Santé

Une étude montre un lien entre des additifs et le cancer, une 1re mondiale

Les aliments ultra-transformés pourraient être encore plus nocifs pour la santé que ce qu’on pensait jusqu’à présent. « Pour la première fois au niveau international », des chercheurs français ont étudié le rapport entre les additifs émulsifiants et la survenue de cancers, indique l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) dans un communiqué que nous avons pu consulter avant la publication de l’étude dans la revue PLoS Medicine.

Les chercheurs de l’Inserm, de l’INRAE (Institut national de la recherche agronomique), de l’Université Sorbonne Paris Nord, d’Université Paris Cité et du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers), ont analysé les données de l’étude française NutriNet-Santé, qui comprenait des informations sur la santé de 92 000 adultes. Les participants de l’enquête devaient renseigner « tous les aliments et boissons consommés et leur marque (pour les produits industriels) », pour que les chercheurs analysent ensuite précisément « la présence et la dose des additifs alimentaires (dont les émulsifiants) dans les produits consommés ». Au cours de 7 années de suivi de l’étude, 2 604 cas de cancers ont été diagnostiqués parmi les participants. Plusieurs « facteurs de risque bien connus pour les cancers », comme l’âge, le poids, l’éducation, les antécédents familiaux, le tabagisme, la consommation d’alcool, le sport, et enfin « la qualité nutritionnelle globale de l’alimentation » ont été pris en compte.

Un « risque accru » de cancer du sein et de la prostate

Après avoir analysé l’ensemble de ces données, les scientifiques révèlent que leurs recherches « suggèrent une association entre l’ingestion de certains additifs émulsifiants et un risque accru de cancers », selon le communiqué. Le risque était particulièrement accru avec certains additifs : « des apports plus élevés en monoglycérides et diglycérides d’acides gras (E471) étaient associés à des risques accrus de cancers au global (une augmentation de 15 % du risque chez les plus forts consommateurs – 3e tertile – par rapport aux plus faibles consommateurs – 1er tertile) », précise le communiqué. Ce même additif augmentait particulièrement le risque de cancer du sein (augmentation du risque de 24 %) et de cancer de la prostate (46 %). Un apport élevé d’un autre type d’additifs émulsifiants, les carraghénanes (E407 et E407a), augmentait le risque de 32 % de développer un cancer du sein.

Les chercheurs ont pu déterminer des seuils de consommation à partir desquels le risque de cancer était augmenté. « Nous avons observé que le risque commençait à partir de 180 mg par jour de E471. En équivalent aliments, si on a une consommation quotidienne de 1 biscotte, 2 carrés de chocolat et 10 g de margarine allégée, on peut déjà atteindre ce seuil », précise le Pr Bernard Srour, auteur principal de l’étude. « Pour les carraghénanes, c’est à partir de 70 mg par jour, soit l’équivalent d’une portion de certains yaourts aux fruits aromatisés, ou une portion de glace industrielle et 10 g de béchamel », continue-t-il.

Des additifs largement présents dans notre alimentation

Malheureusement, les émulsifiants sont très présents dans notre alimentation : ils « font partie des additifs alimentaires les plus utilisés dans les produits industriels, dans les aliments transformés », précise le Pr Srour. Ils sont utilisés dans l’industrie agroalimentaire pour « améliorer la texture des produits tout en prolongeant leur durée de conservation », explique l’Inserm. Ils sont présents dans de nombreux aliments : plats préparés, gâteaux, pains, glaces… Nous les consommons donc en grande quantité : « En Europe et en Amérique du Nord, 30 à 60 % de l’apport énergétique alimentaire des adultes provient d’aliments ultra-transformés », indique l’institut de recherche. En 2021, une étude publiée dans la revue Science Reports, aussi basée sur les données de l’enquête NutriNet-Santé, révélait que les Français ingurgitent en moyenne 4 kg d’additifs alimentaires par an (source 1).

Et pour cause : les industriels sont très peu limités dans leur utilisation de ces additifs. « Pour les carraghénanes il y a un seuil mais il est très très élevé, et pour le E471 il n’y a pas de limite », note le Pr Bernard Srour. « Pour le moment il n’y avait pas assez de données pour émettre un seuil. Maintenant il faut attendre que les autorités européennes ré-évaluent certains de ces additifs ». Le chercheur espère que les différentes études menées sur le sujet « seront prises en compte dans les prochaines évaluations ».

D’autres risques pour la santé déjà démontrés

Si des études ont analysé la quantité d’additifs que nous mangeons et leur lien avec le cancer, d’autres ont déjà montré un impact sur la santé. « Des travaux sur des animaux ont suggéré qu’une partie de ces émulsifiants étaient liés à une perturbation du microbiote intestinal, une augmentation de l’inflammation », note le Pr Bernard Srour. Des travaux de l’Inserm ont d’ailleurs confirmé cet impact chez l’humain. Ce seraient justement ces perturbations qui augmenteraient le risque de cancer, mais pas seulement. « L’hypothèse c’est que tout un faisceau de maladies peuvent être liées à ces perturbations du microbiote intestinal, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires, et le diabète de type 2 », explique le chercheur. Si son équipe est actuellement « en train d’explorer les associations potentielles avec le risque de diabète de type 2 », elle avait déjà « observé dans une étude publiée en septembre 2023 le lien entre certains émulsifiants et le risque de maladies cardiovasculaires », notamment les additifs E460 et E466 (carboxyméthylcellulose) (source 2).

Comment limiter les risques ?

Rassurez-vous, il est possible de prévenir les risques liés à la consommation de ces émulsifiants. Pour cela, il est recommandé de :

  • limiter le plus possible sa consommation de produits industriels et ultra-transformés. « Ça reste le meilleur moyen de limiter son exposition aux additifs alimentaires », précise le Pr Bernard Srour ;
  • privilégier le fait-maison, avec des aliments bruts ;
  • regarder les étiquettes, et choisir des produits avec la liste d’ingrédients, et surtout d’additifs, la plus courte possible. Car au sein des aliments industriels, la quantité d’émulsifiants varie énormément : « le nombre d’additifs alimentaires présents dans les biscuits en chocolat peut varier de 0 jusqu’à 13 additifs », explique le chercheur.

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