Santé

Eva : « Si je ne fais rien, si je m’ennuie, je me sens nulle »

Il y a un mois, Eva, 24 ans, déménage pour commencer son internat de médecine. En charge horaire, cela représente – a minima – 48 heures de travail par semaine. Le genre de rythme qui pourrait donner envie de se reposer durant son temps libre… Ou pas. « Ce matin, je ne suis pas de garde et je veux partir en randonnée dans la montagne, mais il pleut très fort dehors. Mon premier réflexe, c’est de chercher sur internet : activités à faire quand il pleut en Haute-Savoie. C’est impossible que je reste dans ma chambre toute la journée, ça ne me vient même pas une seconde à l’esprit. Je vais forcément sortir, aller faire quelque chose de productif. » Très vite, même ses nouveaux collègues ont déjà remarqué qu’elle ne tenait en place. « Toutes les personnes que je rencontre ici me disent que je suis complètement folle, que je déborde d’énergie. Un de mes co-internes m’appelle même « la pompe à crack » ; il dit que je secrète de la drogue tellement je suis toujours à 300 à l’heure ! »

Une stratégie de défense

Le quotidien d’Eva se divise entre travail, soirées entre amis, et sport. « Tous les jeudis soir, il y a une fête, et les autres jours de la semaine en rentrant de l’hôpital, je fais du sport. En attendant l’ouverture des stations de ski, j’alterne entre escalade, squash, et aller courir avec mes amis en montagne, avec une lampe frontale quand il fait nuit, c’est incroyable ! » Derrière son enthousiasme face à cette hyperactivité, se cache aussi un constat : « En réalité, je suis incapable de ne rien faire. Remplir mon emploi du temps, c’est ma stratégie de défense. Si je m’ennuie, je me sens inutile et nulle. Je sais que je risque de me sentir mal si je ne fais rien, parce que je mets trop mon estime de moi dans ce que j’accomplis. Et puis, parce que le mouvement me permet de ne pas me poser trop de questions et de ne pas trop penser. C’est pour ça qu’un moment de détente m’angoisse plus qu’autre chose. »

Et pour cause, le dialogue interne d’Eva, lorsqu’elle se laisse aller à une journée de repos, est très négatif. « Quand j’ai passé un lendemain de soirée à ne rien faire à part regarder des séries et manger des gâteaux toute la journée… le soir, j’ai une telle sensation de mal-être ! Je ne suis vraiment pas bien dans ma peau quand je passe un moment comme ça. Je me dégoûte un peu. Je me sens sale de l’intérieur. Un peu comme si j’avais une hygiène de vie tellement déplorable que ça me fait honte. Je vais me dire : « Purée quelle journée ! Je ne referai pas ça. » »

Comme un air de famille

Pourtant, personne n’a jamais reproché à Eva de se détendre ou de prendre un temps pour ne rien faire. Mais rien n’y fait, elle l’a intégré comme quelque chose de négatif, en observant ses parents depuis l’enfance. « J’ai toujours vu mon père en train de travailler, de bricoler dans la maison, de faire du sport, ou de nous emmener en sortie, mes frères et moi. » Si la mère d’Eva assume aujourd’hui son besoin de moments de détente face à ses enfants, elle a longtemps gardé un rythme de vie soutenu. « Même si ce n’est plus son cas aujourd’hui, ce changement de comportement est arrivé trop tard dans ma vie, j’étais déjà imprégnée, et j’associais déjà le fait de ne rien faire à quelque chose de mal vu. » Non pas qu’il s’agisse d’une règle explicite dans la famille. « Mais ça a toujours été quelque chose de latent, je n’ai pas eu l’habitude de voir quelqu’un glander.

Un rythme à suivre

Les vacances d’été sont la période de l’année pendant laquelle Eva redoute le plus de s’ennuyer. Pour éviter cela, elle anticipe, organise… parfois même à l’excès. « Je vois mes semaines de congé d’été comme un gros bloc qu’il faut remplir. Plusieurs mois à l’avance, je commence à noter tous les plans que mes amis et ma famille me proposent. Et c’est simple : je dis oui à tout. Même si deux événements ont lieu à 24 heures d’écart, dans deux villes distinctes, je ferai en sorte d’assister aux deux. Ensuite, quand je vois que j’ai un trou, je me demande ce que je vais bien pouvoir faire pour rentabiliser ce temps. Résultat, je me retrouve toujours avec un été plein à craquer. J’adore ça, pour moi les vacances ne servent pas à se poser, elles sont synonyme d’aventure. »

Si un tel rythme convient à cette hyperactive, il n’est pas forcément du goût de son compagnon, Louis. « Depuis deux ou trois ans, avec mon copain, on a réalisé ce problème d’incompatibilité de nos rythmes de vacances. Quand je suis en vacances avec lui et qu’on suit mon rythme, il fatigue, devient hyper irritable et on finit par se disputer au bout de deux jours. Maintenant, je m’adapte davantage à lui quand j’organise nos séjours, et j’insère des journées chill à notre programme. Ce n’était pas facile pour moi au début, mais maintenant ça va mieux. En fait, Louis m’apporte un peu ce « droit à la détente » et quand je ne fais rien, en étant avec lui, je parviens à ne plus culpabiliser. »

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