Santé

Journée mondiale contre le cancer : 3 patients sur 10 ont des « difficultés d’accès aux soins »

« Pour des soins plus justes » : voici le thème de la journée mondiale contre le cancer 2024. Et pour cause : dans le monde, mais aussi en France, les personnes les plus vulnérables sont encore – sinon plus – particulièrement impactées par la maladie. « On a toujours su en France qu’il y avait des inégalités, mais elles étaient peut-être moins criantes qu’aujourd’hui. Depuis le Covid-19 elles ont tellement augmenté que c’est devenu un sujet permanent », estime le Pr Daniel Nizri, président de la Ligue contre le cancer.

Pour mesurer ces inégalités et leurs évolutions, l’association de patients a mené avec BVA Xsights une enquête en 2023 auprès de « 1 223 personnes atteintes de cancer, âgées de 18 ans et plus, diagnostiquées entre 2019 et 2022, de 1083 aidants de 18 ans et plus de proches atteints d’un cancer, diagnostiqués entre 2019 et 2023 et de 552 professionnels impliqués dans la prise en charge du cancer », indique un communiqué la Ligue nationale contre le cancer (source 1). Le constat est pour le moins inquiétant.

Des pénuries de médicaments qui touchent particulièrement les patients atteints de cancer

En 2023, plus de la moitié des pénuries déclarés à l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) ont concerné des médicaments destinés à traiter les effets secondaires liés aux traitements du cancer. « Des effets secondaires qui, déjà, dégradent la qualité de vie quotidienne des patients, et ce phénomène risque de provoquer une absence de compliance voire une impossibilité réelle de poursuivre le traitement », regrette le Pr Nizri. Les produits de chimiothérapies sont aussi particulièrement touchés par les pénuries : ils concernent 22 % des signalements. Des produits qui doivent alors « être remplacés par un autre. Mais si un produit a été choisi c’est justement parce qu’il est plus efficace qu’un autre. Donc on est dans la perte de chance », insiste le président de la Ligue contre le cancer.

Cette situation grave « empire depuis la crise économique et sociale post-Covid et la guerre en Ukraine », estime le Pr Nizri. Et malgré des mesures annoncées récemment par le gouvernement, elles « ne sont pas appliquées. Il était prévu que tous les acteurs devaient avoir des stocks supérieurs à 4 mois par exemple pour les produits en cancérologie, mais ce n’est pas le cas. Je trouve cela absolument inadmissible. Nous avons des inquiétudes sur les origines de ces pénuries. Nous qui sommes une association de patients, nous souhaitons une transparence totale », plaide-t-il. Les professionnels de santé et les patients ont besoin de transparence, mais attendent surtout des solutions.

L’accès aux produits de santé, aux techniques qui permettent aux gens de retrouver le bien-être minimal que l’on doit à la population, devrait être une priorité et je ne peux pas imaginer qu’aujourd’hui on ne trouve pas les solutions. Pr Daniel Nizri.

Ces situations de pénuries ont un impact majeur sur les malades, qui, selon l’enquête menée pour l’association, souffrent en conséquence d’angoisse et d’anxiété (32 %), d’une aggravation des symptômes pour 7 % des patients, voire d’une aggravation de la maladie dans 3 % des cas.

Quel accès aux médicaments innovants du cancer ?

Une prise en charge inégale

Au sein des personnes atteintes de cancer, la prise en charge est loin d’être égale. Situation financière, origine ethnique, sexe, genre, lieu d’habitation… De nombreux facteurs peuvent influencer le parcours de soins. L’enquête « montre l’impact des inégalités sur tous les aspects du parcours de la prise en charge des millions de personnes en situation de fragilisation sociale en France », regrette le Pr Nizri. Les inégalités commencent souvent bien avant le parcours de soins du malade, dès l’information et la prévention, alors que 40 % des cancers sont évitables avec une bonne hygiène de vie. « Certaines barrières de nature culturelles, éducationnelles, limitent très fortement l’accès à l’information, et donc l’adhésion aux campagnes de dépistage, la compréhension des messages de promotion de la santé et des informations données par les professionnels de santé. Si en plus vous ajoutez le genre, l’origine ethnique ou sociale, vous aggravez encore la situation. Ce sont des constats que nous faisons », explique le président de la Ligue contre le cancer.

Le milieu social et économique est un des facteurs aggravants majeurs. 39 % des patients qui ont des revenus inférieurs à 2500 € rapportent des difficultés d’accès aux soins. Les frais liés à la maladie, qui, même s’ils sont censés être pris en charge à 100 %, subsistent chez près de 3 patients sur 10 selon l’enquête. Ils s’élèveraient en moyenne à plus de 1000 €, « un montant en hausse » selon la Ligue contre le cancer. Mais ce montant n’est pas supporté de la même façon par tous les malades. « L’impact du reste à charge est différent selon les personnes. Il y a un certain nombre de personnes en France qui n’ont pas de mutuelles, et toutes ne remboursent pas au même niveau », précise le Pr Daniel Nizri. Il y a aussi des frais indirectement liés au cancer, mais qui peuvent avoir un impact majeur sur la maladie. Par exemple, une alimentation adaptée « améliore les résultats du traitement ». Mais une telle alimentation n’est pas accessible à tous.

Notamment à cause de la désertification médicale, le lieu d’habitation joue également un rôle important. « Pour caricaturer, vous avez un diagnostic de cancer du sein, vous habitez à côté de l’Institut Curie, ça reste toujours aussi triste mais c’est quand même nettement plus facile de se faire prendre en charge que si vous habitez dans un petit village en plein centre du massif central. Vous cumulez des problèmes de transport qui vont générer des restes à charge, des problèmes de disponibilités des soignants, des difficultés d’accompagnement, des conséquences sur votre activité professionnelle… Tout ceci entraîne une dégradation de votre situation personnelle, sociale, pendant le traitement », explique le président de la Ligue contre le cancer. Aussi, si la recherche médicale a largement évolué depuis plusieurs années, tous les patients n’ont pas accès de la même manière à ces innovations thérapeutiques.

Aujourd’hui, la recherche permet d’accéder à des moyens diagnostiques et thérapeutiques qui permettent d’arriver à des traitements très personnalisés et efficaces. Mais on ne peut pas mettre ces moyen dans toutes les villes et tous les villages. L’éloignement territorial aggrave les inégalités. Pr Nizri. 

Un délai d’accès aux soins qui s’allonge

« À cause de l’état de notre système de soins » et parce qu’en raison de ces difficultés « beaucoup de personnes retardent le moment avant de consulter jusqu’au moment où elles n’ont plus le choix », selon le Pr Nizri, le parcours de soins s’allonge. Par exemple, pour le cancer du sein, selon les recommandations de l’Institut national du cancer (INCa), « le délai entre la réalisation de la mammographie d’alerte et l’accès au premier traitement ne devait pas excéder 6 semaines ». Mais selon l’enquête, « ce délai s’élève aujourd’hui à 11,5 semaines », soit près du double de ce qui est recommandé. Il était d’un peu plus de 9 semaines en 2019.

Au-delà de ce délai diagnostique, pour tous les cancers, l’enquête révèle « un retard cumulé de deux semaines en moyenne entre l’examen diagnostic de dépistage et le début des traitements. La durée moyenne du parcours de soins s’est, elle aussi, considérablement allongée, avec 6 semaines supplémentaires en moyenne », indique la Ligue contre le cancer.

Au final, ces inégalités peuvent jouer un rôle majeur sur le pronostic du patient. « Quand vous êtes d’un milieu social qui vous permet d’avoir et de comprendre l’information, la compréhension qui va vous emmener à vous inquiéter plus vite et à avoir tout de suite les bons rendez-vous, et l’accessibilité à des traitements parce que vous pouvez payer des restes à charge, il est clair que cela impacte massivement le pronostic de votre affection », conclut le président de la Ligue contre le cancer.

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