Santé

Ma famille, mes proches et moi : Marie-Cécile, 54 ans : « Mes enfants ne me pardonnent pas d’avoir quitté leur père »

« Je me souviens exactement de l’instant où j’ai compris que mon mari et moi, après plus de vingt-cinq ans de vie commune, n’avions plus rien à faire ensemble, raconte Marie-Cécile*. Le déclic est venu d’un incident sans grande importance, il y a bientôt trois ans.

Ce soir-là, j’étais clouée au lit, avec 39° de fièvre, des frissons, un mal de tête carabiné et une toux sèche qui me brûlait la gorge. J’étais persuadée d’avoir attrapé la grippe (c’était en fait le coronavirus, mais ça je ne le saurai que quelques jours plus tard) et j’avais demandé à Bertrand d’aller m’acheter une boîte de Doliprane et du sirop à la pharmacie, au coin de la rue.

Lorsqu’il m’a dit qu’il avait prévu d’aller à la salle de sport, mais qu’il s’y arrêterait le lendemain soir, en rentrant du boulot (c’est sur son chemin), je me suis dit qu’on n’avait plus du tout la même vision de la vie et de l’amour. J’avais toujours été aux petits soins pour lui au moindre bobo. Je suis allée chercher moi-même mes médicaments, en sachant pertinemment que c’était le dernier hiver que nous passerions ensemble. Plus rien ne pouvait désormais me faire revenir en arrière ».

On était totalement déconnectés l’un de l’autre

Une rupture ne se fait évidemment pas sur un coup de tête. La distance et le désamour s’étaient insidieusement installés dans le couple depuis plusieurs années. Complicité, empathie, et même intimité, n’étaient plus franchement au rendez-vous.

« De l’extérieur, notre vie de famille semblait satisfaisante, explique cette professeure de lettres modernes dans un lycée de l’ouest parisien. En réalité, on ne partageait plus grand-chose – chacun menait ses activités en solo – et les échanges verbaux qui ponctuaient notre quotidien étaient d’une banalité affligeante. J’avais l’impression d’avoir tout fait pour que notre couple marche, mais on était totalement déconnectés l’un de l’autre ».

Un amour irrécupérable

Six mois plus tard – le temps de s’organiser – Marie-Cécile quitte Bertrand. « Nous avons parlé des heures et des heures pour essayer de comprendre comment on en était arrivés là, glisse la quinquagénaire. Il en est ressorti que, même si nous nous étions aimés passionnément (il reste mon premier grand amour, et réciproquement), notre couple était mort.

Ni lui ni moi n’avions visiblement envie de nous battre pour continuer ensemble. La séparation s’est faite en douceur. Un soulagement, car je n’aurais pas supporté que nous nous déchirions ». Faire passer la pilule aux deux filles – des jumelles âgées de 24 ans – fut une autre paire de manches.

Marie-Cécile n’a pas regretté un seul jour sa décision

 « Je ne m’attendais certes pas à ce que Bruna et Juliette sautent de joie en apprenant la nouvelle, concède la mère de famille. Mais je pensais que, dans la mesure où elles voyaient bien qu’on n’était plus vraiment heureux et qu’on se quittait en bonne intelligence, elles seraient un tant soit peu compréhensives. D’autant qu’elles avaient l’une et l’autre pris leur envol et commencé à construire leur vie ».

Erreur. Depuis qu’elle s’est séparée du père de ses filles, Marie-Cécile n’a pas regretté un seul jour sa décision – « je n’ai qu’un regret : ne pas l’avoir fait plus tôt », dit-elle -, mais les jumelles ne lui ont toujours pas pardonné d’avoir fait éclater la cellule familiale. À leurs yeux, elle reste « la méchante ». Pourtant, Marie-Cécile était proche de ses filles. Qui plus est, Bertrand et elle entretiennent aujourd’hui d’excellentes relations (les événements familiaux se déroulent toujours en présence de l’un et de l’autre et dans une atmosphère conviviale).

Une relation mère-fille douloureuse

« Bruna m’a dit un jour que j’aurais dû me sacrifier et rester en couple, se souvient la quinquagénaire. Bref, il fallait, selon elle, qu’en « bonne mère » je porte ma croix en silence. J’avoue que ça m’a scotchée de l’entendre tenir ce discours, elle qui ne cesse de revendiquer haut et fort des idées féministes ».

Je me dis que mes filles finiront bien par me comprendre

Depuis que Marie-Cécile a rencontré quelqu’un (un enseignant en philosophie, affecté dans son lycée en septembre dernier), les choses sont encore plus compliquées. « Je ne savais pas comment aborder le sujet avec Bruna et Juliette, reconnaît-elle. Le mois dernier, elles sont passées un soir à l’improviste pour m’emprunter des valises, en prévision d’un week-end à Londres. Laurent était chez moi. Elles n’ont rien dit, mais elles ne m’ont ensuite pas adressé la parole pendant près de deux semaines. Elles ne décrochaient même pas lorsque j’essayais de les appeler sur leur portable.

Lorsque j’ai tenté, plus tard, d’évoquer ma relation, elles ont tout de suite coupé court à la discussion, en arguant « qu’elles ne voulaient pas entendre parler de ce « mec ». Cela me peine énormément, mais comme je suis d’un tempérament optimiste, je me dis que mes filles finiront bien par me comprendre (je ne suis pas seulement une mère, mais aussi une femme, qui a le droit de vivre sa vie) et par accepter ma décision. Il n’empêche : je ne peux pas m’empêcher de penser que, en quittant leur père, je les ai toutes les deux un peu perdues ».

* Les noms sont modifiés

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