Santé

L’amour serait-il fait pour les simples d’esprit ? par Alix Girod de l’Ain

Pour la Saint-Valentin, votre moitié vous a offert un appareil à raclette ? Ou alors vous êtes restée chez vous, seule comme un caillou ? Rassurez-vous, si vous faites partie des déçues de la fête des amoureux, c’est peut-être simplement le signe que vous êtes plus maligne que les autres. Éclairée par sa lecture de « Psychologie de la connerie en amour » (Éditions Sciences Humaines), qui rassemble les contributions de moult psys, écrivains et sociologues sous la direction de Jean-François Marmion, le Dr Aga vous donne six raisons de conclure que l’amour n’est pas fait pour les « truites les mieux oxygénées du bassin », comme le dit un plaisant adage.

IL EST SCIENTIFIQUEMENT PROUVÉ QU’ÊTRE AMOUREUX REND BÊTE

À quoi ça sert, l’amour ? Pour Mère Nature, à perpétuer l’espèce, avant tout. D’où d’habiles subterfuges : quand on rencontre quelqu’un qui pourrait nous convenir (joli, gentil, drôle, ou tout simplement libre), le fonctionnement de notre cerveau se modifie. Nos hormones bouillonnent et font perdre à notre cortex préfrontal sa capacité d’analyse. Les fameuses « lunettes roses » des amoureux sont une réalité prouvée par des expériences d’imagerie médicale : mal ou différemment irriguées, les zones associées à la méfiance passent en veilleuse, tandis que notre propension à embellir non seulement l’objet du désir, mais le monde entier autour de lui, se décuple. C’est comme si on était autoshooté, sauf que ça ne dure jamais. Si, à cette flambée d’enthousiasme, ne succède pas un simple attachement, on se met à voir l’autre tel qu’il est : un petit bonhomme qui mange la bouche ouverte, n’a d’avis pertinent que sur la défense du PSG et éteint systématiquement la lumière dans une pièce, même si vous êtes dedans.

LA FIDÉLITÉ EST UN CONCEPT DESTINÉ AUX MANCHOTS DE L’ANTARCTIQUE 

50 % des gens disent avoir déjà eu plus d’un ou une partenaire en même temps. Pas si étonnant si on en croit les anthropologues, qui ont recensé plus de 80 % de sociétés polygames. Le psychiatre Patrick Lemoine rappelle cette « règle universelle : lorsque, dans une espèce, mâles et femelles se ressemblent tant qu’il devient difficile de les distinguer (hippocampes, gibbons…), c’est la monogamie fidèle qui est de mise. Si les deux genres se ressemblent beaucoup, mais pas totalement, comme chez les canaris, la pratique habituelle est la monogamie avec adultère. Enfin, s’ils sont si différents qu’on les reconnaît au premier coup d’œil (lions, coqs, humains…), c’est la polygamie, avec souvent constitution d’un harem, qui prévaut. Or, les humains représentent une des rares espèces à être constitutionnellement polygames, mais culturellement monogames ». Un constat à rapprocher d’une étude américaine menée en 2002 auprès de gens à qui on a demandé le jour de leur mariage quel était le risque qu’ils divorcent. Réponse unanime des tourtereaux ? « 0%. » En 2022, près de la moitié de ces couples étaient séparés. S’unir, c’est monter dans un avion qui a un risque sur deux de se crasher. Une preuve d’optimisme plus que d’intelligence, donc.

TENTER DE « PSYCHOLOGISER » L’AUTRE EST STUPIDE

Le livre détaille toute une série de « cercles vicieux » mentaux qui nous rendent débiles en amour. L’un d’eux, appelé « l’explication linéaire et individuelle », est gratiné. Il consiste à penser que, quand ça ne va pas, c’est…

  • 1. Uniquement de la faute de l’autre.
  • 2. Parce qu’il a un problème psy. Marc Olano, journaliste scientifique, prend l’exemple des pervers narcissiques.

Des psychiatres ont avancé qu’il y en aurait 10 % en France, tandis que d’autres lèvent les yeux au ciel : ce terme, qui n’a pas d’équivalent en anglais, n’est référencé dans aucun manuel de classification des troubles mentaux ! Le biostatisticien Bruno Falissard, lui, évoque le manque d’études scientifiques (faute de cobayes !) et les difficultés d’établir un diagnostic unidimensionnel. Ce qui est sûr, c’est que, aujourd’hui, dès qu’un type est infidèle, une patronne, étouffante, ou un parent, manipulateur, il est estampillé PN. Le biostatisticien y voit aussi un moyen facile pour disqualifier l’autre : « On a tendance à coller des étiquettes psychiatriques sur tout le monde. Mais c’est aussi parce que, actuellement, pour être reconnu, il faut être victime. » Son conseil : « Soyons vigilants, mais sans voir le mal partout. » Traduire : « Ne soyons pas trop cons ? »

TOUTE LA LITTÉRATURE CONSPIRE À NOUS MONTRER DES CRÉTINS EN MODÈLES

Cent pages ne suffiraient pas à lister les comportements aberrants des stars de la littérature amoureuse. À défaut d’Yseult (la blonde), déjà mariée au roi Marc, Tristan épouse une autre Yseult (aux blanches mains), pensant que ça fera l’affaire. Par jalousie, elle fera lever une voile noire : il en mourra, et sa blonde aussi. La princesse de Clèves trouve malin d’avouer à son mari sa passion pour le bellâtre duc de Nemours : l’époux en crèvera de chagrin, et la princesse finira au couvent. Madame Bovary, qui ne pensait qu’à l’amour, finit par se suicider pour des problèmes d’argent, c’est con, non ? À cause de sa passion pour la bête Odette, Swann devra se taper le salon des Verdurin, ramassis de bourgeois idiots et puis, un jour, il comprendra qu’il a perdu tout ce temps pour une fille qui n’était même pas son genre. Solal et Ariane, à se croire plus purs et plus malins que tout le monde, terminent drogués à l’éther à l’hôtel Ritz. Je n’en jette plus, vous avez compris sur quelles bases nous avons tous construit notre imaginaire amoureux.

LES HOMMES SONT ENCORE PLUS BÊTES QUE NOUS EN AMOUR, À UN DÉTAIL PRÈS…

Ça semble contre-intuitif, mais les hommes tombent amoureux plus vite que les femmes et sont prêts à partager des choses intimes plus rapidement. Parler de leurs ex (dès trois mois, alors que nous attendons neuf mois en moyenne), dire combien de partenaires ils ont eues (six à douze mois, pour nous c’est plutôt au cours de la deuxième année) et, surtout, au bout d’un an, évoquer leurs infidélités passées, ce qui est idiot, la preuve, deux tiers des femmes n’avoueront jamais les leurs.

Par ailleurs, tous minimisent notre capacité de simulation. Une enquête britannique s’est penchée sur les « vocalisations copulatoires » d’un groupe d’hétérosexuelles d’une moyenne d’âge de 22 ans : leurs plus beaux bruits sont bel et bien liés à l’orgasme de leur partenaire (histoire d’en finir) ? Mais ayons tout de même l’honnêteté de rappeler que, dans l’im- mense majorité des cas, les victimes du « syndrome de Bonnie & Clyde », qui consiste à tomber raide dingue d’un psychopathe – sans doute ce qui se fait de plus idiot en amour – sont des femmes. Le psychiatre Clément Guillet affirme qu’Anders Breivik (meurtrier de 77 jeunes en Norvège, en 2011) reçoit 800 lettres d’amour par mois. Dans les valeurs sûres de « l’hybristophilie », ça s’appelle comme ça, citons la délicieuse Monique Olivier, et rappelons que Nordahl Lelandais vient d’avoir un bébé avec une femme certainement très encline à offrir à son enfant le meilleur avenir possible.

ET POURTANT…

Pour paraphraser une réplique de Serge Gainsbourg à Catherine Deneuve dans « Je vous aime », de Claude Berri : « C’est avec toi que je veux me faire chier », parfois, on a la chance de rencontrer quelqu’un à qui on a envie de dire : « C’est avec toi que je veux devenir con. » Dans ce cas-là, ça vaut quand même la peine de tenter sa chance.

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