Témoignage : « Je n’ai vu mon meilleur ami que deux fois dans ma vie »
« Ma rencontre virtuelle avec Romain remonte à mes 10 ans. Je cherchais quelqu’un pour faire équipe avec moi sur Dofus, un jeu de rôle en ligne. Il a répondu à mon appel, et nous avons commencé à jouer ensemble. Lui avait trois ans de plus que moi, mais le courant est vite passé, par écrans interposés. Nous avons alors échangé nos adresses MSN et Skyrock : on s’écrivait tous les jours, parfois avec la webcam allumée. Au fil des semaines, nous nous sommes rapprochés, pour ne plus jamais se lâcher.
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Une complicité à toute épreuve
On s’envoyait des lettres aussi, pour se faire des déclarations d’amitié. Romain avait fait graver une gourmette avec nos deux prénoms, et me l’avait envoyée par La Poste. Moi, je lui faisais parvenir des objets avec l’odeur de mon parfum. Une manière pour nous de garder un lien tangible, malgré les kilomètres qui nous séparaient : je vivais et région parisienne et lui habitait à Rodez (Aveyron).
« Victime de harcèlement scolaire, avec Romain, je me sentais en sécurité »
Romain et moi avons grandi ensemble, à distance. Il m’a raconté son premier bisou, et réciproquement. Il savait tout de ma vie, et je connaissais tout de la sienne.
Moi qui ai eu une enfance difficile, cette relation me faisait beaucoup de bien. Victime de harcèlement scolaire, je me suis réfugiée dans les jeux vidéo. Avec Romain, nous jouions tous les jours ensemble, je pouvais me confier pleinement, et me sentais en parfaite sécurité. C’est ainsi qu’il est devenu mon meilleur ami.
La première rencontre
Quelques années ont passé, on s’est construits, chacun de notre côté. Nous nous donnions moins de nouvelles, mais cette complicité n’a jamais disparu. Je lui ai d’ailleurs parlé de ma première fois, et lui aussi (même s’il y a ajouté un peu plus de détails !)
Puis, à l’âge de 22 ans, je suis partie en vacances avec mon père à Collioure, à 3h30 de route de Rodez. Si l’on compare à la distance qui nous séparait en temps normal, je n’étais finalement pas très loin de chez lui. On en a profité pour se voir : il nous a rejoints pour passer le week-end avec nous.
« Il était exactement comme je l’avais imaginé, bien qu’un peu plus réservé »
Je n’avais pas tellement d’appréhensions, à l’idée de le rencontrer pour la première fois. J’avais juste l’impression de retrouver un ami de longue date. Il faut dire que je le connais par cœur, et depuis ma plus tendre enfance. Sans grande surprise, il était exactement comme je l’avais imaginé, bien qu’un peu plus réservé. Je pense qu’il était plus stressé que moi par ce premier rendez-vous.
Le séjour s’est très bien passé. Nous avons visité les alentours, siroté quelques verres en terrasse et partagé de bons repas au restaurant, tous les trois. À l’époque, je sortais d’une rupture. J’aurais préféré le voir dans de meilleures conditions, mais il a réussi à remonter le moral.
Mon père ayant une passion pour les petits trains touristiques, il a insisté pour faire un tour de la ville avec nous. Moi qui étais déjà légèrement ronchonne ce week-end-là, je tirais une tête de six pieds de long, ce qui a beaucoup fait rire Romain. Aujourd’hui, à chaque fois qu’il voit un petit train, il pense à moi !
Mon meilleur ami nous a quittés à la fin du week-end. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai réalisé ce qui venait de se passer. Je me suis dit : « Waouh, ça y est, je l’ai enfin rencontré après tant d’années ! »
Loin des yeux, près du cœur
Cette rencontre n’a fait que consolider notre relation. Entretemps, Romain a rencontré une femme qui lui plaisait, à la salle de sport où il travaillait. Tous les soirs, il me parlait d’elle pour me demander des conseils, ne sachant trop comment s’y prendre, et craignant que cette relation empiète sur son boulot. Je lui ai donné quelques conseils, et ça a marché ! Aujourd’hui, ils sont en couple et ont même acheté une maison ensemble.
Nous nous sommes revus trois ans après notre première rencontre. Si l’on a attendu autant de temps, c’est que parcourir tous ces kilomètres n’est pas forcément évident. En revanche, dès que je pars en vacances, je regarde si la destination me rapproche de lui. Ce fut le cas l’été dernier.
Le 15 août 2022, en plein road trip avec mon compagnon dans le Sud-Ouest, j’ai proposé à Romain de nous retrouver à Carcassonne. C’est ce qu’il a fait, avec sa copine, et nous avons passé la journée tous ensemble. Là encore, le courant est très bien passé. Nous qui regardons toujours les avis sur Google avant d’aller au restaurant, nous sommes tombés sur le pire restaurant de la cité médiévale. C’était tellement mauvais que même la serveuse l’a reconnu, et nous a fait une réduction de 20 euros sur l’addition. Chaque fois qu’un client s’approchait de la terrasse, nous lui recommandions très fortement de fuir cet endroit. Ce fut une très mauvaise expérience culinaire, mais nous gardons un très bon souvenir de ce moment à quatre.
Ma relation avec Romain n’a jamais causé de souci dans mon couple. Mon amoureux connaît très bien notre histoire, et s’est d’ailleurs très bien entendu avec mon meilleur ami. Pour mon plus grand bonheur !
« Je me sens plus proche des personnes que je ne côtoie pas au quotidien »
Notre histoire peut paraître étrange, je sais. Mais je me sens plus proche des personnes que je ne côtoie pas au quotidien. Ces relations sont faites de longues conversations, il y a moins de retenue et je n’ai pas peur d’être jugée. D’ailleurs, il est bien plus facile pour moi de me livrer à l’écrit qu’en face à face.
Romain a toujours été là pour moi, dans des périodes difficiles de ma vie. Si l’on ne s’est vus que deux fois, je sais que je peux compter sur lui en toutes circonstances, et que sa porte sera toujours ouverte en cas de problème. Voilà pourquoi mes sentiments envers lui sont si forts. Si je suis amenée à me marier un jour, je penserai à lui tout de suite pour le rôle de témoin. Il est là depuis le début. C’est mon premier vrai ami.
Nous prévoyons de nous revoir cet été, pour la troisième fois en plus de quinze ans d’amitié. Cette fois, ce seront des vacances organisées à l’avance. L’occasion pour moi de découvrir sa maison, à Albi. Notre amitié est loin de se terminer : dans quelques années, nous serons fiers de raconter cette histoire à nos enfants. »
