Santé

« Certains garçons m’abordent comme si j’étais un objet sexuel » : des personnes trans se confient sur leur vie amoureuse

« J’ai une peur latente de ne pas plaire aux filles car je suis petit, fin et imberbe, ce qui ne correspond pas aux stéréotypes du mec lambda », confie David*, un homme transgenre et célibataire, âgé de 24 ans. « Ce panel-là, il faut encore le réduire car de nombreuses personnes potentiellement intéressées, partiront quand elles sauront que je suis trans », poursuit l’étudiant, qui s’identifie comme bisexuel. « Quand j’ai entamé ma transition, je me disais que j’étais un monstre et que personne ne s’intéresserait à moi », renchérit Diane*, 38 ans, qui ne s’est pas toujours sentie à l’aise dans les rapports amoureux, craignant de ne pas être suffisamment séduisante aux yeux des personnes cisgenres (individu dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance), notamment, ou d’être fantasmée pour les stéréotypes qu’elle représente. 

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Fétichisation et transphobie

« En tant que femme trans, j’ai peur de ne pas être désirée pour qui je suis, mais pour ce que j’ai ou non entre les jambes », poursuit cette coach de vie, faisant référence aux trans chaser (ou « chasseurs de trans », qui désignent des individus fétichisant ou objectifiant les personnes transgenres). « Pour eux, notre caractère, nos envies, nos désirs, notre passé et nos expériences ne comptent pas. »

« Quand il a senti que je n’étais pas une femme comme toutes les autres, il est devenu beaucoup plus agressif » 

Quant à Lalla, 52 ans, sa vie amoureuse a pris un tournant lorsqu’elle a débuté sa transition il y a près de vingt ans. « J’étais en couple depuis 13 ans et, même si mon compagnon m’a beaucoup soutenue, cette période correspond au début de mon célibat, confie-t-elle. Des amants m’ont déjà dit que dans un autre monde, nous pourrions être en couple. Je pense que c’est lié à cette fausse idée selon laquelle les femmes trans ne seraient pas vraiment des femmes, mais avant tout des trans, et donc des LGBT. D’autres me traitent comme une reine le temps d’une nuit, mais avec le temps, j’ai appris à les laisser partir, et à accepter ma solitude », poursuit-elle, avant d’évoquer son orientation sexuelle, qui est perçue différemment depuis sa transition. 

« Pendant un temps, j’étais identifiée comme gay, avec tout ce que ça implique en termes d’appartenance et de désirs entre personnes minoritaires. Après ma transition, j’ai mesuré tous les avantages que je perdais d’un point de vue communautaire : en tant que femme hétérosexuelle, les gens que l’on désire deviennent assez rapidement nos ennemis principaux », poursuit-elle, paraphrasant la militante féministe Christine Delphy, qui étudie la domination masculine dans son ouvrage « L’ennemi principal » (éd. Syllepse). 

Cette oppression de la femme, parfois mêlée à de la transphobie, et qui peut se traduire par de la violence, Diane en a malheureusement fait les frais, lors d’un date avec un homme cisgenre. « Il me draguait, et j’ai fini par l’inviter chez moi, raconte-t-elle. Quand il a senti que je n’étais pas une femme comme toutes les autres, ça l’a refroidi. Il est devenu beaucoup plus agressif et a arrêté de m’embrasser. Il était grand et costaud, j’ai eu très peur alors j’ai fait le nécessaire pour qu’il ait ce qu’il veut et qu’il parte de chez moi », poursuit-elle, exprimant un sentiment de culpabilité : « J’ai honte d’être entrée dans son jeu et de l’avoir laissé me traiter ainsi. »   

Filtrer les prétendant·es dès le début 

Pour éviter d’être confrontée à ce type de comportements problématiques, engendrant des situations insécurisantes, Lalla préfère mentionner sa transidentité dès le début, notamment sur les applis de rencontres. « Si je parle de mon parcours trans, ce n’est pas pour exciter mes potentiels prétendants ou créer un sujet de discussion, mais pour mon propre confort, insiste-t-elle. Parfois, ça ne se passe pas très bien quand je le dis, mais au moins ça filtre. » 

C’est aussi le cas de David, à quelques nuances près. « Ça fait partie de moi, et j’aurais l’impression de mentir si je ne le disais pas. De plus, j’ai besoin de m’assurer que la personne en face est un minimum renseignée sur le sujet et ouverte d’esprit, quitte à évoquer des choses potentiellement gênantes pour l’autre personne, tout de suite », déclare-t-il. « Ainsi, je considère que les personnes avec qui je matche me choisissent en toute connaissance de cause. »  

Vers des relations plus saines 

En ce sens, sa transidentité lui permet aussi de mieux de vivre sa vie amoureuse et sexuelle. Si les opportunités amoureuses se font plus rares, elles sont néanmoins plus qualitatives. « Avant, j’avais des relations très fusionnelles et dépendantes, parce que je n’allais vraiment pas bien et que je cherchais une validation de moi-même chez l’autre, explique David. Depuis que j’ai entamé ma transition, je me sens mieux dans ma peau, donc mes relations ont changé de manière positive et je recherche des histoires beaucoup plus saines. Je ne perçois plus l’amour comme un moyen de combler un manque, mais plutôt comme une valeur ajoutée », poursuit le jeune homme, qui a connu deux histoires d’amour depuis le début de sa transition, il y a cinq ans. « Je sélectionne beaucoup plus et beaucoup mieux les personnes que je fréquente, et j’ai moins de risques de coucher avec des personnes toxiques. » 

« J’ai une meilleure connexion avec mon corps, ma sexualité et la personne que je suis » 

Un sentiment que partage Diane, dont la sexualité s’est libérée au fil du temps. « Quand je faisais semblant d’être un garçon, je m’identifiais comme gay et n’aurais jamais pensé pouvoir coucher avec une fille, alors que maintenant oui, quel que soit son appareil génital », déclare celle qui s’identifie aujourd’hui comme pansexuelle. Pour cause, « depuis que j’ai fait mon coming out, je m’affirme de plus en plus, j’ai une meilleure connexion avec mon corps, ma sexualité et la personne que je suis », jubile-t-elle. « Je suis aussi plus ouverte au polyamour et à l’amour platonique. » Un témoignage qui fait écho à celui de Lalla : « J’ai réussi à mettre en place des rapports avec les hommes qui me conviennent parfaitement, et que je trouve beaucoup plus sains que les modèles traditionnels. J’ai des relations avec des mecs depuis plus de dix ans – peut-être qu’on bai*e moins, mais le lien est toujours là. J’ai aussi appris à faire vivre ces moments-là pour ce qu’ils sont, et c’est ultra agréable. »  

Des histoires d’amour qui durent

D’autres, vivent en couple depuis plusieurs années. C’est le cas de Nina, une femme transgenre qui partage la vie de Jérémy, un homme cisgenre hétéro, depuis quatre ans. « Avant de rencontrer mon compagnon, j’appréhendais les datings », raconte la make up artist et influenceuse, résidant à Nice. « Certains garçons m’abordaient comme si j’étais un fantasme ou un objet sexuel », poursuit-elle. 

Son amoureux, Jérémy, se souvient de leurs premiers échanges, d’abord virtuels, comme si c’était hier. « Je suis tombée sur son profil Instagram et je l’ai trouvée très belle, alors je lui ai envoyé un message », raconte-t-il. Les tourtereaux se sont ensuite donné rendez-vous, au bout de plusieurs semaines. C’est lors de cette première soirée en tête-à-tête, que Nina lui a parlé de sa transidentité. « J’ai été surpris car je n’avais rien remarqué. Et puis, je me suis intéressé à son histoire et à son parcours que je trouvais incroyables. J’étais bouche bée face à tant de courage et de détermination », déclare Jérémy, avant de poursuivre : « J’avoue m’être posé des questions, car je n’étais pas sûr de la manière dont ma famille réagirait. Finalement, ma mère n’a absolument pas porté de jugement, et ça a confirmé mon choix de poursuivre ma relation. Dans le fond, c’était une évidence. »  

« Les femmes trans peuvent nous donner énormément de force » 

Une réaction qui a rassuré Nina. « J’avais peur qu’il n’assume pas notre relation, mais en fin de compte, je suis tombée sur quelqu’un de formidable. Il a réagi comme un être humain réfléchi. Après tout, il ne m’avait jamais connue avant ma transition, donc ne pouvait pas faire de comparaison. Il était attiré avant tout par ce qu’il voyait et ce que je dégageais. Et moi, je suis littéralement tombée amoureuse. » Les tourtereaux ont continué leur chemin, et la flamme ne s’est jamais éteinte. « Dans l’absolu, le fait d’apprendre sa transidentité n’a rien changé rien à notre relation, même si elle n’était pas encore opérée quand je l’ai rencontrée, et que j’ai dû m’adapter à certaines choses, confie Jérémy. Il n’y a aucune différence entre une femme trans et une femme cis, en tout cas, pour ma part, je n’en vois pas au quotidien. Les femmes trans peuvent nous apprendre beaucoup et nous donner énormément de force. » Le couple envisage d’acheter un appartement ensemble, et éventuellement de se marier. Une belle histoire d’amour, qui en ferait rêver plus d’un·e.  

(*) Les prénoms ont été modifiés. 

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