Santé

Mon psy et moi : « J’ai peur qu’elle me prenne pour une folle si je lui parle de mes phobies d’impulsion »

ELLE. Comment avez-vous trouvé ta psy ? Sur quels critères l’avez-vous choisie ? 

Laetitia. J’ai trouvé ma psy sur Doctolib. Je l’ai choisie grâce aux avis et aux notes sur Internet mais aussi parce qu’elle était racisée. Je voulais échanger avec une personne racisée et de préférence maghrébine, car je pensais qu’elle serait plus à même de comprendre certains questionnements liés aux origines. Parce que je suis moi-même d’origine tunisienne, je fais face à des problématiques que tous les gens ne comprennent pas, s’ils ne les ont pas expérimentées. Une thérapeute maghrébine sait ce que c’est d’être élevée dans une famille comme la mienne et les enjeux qu’implique une sociabilisation dans une société raciste. Et bien sûr, tous les traumas qui peuvent en découler.  

ELLE. Comment et pourquoi avez-vous pris la décision de prendre votre premier rendez-vous ?  

Laetitia. À ce moment-là, je venais d’emménager dans mon premier appartement loin de mes parents. Avant, je vivais chez eux. Ce nouvel appartement était un nouveau départ pour moi. J’avais besoin de m’émanciper de ma famille et de leur jugement. Je m’étais éloignée d’eux physiquement en quittant le nid, je devais désormais gagner en liberté mentalement. Je devais aussi régler ma peur de l’abandon et ma dépendance affective.   

ELLE. Quel type de thérapie avez-vous choisi, quel type de médecin ?   

Laetitia. J’ai choisi la psychanalyse, parce qu’il s’agit d’une approche par les rêves. Cela permet d’avoir un sujet pour commencer la séance. Cela casse la peur de ne pas savoir quoi lui raconter. À partir de ça, les rêves sont juste un prétexte pour parler d’autres thématiques. 

ELLE. À quelle fréquence voyez-vous votre psy et depuis combien de temps ? 

Laetitia. Je l’ai vue une fois par semaine pendant les six premiers mois. Ensuite, c’était plutôt une fois toutes les deux semaines. 

ELLE. Combien et comment payez-vous ? Les séances sont-elles remboursées ?  

Laetitia. Je paie soixante euros pour 45 minutes de séance, qui ne sont pas remboursés. Je règle en espèces, parce que c’est imposé.  

ELLE. Si vous annulez une séance, devez-vous la régler quand-même ?  

Laetitia. Oui, je dois payer si je n’ai pas annulé la séance suffisamment tôt.  

ELLE. À quoi ressemble son cabinet ? Comment êtes-vous positionnée ?   

Laetitia. C’est une toute petite pièce d’à peine cinq mètres carrés. Derrière moi, il y a une minuscule fenêtre. Nous sommes assises toutes les deux dans des fauteuils et une petite table nous sépare. Ce qui est bien, ce que nous ne sommes ni trop près ni trop loin l’une de l’autre.  

ELLE. Est-ce que votre psy vous tutoie ? Est-ce qu’elle vous appelle par votre prénom ?  

Laetitia. On se vouvoie et elle ne m’a jamais appelée par mon prénom.  

ELLE. Comment commence une séance ? 

Laetitia. Elle me dit : « Bon, je vous écoute », et c’est là que je parle de mes rêves. La séance commence alors.  

ELLE. Comment se termine une séance ? Réfléchissez-vous à la façon dont vous allez terminer votre propos ? 

Laetitia. En général, je ne vois pas l’heure tourner, donc c’est souvent elle qui m’arrête en me disant : « On va s’arrêter là ». En général, c’est lorsque l’on approche les 45 minutes.  

ELLE. Parle-t-elle beaucoup ? Fait-elle des relances, pose-t-elle des questions ?  

Laetitia. Elle parle beaucoup, raconte sa vie, parle de l’actualité, des films qu’elle a aimés. Elle lie certaines choses que je dis à des éléments de sa vie.  

ELLE. Est-ce qu’il y a des blancs, êtes-vous à l’aise avec ?  

Oui, des blancs, il y en a beaucoup. Et cela ne me dérange pas. En revanche, j’ai l’impression qu’elle ne laisse pas autant de place à ces silences. Quand ils durent trop longtemps, elle me demande à quoi je pense. 

ELLE. Désirez-vous que votre psy vous apprécie ? Vous demandez-vous ce qu’elle pense de vous ? Ou bien si elle vous écoute ou s’ennuie ?  

Laetitia. Oui, j’ai un peu envie qu’elle m’apprécie. Surtout, je me demande souvent ce qu’elle pense de moi. Est-ce qu’elle me trouve cool, ou pas du tout ? Est-ce qu’elle me juge ?  Même si je sais qu’elle m’écoute tout le temps, il m’est arrivé de me demander si elle ne s’ennuyait pas un petit peu. 

ELLE. Vos séances ont-elles lieu en visio ou en face-à-face ?  

Laetitia. Je la vois parfois en visio mais plus souvent en vrai. Je préfère me rendre au cabinet, car j’arrive davantage à me lâcher. Je ne suis pas chez moi mais dans un cadre dédié.  

ELLE. Y a-t-il des sujets que vous avez du mal à aborder ? 

Laetitia. Oui, certains sujets sont difficiles à aborder. Par exemple, je ne lui ai jamais parlé de mes phobies d’impulsion car j’ai peur qu’elle me prenne pour une folle. Pourtant, cela m’a un peu pourri la vie pendant le Covid.  

ELLE. Quelle est la phrase prononcée par votre psy qui vous le plus touchée ?  

Laetitia. Ce n’est pas une personne qui va me faire de grandes révélations transcendantes. Mais elle énonce des faits, analyse mes paroles en leur donnant plus de profondeur. En parlant de mes chefs au travail, elle a dit  une phrase qui m’a touchée: « Ce sont des personnes qui ne respectent même pas leurs partenaires de vie, comment voulez-vous qu’ils vous respectent, vous ? ». J’ai réalisé à quel point c’était vrai et pris du recul par rapport à leurs comportements.   

Elle m’a aussi dit : « Vous décevez toutes les trois votre mère », en parlant de mes sœurs et moi, par rapport aux hommes que l’on fréquente. Ma mère a beaucoup de standards avec nos compagnons. Personne n’est assez bien pour elle. Quand j’ai eu un partenaire qui avait de l’argent, elle était heureuse car sa situation financière était convenable, bien que je lui aie expliqué qu’il avait des problèmes de violences conjugales. Nos copains ne rentrent jamais dans ses critères, qu’il s’agisse de leurs origines, d’argent, de classe sociale. Ma psy l’a dit comme cela, parce qu’il n’y a pas de bonne manière de le dire. C’était une phrase factuelle, qui m’a fait réaliser que l’on ne pourra jamais sortir de ce mode de pensée.  

ELLE. Avez-vous l’impression que certaines séances ne vous font pas avancer ? Pourquoi ?  

Laetitia. Certaines séances ne me font pas avancer mais j’accepte cette partie du processus. Ces séances sont importantes parce qu’elles permettent au thérapeute de récupérer des informations sur notre vie, elles sont précieuses pour qu’il apprenne à nous connaitre. Parfois on parle de choses, et je me demande où l’on va. J’ai l’impression que cela ne sert à rien.  

ELLE. Allez-vous la voir pour régler quelque chose ? Ou est-ce plutôt un moment à vous ?  

Laetitia. Je la voyais pour régler quelque chose et j’estime que ça a été réglé. C’est pour cela que j’ai décidé il y a une semaine d’arrêter ma thérapie.   

ELLE. Avez-vous déjà rompu avec votre psy ? Comment ? Redoutiez-vous ce moment et pourquoi ?  

Laetitia. Je sais qu’elle est un peu rigide, j’avais donc peur de la croiser. J’ai donc écrit un sms, dans lequel j’explique que je ne désire pas continuer les séances. Je redoutais ce moment. Depuis plusieurs séances, je savais que je devais lui en parler mais je savais qu’elle ne le prendrait pas bien. J’ai eu raison, parce qu’elle m’a appelée plusieurs fois, avec un numéro inconnu aussi, m’a laissé des messages vocaux… Un an de thérapie, c’était peut-être un peu trop. J’aurais dû arrêter plus tôt, mais je n’osais pas le faire.

  

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