d’abord, il est important de ne pas confondre l’envie et la jalousie. Dans le langage commun, il y a un amalgame entre ces deux mots. D’un point de vue psychologique, non seulement ces sentiments ne génèrent pas les mêmes comportements, mais surtout, ils ne sont pas déclenchés par les mêmes facteurs.

La jalousie est ternaire, avec une tierce personne qui entre dans la donne. Cette émotion secondaire se rapproche de la peur de perdre ce que l’on a. À l’inverse, l’envie est binaire, c’est-à-dire que l’on désire quelque chose que l’autre a, et que l’on ne possède pas. Par exemple, on peut jalouser une personne extérieure à notre couple (par peur de perdre l’être aimé) ; ou envier une amie parce qu’elle est en couple (quand on est célibataire). 

Envier ses ami·es est (presque) normal

Dans le cas de ce que vous décrivez, il s’agit effectivement d’envie. Ce phénomène est parfaitement normal et commun, jusqu’à un certain degré. En effet, tout le monde peut identifier des choses qu’il n’a pas et cultiver du désir par rapport à cela. En revanche, si ce sentiment devient trop douloureux, obsessionnel, systématique ou permanent, on bascule dans un rapport pathologique.

L’envie peut renvoyer à une faille narcissique. Cela se traduit par un manque de réassurance affective, une difficulté à s’affirmer dans l’existence, aller de l’avant ou développer ses propres ambitions. Avoir envie du boulot de l’autre, du partenaire ou de l’enfant que l’on n’a pas, c’est comme mettre une focale d’appareil photo sur l’objet manquant. En réalité, cela dissimule un vide en soi beaucoup plus profond, qui remonte certainement à la toute petite enfance. 

L’envie et l’amitié, par si paradoxales

Si envier quelqu’un qu’on aime peut sembler paradoxal, ça ne l’est pas du tout. En effet, ce sentiment a du sens, puisque, a priori, on se lie d’amitié avec des personnes qui suscitent en nous de l’intérêt. À partir du moment où il y a de l’affection, on est intéressé·e par ce qui se produit dans la vie de l’autre, ce qui peut induire une forme de compétition. À l’inverse, il ne nous viendrait pas à l’esprit de nous comparer à des personnes que l’on n’apprécie pas, ou en tout cas, pas de la même manière. 

Sans filtre sur les réseaux sociaux 

Les réseaux sociaux amplifient certainement ce phénomène, pour plusieurs raisons. Caché·es derrière un écran, on expose facilement sa vie, que ce soit les bonnes ou les mauvaises nouvelles, et cela peut susciter tout type de réactions. Pourtant, lorsque l’on se retrouve face à un·e ami·e qui traverse des épreuves difficiles, et que l’on doit lui annoncer une bonne nouvelle, on sait trouver la bonne tournure ou prendre des pincettes. Sur Instagram, TikTok ou encore Snapchat, tout est livré de manière abrupte, sans faire attention à la manière dont l’information est reçue. 

Comprendre d’où vient ce manque affectif

Voici quelques conseils qui pourraient vous aider, si vous vous sentez concerné·e. Tout d’abord, réfléchissez à ce qui pourrait vous manquer, au plus profond de vous-même. Il est important de détacher la focale de l’autre, pour regarder en face vos propres carences.  

Finalement, le problème n’est pas que l’autre ait ceci ou cela, mais c’est ce que Lacan appelle l’objet petit A : cette chose que l’autre aurait et qui vous manque toujours. En psychologie, on parle aussi du Tonneau des Danaïdes, cette quête perpétuelle de tout ce que l’on n’arrive pas à satisfaire.

Si cela devient trop envahissant au quotidien, il pourrait être intéressant d’entamer un accompagnement thérapeutique, pour creuser d’où vient ce manque affectif, qui se cache quelque part dans votre histoire. »  

Stéphanie Grousset, psychologue clinicienne

(*) Le prénom a été modifié

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