Santé

Euthanasie : le difficile débat sur l’aide active à mourir

Euthanasie : quelle définition ?

L’euthanasie consiste à administrer une substance mortelle à un patient qui en fait la demande, dans le but de provoquer son décès. Cette pratique est actuellement illégale en France. Aux yeux de la loi, elle est assimilée à un meurtre ou à un assassinat.

Dans les pays où elle est autorisée (voir plus loin), l’euthanasie répond à la demande volontaire d’un patient souffrant d’une maladie grave et incurable, à l’origine de souffrances insupportables. 

Le périmètre varie selon les pays. Dans la plupart des cas, l’euthanasie est limitée aux adultes, mais la Belgique et les Pays-Bas l’autorisent aux enfants sous certaines conditions. Les maladies concernées peuvent aller jusqu’aux troubles psychiatriques, comme en Belgique où, en mars 2023, l’euthanasie a été accordée à une femme victime d’un viol, aux vues des souffrances psychiques endurées. 

Quelle différence entre euthanasie et suicide assisté ?

Dans l’euthanasie, c’est un médecin qui pratique l’injection létale. 

Dans le suicide assisté, le geste est effectué par le patient lui-même : soit il avale un produit mortel, soit il déclenche une perfusion. 

Dans les deux cas, la substance létale est prescrite par un médecin.

Cette assistance au suicide est actuellement autorisée en Suisse (le réalisateur Jean-Luc Godard y a eu recours en septembre 2022), en Belgique, en Autriche et dans 10 Etats américains.

Le suicide assisté est, comme l’euthanasie, illégal actuellement en France. Dans un avis rendu en septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique entrouvre la porte, estimant qu’il « existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes (…) »

Quelle différence avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès ?

Contrairement à l’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté), la sédation profonde et continue jusqu’au décès est autorisée en France depuis la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016. Elle concerne des patients en fin de vie, dont le pronostic vital est engagé à court terme (quelques heures à quelques jours, selon la Haute autorité de santé). 

Concrètement, la personne est plongée dans un coma profond et irréversible. Pour l’endormir, un sédatif puissant (en général le midazolam) lui est administré en perfusion continue. La loi oblige à y associer un traitement contre la douleur, le plus souvent de la morphine.

Cette sédation profonde et continue est strictement encadrée. Elle ne peut être mise en œuvre (à l’hôpital, à domicile ou en établissement médico-social) qu’après une procédure de décision collégiale impliquant l’équipe de soins.

Elle est autorisée dans trois situations :

– Un patient – incurable et en fin de vie – demande à être endormi pour ne plus subir des souffrances inapaisables, « souffrances qui peuvent être physiques, psychiques ou existentielles », précise la Dr Valérie Mesnage, médecin au Centre d’éthique clinique de l’APHP et neurologue hospitalière.

– Un patient atteint d’une pathologie incurable demande l’arrêt des soins, ce qui va accélérer sa fin de vie. Dans ce contexte, il peut bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. 

– Un patient – incurable et maintenu en vie par un traitement actif – se trouve dans l’incapacité de s’exprimer. « À l’issue d’une procédure collégiale, le médecin référent décide d’une limitation ou d’un arrêt de ce traitement au titre du refus de l’obstination déraisonnable, ce qui va engager son pronostic vital. Il se doit d’y associer une sédation profonde et continue jusqu’au décès pour que le patient ne souffre pas. Un éventuel refus devra être recherché au préalable par le biais des directives anticipées, auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de ses proches », explique la Dr Mesnage. 

En quoi est-ce différent de l’euthanasie ?

En 2018, la Haute autorité de santé (HAS) a répondu à cette question en insistant sur deux points : l’intention et la temporalité. 

Dans la sédation profonde, le médecin qui endort le patient n’a pas l’intention de provoquer sa mort. Le décès résulte de « l’évolution naturelle de la maladie », selon l’expression de la HAS. En revanche, dans l’euthanasie, la mort est provoquée délibérément. 

Autre différence : le décès d’un patient sous sédation profonde et continue va survenir, selon l’état de la personne, en quelques minutes, jours ou semaines – ce qui peut être pénible à supporter pour l’entourage. Dans le cadre de l’euthanasie, la mort est instantanée. 

Qu’en est-il des demandes d’euthanasie en France ?

Une étude française publiée en 2014, basée sur 2000 dossiers médicaux de patients admis en soins palliatifs, évalue à 3 % environ les demandes d’euthanasie. 

Dans sa pratique, la Dr Valérie Mesnage est confrontée à ces situations : « Il existe des demandes d’euthanasie aujourd’hui en France. Il faut cependant distinguer d’un côté le souhait fréquent de hâter la mort ; de l’autre côté la demande d’aide active à mourir qui, elle, est beaucoup plus rare », explique-t-elle. 

Pour cette neurologue, la sédation profonde et continue jusqu’au décès ne répond pas à toutes les situations. Elle souligne le cas particulier de certains patients atteints d’une maladie incurable et qui perdent progressivement toute autonomie (la mobilité, la parole, la capacité de déglutition…). Ces personnes condamnées par leur maladie à rester « enfermés dans leur corps » sont actuellement sans solution. « On leur propose de tout mettre en œuvre pour que leur dépendance soit la moins pénible possible, des aides à domicile par exemple. Mais certains de ces patients refusent : ils ne veulent plus dépendre d’autrui », constate la neurologue. Et pourtant, dans de telles situations, la sédation ne peut pas être mise en œuvre : « Etant donné que ces patients ne sont pas en fin de vie, il serait éthiquement inacceptable de les plonger dans un coma profond jusqu’à leur décès », explique Valérie Mesnage.

Quels sont les pays qui autorisent l’euthanasie ?

En 2022, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie a publié un Panorama des législations sur l’aide active à mourir dans le monde, rédigé par une chargée de mission, Perrine Galmiche. Ce document dresse un état des lieux. Quels sont ces pays ? 

– La Belgique depuis 2002 

La loi admet l’euthanasie pour des malades, adultes ou mineurs (sans précision d’âge, mais à condition d’avoir un certain discernement), incurables et en fin de vie ; mais aussi pour des souffrances physiques ou psychiques insupportables et impossibles à soulager. En Belgique, le suicide assisté est également toléré.

– Les Pays-Bas depuis 2001

La loi autorise l’euthanasie et le suicide assisté, y compris pour des adolescents de 12 à 16 ans, avec l’accord indispensable des parents. Après 16 ans, leur avis est consultatif.

– Le Luxembourg depuis 2009

L’accès à l’euthanasie et au suicide assisté est autorisé, uniquement pour des adultes. 

– L’Espagne depuis 2021

La loi autorise l’euthanasie et le suicide assisté uniquement pour les adultes.

Euthanasie et suicide assisté sont accessibles aux adultes. En 2023, la loi devrait évoluer pour inclure les malades psychiatriques.

– L’Australie depuis 2017

L’euthanasie et le suicide assisté sont possibles pour les majeurs uniquement.

– La Nouvelle-Zélande depuis 2019

L’euthanasie et le suicide assisté sont autorisés pour les adultes

Qui peut pratiquer l’euthanasie ?

Dans les pays qui l’autorisent, l’euthanasie est un acte médical pratiqué par un médecin quelle que soit sa spécialité. De manière générale, les spécialistes de soins palliatifs y sont fortement opposés, comme c’est le cas actuellement en France. En réalité, « dans ces pays, l’euthanasie est très peu pratiquée par des médecins de soins palliatifs. La plupart du temps, il s’agit du médecin de famille ou d’un médecin spécialiste de la maladie. Ils interviennent le plus souvent à domicile », observe Perrine Galmiche, aujourd’hui chargée de mission au Centre d’éthique clinique de l’APHP. 

Quel que soit le pays, les médecins ont le droit de refuser de participer à une euthanasie en faisant valoir leur clause de conscience. 

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