L’histoire qui suit, est celle de l’aventure, inédite d’une météorite marocaine âgée de 4 milliards d’années pesant un peu plus de 640 grammes, ayant un jour quitté la Terre pour y revenir quelques milliers d’années plus tard. Baptisée Northwest Africa 13188 (NWA 13188) ou plus vulgairement météorite “boomerang“, elle avait été trouvée quelque part au Maroc en 2012.
Elle a par la suite, été achetée en juin 2018 lors de la 52ème édition, du salon « Mineral & Gem » de Sainte-Marie-aux Mines (Haut-Rhin en Alsace) à un marchand de météorites marocain par Albert Jambon professeur de Géochimie à l’Institut des Sciences de la Terre de Paris, à l’Université Pierre et Marie Curie.
Ce serait, selon toute vraisemblance, la première roche spatiale à avoir effectué un aller-retour extraordinaire depuis la Terre, selon une étude présentée à la conférence internationale de géochimie « Goldschmidt » 2023 le 11 juillet dernier à Lyon (Rhône) par une équipe de scientifiques dirigée par Jérôme Gattacceca, de l’Université d’Aix-Marseille. Ces derniers considèrent que cette roche volcanique terrestre est une météorite projetée depuis la Terre et qui y est redescendue à sa surface.
« Les météorites représentent une source inestimable de connaissances sur la formation et l’origine du système solaire, des planètes en général et de la Terre en particulier. Leur étude permet d’avoir accès directement à des roches de planètes et astéroïdes non encore explorés », a déclaré à Hespress FR Abderrahmane Ibhi, chercheur scientifique dans le domaine des météorites et fondateur responsable du Musée Universitaire de Météorites d’Agadir.
« Les météorites, poursuit-il, ont de tous temps fasciné les différentes civilisations de notre planète. Elles proviennent ou ont été arrachées d’un corps parent (Lune, Mars ou Astéroïdes) suite à un choc avec un autre objet céleste et après un voyage dans l’Espace. Elles se désintègrent en traversant l’atmosphère terrestre avant d’atterrir sur notre planète. Ceci est tout à fait concevable pour d’autres planètes ou leurs satellites ».
On a par exemple, découvert dans une roche du résidus terrestre sur la Lune. Désignée comme « 14321 », elle avait été recueillie par Alan Shepard, astronaute de la mission Apollo 14, le 6 février 1971. En 2019, des chercheurs ont identifié qu’elle contenait de minuscules fragments de quartz, de feldspath et de zircon. Des fragments probablement tous originaires de notre planète.
« Dans le Royaume, les météorites, on les dénombre par milliers, nous dit encore Abderrahmane Ibhi, notant que « plus de 13.000 ont été ramassées et 22 chutes ont été récemment observées sur le territoire marocain. Nos météorites contribuent à plus de 50% de la recherche scientifique dans le monde. Parmi celles-ci, figure, la (NWA) 13188 qui a été découverte en 2012 dans le Sahara marocain l’endroit précis où elle a été trouvée restant inconnu ».
Et le chercheur scientifique de détailler: « Cette météorite âgée de 4 milliards d’années pourrait remonter à l’époque Hadéen (précambrien), la plus ancienne division des temps géologiques ».
Selon les premières études, poursuit le professeur universitaire « elle pourrait avoir été propulsée dans l’espace après l’impact d’une comète ou d’un astéroïde il y a environ 10 000 ans au cours d’un évènement qui aurait ainsi, envoyé de la matière à travers l’atmosphère primitif de la Terre.
L’autre événement naturel susceptible de pilonner des roches à très haute altitude dans l’espace selon lui « est une éruption volcanique d’une très forte intensité. Les analyses minéralogique et géochimique de la météorite ont démontré effectivement, qu’elle est née d’un volcan terrestre situé à la jonction de plaques océaniques. Cependant cette seconde probabilité reste très faible car les volcans les plus virulents ou violents, de leurs meilleures explosions ne dépassent pas les 54 kilomètres de haut, une distance quelque peu insuffisante pour permettre à cette roche d’atteindre les hautes atmosphères terrestres. Mais sait-on jamais la planète est loin d’avoir livré tous ses secrets ».
Selon Abderrahmane Ibhi, « cette roche serait bel et bien une météorite, les chercheurs l’ont identifiée et analysée à travers une croûte de fusion (mince couche noire) bien développée qui recouvre la roche. Cela témoigne fortement d’un voyage dans l’atmosphère terrestre. De plus, les chercheurs ont identifié aussi des éléments isotopiques signifiant que la roche a été exposée à des rayons cosmiques (particules à haute énergie) qui suggèrent que la roche était dans l’espace depuis au moins 10 000 ans ».
En effet, à une échelle géologique, poursuit le fondateur responsable du Musée Universitaire de Météorites d’Agadir « les collisions au sein du système solaire entre planètes et d’autres objets célestes massifs sont fréquentes. La Terre comme les autres astres du reste, a subi une phase de bombardement intense qui s’est achevé il y 3,9 milliards d’années -le grand bombardement tardif. L’exemple le plus illustre de ces impacts étant celui qui a exterminé les dinosaures. Ce phénomène se poursuit jusqu’à nos jours mais à un rythme beaucoup plus lent. Actuellement, sur la planète Terre, peu de cratères sont visibles parce que les processus géologiques tels que l’érosion et la tectonique des plaques, ont effacé leurs traces ».
La question qui se pose aujourd’hui, conclut Abderrahmane Ibhi fondateur responsable du Musée Universitaire de Météorites d’Agadir, est, « comment une telle roche a-t-elle pu quitter notre planète pour y revenir des milliers d’années plus tard ? Des études et analyses scientifiques complémentaires notamment l’astrométrie et la mécanique céleste sont en cours et devraient très bientôt nous aider à résoudre cette énigme pour mieux comprendre ce processus. Il percera alors le secret de +l’aller-retour+ de cette roche marocaine, la première météorite d’origine terrestre découverte sur notre planète ».
