Santé

Thibault, 37 ans : « J’étais accro à cette relation virtuelle »

« C’est pendant la période du confinement et des couvre-feux successifs que tout a commencé, raconte Thibault*. J’avais dû fermer mon cabinet d’ostéopathie et j’étais, comme tout le monde dans le flou total quant à l’évolution de la pandémie. Je ne savais pas combien de temps tout cela allait durer, ni quel impact cela aurait sur ma patientèle (reviendrait-elle sitôt les restrictions sanitaires levées ou préférerait-elle rester prudente ?), mais aussi, par ricochet, sur mes finances. Bref, j’étais en état de stress devant cet avenir incertain. Heureusement, mon couple allait bien ».

Le couple que Thibault formait avec Mathilde allait effectivement bien, d’autant que la famille s’était agrandie quelques mois plus tôt avec l’arrivée de leur premier enfant. Il n’empêche : Le jeune homme, qui avait autrefois une vie sociale riche, n’était pas habitué à passer toutes ses journées avec sa moitié. « Je trouvais cette promiscuité pesante, confesse-t-il. Pendant que Mathilde télétravaillait, je tournais en rond en regardant d’un œil des séries de science-fiction dans le salon. Je m’occupais aussi un peu de Louisa ». Pour tromper l’ennui et taire son angoisse, le trentenaire se met aussi à scroller sur internet et les réseaux sociaux. « J’avais besoin de m’aérer la tête, de m’extraire de ce huis clos anxiogène, explique-t-il. Je voyais mon smartphone comme mon dernier espace de liberté. D’un glissement de pouce, il me permet de renouer le lien social ».

Quand l’innocence prend fin

C’est dans ce contexte, que Thibault reprend contact sur Messenger avec Virginie, une vague connaissance croisée, deux ans auparavant, lors d’un séminaire de perfectionnement en province. « Au début, c’était juste pour parler, se justifie-t-il presque. Je ressentais le besoin de dialoguer avec l’extérieur, mais surtout d’être écouté et compris, car je n’avais pas pour habitude de m’épancher à la maison, et encore moins devant Mathilde. En chattant avec une consœur, je n’avais pas l’impression de faire quelque chose de mal ». Sauf que, très vite, les échanges avec Virginie se multiplient et ponctuent la monotonie du quotidien de Thibaut. Pendant que sa femme est en visioconférence dans le salon, lui écrit en catimini, dans la cuisine ou dans la chambre à coucher, des messages à cette femme qu’il connaissait à peine avant l’épidémie de coronavirus. Des messages qui, de jour en jour, s’emplissent de sous-entendus. Car, derrière son écran, Thibault découvre une autre facette de lui-même. Un homme plus affranchi, plus sûr de lui. Et Virginie, qui est célibataire (et qui, peut-être se morfond aussi ?), n’a pas non plus franchement froid aux yeux.

« Je n’aurais jamais été capable de tromper physiquement ma femme, lâche-t-il. Mais là, je me sentais complètement désinhibé. Je voyais tout ça comme un jeu, sauf que je me suis laissé embarquer et que c’est allé de plus en plus loin. J’étais devenu totalement accro à cette relation virtuelle. Quand ma femme allait se coucher, je prétextais un jeu en ligne pour ne pas la rejoindre tout de suite et je me mettais illico à sextoter avec Virginie. Ça durait des heures. Il nous arrivait même souvent de brancher nos webcams, de nous isoler (du moins moi) pour nous déshabiller… Je vous laisse imaginer la suite ».

Le retour à la réalité est, à chaque fois, un choc

Mathilde s’est-elle, à un moment donné, doutée de quelque chose ? C’est possible, car le comportement de Thibault change alors radicalement – il est scotché en permanence sur son téléphone, l’emportant même jusque dans les toilettes, ne l’écoute plus quand elle lui parle et, encore plus étrange, refuse quasiment tout contact physique -, mais le fait est qu’elle ne lui pose pas de questions, mettant ça sur le compte de la perte de repères liée aux événements. Pendant des semaines, Thibault mène donc une vie virtuelle parallèle, aux couleurs nouvelles, et follement excitante, à l’insu des siens. Le retour à la réalité est, à chaque fois, un choc.

« Le pire dans cette histoire, c’est que je n’ai jamais eu le sentiment de tromper ma femme, raconte-t-il, avec la plus grande sincérité. Dans mon esprit, je ne faisais, avec Virginie, qu’exorciser des fantasmes que je ne pouvais pas assouvir avec Mathilde. L’amour avait entraîné une certaine forme de pudeur entre ma femme et moi. Je ne me voyais pas lui demander ce que je n’avais pourtant aucun mal à demander à Virginie ». C’est le jour où il réalise qu’il commence à éprouver des sentiments pour sa maîtresse virtuelle, qu’elle lui manque lorsqu’ils ne se parlent pas, que Thibault prend vraiment peur. « Je me suis dit que j’étais en train de franchir les limites, dit-il. Même si j’avais du mal à me l’avouer, j’étais devenu virtuellement infidèle, du moins moralement. Et l’adverbe « virtuellement » ne rend pas le mot « infidélité » plus acceptable. J’ai alors essayé d’imaginer la situation inverse (Mathilde envoyant des nudes ou pensant simplement à un autre que moi), avant de réaliser que j’aurais détesté vivre ça. Rompre a été dur, car j’étais un peu drogué à cette relation virtuelle, mais j’ai coupé les ponts avec Virginie. Définitivement ».

*Certaines identités ont été modifiées

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page