Santé

C’est mon histoire : « La première fois que j’ai fait l’amour au téléphone »

À 36 ANS, VIERGE DES applis de rencontres

D’un coup, mon téléphone a sonné. C’était lui. Mon cœur s’est mis à tambouriner dans ma poitrine. Je ne bougeais plus. Je regardais l’appareil vibrer sur la table comme une poule qui aurait trouvé un couteau. J’avais peur de l’entendre et de me retrouver dans l’intimité de nos voix. Depuis des semaines, nous échangions des SMS, le téléphone en extension robotique de la main. Paul était mon premier crush via une appli de rencontres, le seul quasiment avec qui j’avais échangé. Je venais de fêter mes 36 ans et je n’avais jamais essayé ce genre de « service » auparavant. J’avais toujours pensé que cette approche consumériste de l’amour n’était pas faite pour moi. Romantique dans l’âme, je croyais encore aux « vraies » rencontres, à celles qui arrivent par hasard au coin d’une rue, dans un bar ou au détour d’un voyage en train. Seulement, au bout d’un an et demi de célibat, j’avais beau parcourir la France, squatter les wagons-bars et courir les afterworks, rien ne se passait. Était-ce si difficile de rencontrer quelqu’un ? J’en venais à croire que c’était moi le problème. Sans doute étais-je trop à l’affût ? Ou peut-être les hommes n’osaient-ils plus approcher les femmes ?… Quoi qu’il en soit, cette disette affective (pour ne pas dire sexuelle) m’avait conduite à revoir ma tactique d’approche. Observant mes copines enchaîner les aventures via Tinder, Bumble ou Meetic, je me suis dit : « Finalement, pourquoi pas moi ? » « Ça va rebooster ton ego », m’assura l’une d’entre elles. Ça ne pouvait pas me faire de mal tant le mien était en PLS (position latérale de sécurité).

PAULO 75 fait monter le désir

Ça a vite matché avec un certain « Paulo 75 ». Mes amies me conseillaient d’échanger avec plusieurs hommes à la fois, c’était apparemment « plus efficace » sur les applis.Mais je n’étais pas du genre à courir plusieurs lièvres en même temps. Très vite, je me suis focalisée sur ce « Paulo 75 », et exclusivement sur lui. J’avais du mal à discerner à quoi il ressemblait sur sa photo de profil, prise de biais et à contre-jour, mais il écrivait divinement bien. Pour moi, ça comptait autant qu’un joli sourire. Et je me laissais croire qu’il cumulait les deux. Nos échanges étaient fluides, Paul avait de l’humour, même de l’autodérision, et partageait pas mal de mes références musicales et littéraires. Il m’envoyait un tas de poèmes dans lesquels je passais des heures à analyser chaque virgule, espérant y voir un message dissimulé.

En définitive, je trouvais notre correspondance très romantique. Nos textos jouaient sur la séduction, une drague savoureuse faisait monter peu à peu la température entre nous. Cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps. La confiance revenait, je me sentais à nouveau belle et désirable. Au bout de trois semaines, au rythme d’une centaine de textos par jour, l’envie de nous voir était plus forte que tout. Mais Paul devait m’avouer quelque chose : il était en couple. Ah. Depuis quatre ans, il partageait la vie d’une femme. Il m’expliqua que ça n’allait plus entre eux, que la rupture était imminente, mais qu’il était encore avec elle. Je comprenais mieux la photo de profil incognito en clair-obscur. Pour moi, c’était rédhibitoire. « Salut. » Je manquais peut-être de légèreté, mais je ne voulais pas devenir la maîtresse éplorée d’un type qui ne quitterait jamais sa femme.

Retire ta culotte

Seulement j’ai tenu à peine quatre jours sans lui écrire. Impossible de me passer de nos échanges langoureux. « Tu m’invites chez toi ? », me répondit-il lorsque je repris le dialogue avec un fébrile « tu fais quoi, maintenant ? ». Il était 23 heures. C’était reparti pour des messages en continu. Pendant un mois, nous n’allions vivre qu’à coup de vibrations de nos machines. Du réveil jusque tard dans la nuit, nous étions connectés avec un désir grandissant à mesure que les heures avançaient. Tant qu’on ne se voyait pas, je me disais que cette histoire n’existait pas. Ce qui m’autorisait une grande liberté. C’était la première fois que je m’adonnais au « sexting » (envoi de messages à caractère sexuel) avec autant d’assiduité. Avant même d’avoir vu nos visages respectifs, on s’échangeait des parties de nos corps dénudées. Une épaule, un pied, un sein, des fesses, et même un pénis en érection au petit déjeuner ! Contre toute attente, cette dernière image m’a rendue dingue, aussi brûlante que mon café ! Je mourrais d’envie de le voir (Paul, pas le pénis !) et, en même temps, je me dérobais à chacune de ses propositions. Je n’avais pourtant plus aucun doute sur la fin de sa relation puisque nous passions une partie de la nuit ensemble.

Un soir, nos échanges n’ont plus suffi, Paul m’a appelée. J’avais la sensation d’avoir 12 ans au moment de décrocher. J’ai pourtant lancé un « bonsoir » grave et voilé à la Fanny Ardant. « Ah, te voilà enfin », dit-il d’une voix sensuelle comme une promesse. Nous avons bavardé un peu, ri beaucoup, avant que la conversation ne bascule dans un autre registre. « Tu es comment, là ? », « Qu’est-ce que tu ferais ? », « Qu’est-ce que tu aimerais ? », « Déboutonne », « Retire ta culotte », « Et si tu posais ta main, là ? » Nous étions en plein cliché vintage du téléphone rose, pas très loin de 3615 Ulla. Nous nous guidions mutuellement vers le plaisir. J’entendais sa respiration s’accélérer au bout du fil, nos mots devenaient sexuels et crus. L’imaginer faire ce que je lui dictais et le savoir tout émoustillé en pensant à moi intensifiait mon excitation. Avec juste le son, on laissait partir notre esprit en fantasmant l’un sur l’autre, c’était d’un érotisme !

DANS LA VRAIE VIE, nos corps ne se comprenaient pas

Le lendemain soir, nous avons recommencé comme pour nous prouver que l’alchimie était bien réelle. Pendant les trois mois qui ont suivi, nous avons passé des nuits brûlantes au bout du fil. Paul était souvent en déplacement, et je trouvais toujours une excuse pour reculer le moment de notre rencontre en vrai comme si je voulais faire durer cette effervescence du début. Cela faisait cinq mois que nous nous parlions tous les jours, que nous partagions une intimité sans nous être vus. Même pas en visio ! J’avais la sensation de le connaître alors que je n’aurais pas pu le reconnaître dans la rue. Mes amies avaient raison. Nous ne pouvions pas continuer à vivre dans l’illusion de l’autre. Il fallait qu’on se touche, qu’on se sente… Mais s’il ne me plaisait pas ? Je craignais déjà la déception.

On s’est vus chez moi. Premières impressions ? Pas aussi charmant que je me l’étais imaginé. Moins drôle. Au lit ? Pas l’extase. Nos baisers étaient fades et nos gestes à contre-temps – il m’a même donné un coup de coude dans l’œil (#lefiasco). Mais où était passée notre alchimie téléphonique ? Ce devait être le stress de cette première rencontre un peu spéciale. Mais non. Nous avons fait semblant pendant quelques semaines, nous voulions pourtant que ça matche. Mais non, ça ne fonctionnait pas. Dans la vraie vie, nos corps ne se comprenaient pas. Ce qui était assez incompréhensible, vu l’intensité de nos nuits au téléphone. Mais peut-être avions-nous tellement fantasmé l’un sur l’autre qu’il était difficile d’être à la hauteur. Aurions-nous sauvé notre histoire si nous nous étions vus plus tôt ? Je ne sais pas. Dans la vraie vie, il y a aussi le quotidien, et là, non plus, ça ne collait pas. Lui est retourné avec son ex. Et moi, je cherche toujours l’amour en ligne. Maintenant, je ne passe plus mille ans au téléphone avant de rencontrer l’heureux élu. Ça suffit, la machine à fantasmes ! Mais, lorsque ça matche, je ne suis pas contre un petit « appel rose » de temps en temps… pour donner du piment !

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