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Une agence matrimoniale à la place des applis de rencontre pour trouver l’amour ? Ils racontent pourquoi

« Ce qui me plaît dans le concept de l’agence matrimoniale, c’est que l’on cible vraiment le type de profils que je recherche. » Julia*, 39 ans, a vécu plusieurs histoires d’amour. Après sa dernière relation qui a duré cinq ans, elle s’est d’abord tournée vers les applications de rencontres, sans grande conviction. « Plus on avance en âge, plus il est difficile de faire des rencontres dans la vraie vie, surtout que le Covid est passé par là, concède-t-elle. Mais je ne suis jamais parvenue à faire des rencontres intéressantes sur les applis. » 

Partant de ce constat, Julia a ressenti le besoin de « revenir à quelque chose de plus authentique, de plus concret, avec des personnes plus sincères dans leur démarche ». Elle s’est alors inscrite auprès d’une agence matrimoniale, il y a bientôt deux mois.

Les agences de rencontres, qui avaient le vent en poupe au début des années 2000, avant de se faire voler la vedette par les sites de rencontres, regagnent en effet du terrain. Certaines de ces entreprises, qui consistent à mettre en relation des personnes en fonction de leurs attentes et de leurs compatibilités amoureuses, ont vu leur chiffre d’affaires bondir de 30% entre 2020 et 2022, rapportait France 3 l’année dernière. Pour leurs adeptes, elles présentent de sacrés avantages. 

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Dating-burnout

Comme Julia, 83% des utilisatrices et utilisateurs européens se déclarent insatisfaits des applications de rencontres, selon une étude Once menée par YouGov, début 2020. « De plus en plus de personnes sont déçues, parce qu’il y a une sorte de goujaterie numériquement assistée, qui y règne désormais, explique Pascal Lardellier, professeur à l’Université de Bourgogne, spécialiste de la rencontre amoureuse en ligne, et auteur du livre « S’aimer à l’ère des masques et des écrans » (éd. L’Aube).

« Beaucoup se méfient, ont peur d’être piégés, trahis, perdus dans la masse, poursuit l’expert. Il y a un pourcentage non négligeable de vrais déçus, qui après avoir éprouvé la duplicité, le mensonge, ou tout simplement de grosses déceptions, se tournent vers les agences. D’un côté, le prêt à porter (les sites et applis), de l’autre, le cousu main voire la haute couture (les agences matrimoniales) ! » 

C’est le cas de Julia. « Sur les applications de rencontres, on voit de tout et n’importe quoi. Je me dis que quand quelqu’un a recours à une agence matrimoniale, il est peut-être plus avancé dans la démarche et un peu plus sérieux », estime-t-elle.

« Les applis de rencontres, c’est très chronophage » 

Certaines personnes ressentent même une forme de lassitude des rencontres en ligne. C’est ce qu’on appelle le dating-burnout. Matthieu, 37 ans, a eu recours à Tinder, Adopte Un Mec et autres plateformes pendant plusieurs années, avant de décrocher. « Je trouve cela très chronophage, ça demande une énergie importante », déplore-t-il. En effet, 67% des célibataires passent jusqu’à 4h par semaine à chatter et faire défiler les profils. « Le problème, c’est que les gens sont sur-connectés. Si l’on n’est pas en permanence dans la sollicitation des gens que l’on courtise, parce que l’on est occupé, ils passent vite à autre chose, insiste ce cadre dans le secteur de la recherche, et passionné de sport. C’est difficile de se faire une place parmi la concurrence. »  

Les plateformes de rencontres « donnent lieu à une forme de violence relationnelle et symbolique, liée au zapping relationnel, avec une consommation effrénée de profils : on met à la poubelle en swipant à gauche, on écrit à des tas de gens, on ne finit pas les conversations, on prend des rendez-vous que l’on n’honore pas », souligne poursuit Pascal Lardellier. Pour toutes ces raisons, Matthieu préfère, lui aussi, investir dans une agence matrimoniale.

La qualité prime sur la quantité 

Begin, une agence basée à Aix-en-Provence, propose quatre forfaits différents, allant de 279 à 889 euros, et qui permettent de rencontrer trois à neuf personnes différentes. « J’ai fait une rapide étude de marché, et comparé aux abonnements qu’on peut payer sur Tinder, cela revient quasiment au même tarif, et je ne perds plus mon temps à parler à des gens que je ne verrai jamais », explique Matthieu. Actuellement, l’abonnement Tinder Platinium, le plus cher de tous, coûte environ 30 euros par mois. 

Pour sélectionner les profils, les agents rencontrent le célibataire une première fois, lors d’un entretien physique. Ce dernier remplit alors un questionnaire élaboré avec un psychologue, qui permet d’en savoir plus sur ses attentes. Une deuxième entrevue est fixée après un délai de rétractation de sept jours. « On approfondit tout un tas de sujets, de la politique à la religion en passant par le sexe », explique Florent Hernandez, co-fondateur de l’agence. « Sur cette base-là, on définit quels profils peuvent coller à sa personnalité, et on organise nous-mêmes le rendez-vous, en choisissant le jour, le lieu et l’heure. »

En revanche, les célibataires n’ont pas la possibilité de recevoir la photo de leur prétendant·e à l’avance. « On ne veut pas retomber dans le biais des applis de rencontres qui est de miser sur des critères physiques. » Une démarche qui semble convenir à leur clientèle.

« On n’est pas sur un catalogue de personnes où l’on zappe de profil en profil » 

 « On sent que la recherche est poussée, et va vraiment dans le détail. L’avantage, c’est que l’on n’est pas sur un catalogue de personnes où l’on zappe de profil en profil. On attend vraiment d’avoir le match parfait, pour avoir un rendez-vous qualitatif », confie Julia. De son côté, Matthieu garde un très bon souvenir de son premier date. « J’avais demandé un endroit un peu original. Ils m’ont donc proposé de la rencontrer dans un parc : ça change des rendez-vous formels dans un bar, déclare-t-il. J’avais un peu d’appréhension car nous n’avions encore jamais discuté auparavant. Finalement, ça s’est plutôt bien passé, il suffisait de briser la glace. » La jeune femme qu’il a rencontrée semble en effet correspondre à ses attentes, puisqu’ils partagent certains points communs. « On a le même mode de vie, donc elle est plus compréhensive sur le fait que j’aie des horaires de travail importants, avec peu de temps libre devant moi. Heureusement que l’on partage ces contraintes-là, sinon, ça marcherait difficilement sur le long terme. » 

Un concept qui rajeunit

Ce concept séduit aussi les plus jeunes. Si les 25-45 ans sont le cœur de cible de l’entreprise Begin, la moyenne d’âge est de 29 ans. Cécilia*, 33 ans, a rejoint l’agence matrimoniale il y a quelques semaines, deux ans après sa rupture. « Étant une personne assez active et productive, j’évite de perdre du temps sur les écrans. Par exemple, je regarde très peu la télévision et ne suis pas très fan des séries. Je préfère consacrer mon temps à sortir et voir mes amis », explique la consultante en social media marketing, très peu friande des relations virtuelles. « Je suis aussi plus en confiance au sein de l’agence. Il n’y a pas de risques de faux profils ou de faux rendez-vous. C’est rassurant d’avoir un intermédiaire ! » 

« Il y a un côté très sécurisant, d’être écouté et conseillé. » 

Finalement, « les agences matrimoniales proposent un changement de la temporalité, et une inversion de l’instantanéité, pour revenir à ce qu’était la drague il y a 30 ans. Les rencontres se faisaient beaucoup plus lentement : on se regardait, on se revoyait quelques jours après, avec un regard plus insistant », souligne Pascal Lardellier. De plus, « il y a un côté très sécurisant, d’être écouté et conseillé. Tandis que derrière son écran, on est son propre cyber-agent ».

Si les célibataires renouent avec les agences matrimoniales, les applications de rencontres ont encore de beaux jours devant elles. « Il ne s’agit pas vraiment d’une tendance, mais plus d’un marché de niche, précise Pascal Lardellier. Les applis ne disparaîtront pas, elles comptent tellement de millions de membres ! En revanche, dix ans après leur apparition, on sait que ça marche, mais qu’il y a aussi beaucoup de casse. De ce fait, on se tourne de plus en plus vers des modalités alternatives : rencontres IRL (clubs de danse, d’activités culturelles…), agences, petites annonces, réseaux relationnels et amicaux, voyages en club pour solos… » De quoi satisfaire tous les profils… 

(*) Les prénoms ont été modifiés.

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