Santé

« Vous saurez tout sur le pénis » : quel est réellement le rapport des hommes à leur sexe ?

Trop petit, trop fin, trop gros, pas assez dur, pas assez performant… Depuis la nuit des temps, les hommes mesurent leur pénis, comparent la taille de leur verge, complexent sur leur sexe. Dès le plus jeune âge, de la cour de récré aux vestiaires de sport, ils se vantent de leurs centimètres, se tirent la serviette et se cachent tant bien que mal pour échapper aux moqueries de leurs voisins. Dans le documentaire « Vous saurez tout sur le pénis », réalisé par Valentin Mollette et diffusé ce mercredi 31 janvier sur TMC à 21h25, la sexperte Maïa Mazaurette libère la parole des hommes sur leur rapport à leur sexe. D’où vient cette obsession phallique ? De qui les hommes redoutent-ils le plus le regard sur leur pénis ? Dans la chambre à coucher, qu’en pensent vraiment leurs partenaires ? Interview. 

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ELLE. – Pourquoi avez-vous décidé de consacrer un documentaire à la question du pénis ?   

Maïa Mazaurette. C’est un sujet incontournable quand on parle de sexualité. Il s’agit de documentaires sériels, j’ai traité du désir des femmes, du désir des hommes, du sexe des femmes, donc je ne pouvais pas écarter le sexe des hommes. D’ailleurs, dès le départ, ça a été un peu plus compliqué. J’avais anticipé le fait qu’on aurait du mal à trouver des gens qui en parlent de manière sereine. Les femmes ont plus de facilité à parler de leur désir que les hommes, et ce fut également le cas pour le sexe.  

ELLE. – Justement, pourquoi les hommes ont-ils plus de mal à parler de leur pénis que les femmes de leur vulve ?  

M.M. Il y a une vraie question de la culture du témoignage. Pour les femmes, parler de leur corps face à d’autres personnes, ça fait partie de la façon dont est socialisé, dans notre éducation, les magazines féminins… À l’inverse, les hommes ont tendance à parler de leur sexe sur le ton de la plaisanterie. Même s’ils dessinent des pénis sur les murs, parlent de taille et de performance, ce ne sont pas des vrais discours, il y a des masques de protection. Il est aussi question de savoir à qui l’on parle. Aujourd’hui, un homme qui aurait vraiment très envie de s’épancher sur son pénis, s’il en parle à une femme, il sera peut-être taxé d’exhibition ; et s’il en parle à un autre homme, à cause de l’homophobie, il peut y avoir des réactions inappropriées : « Pourquoi tu parles de ton pénis ? », « Tu veux me draguer ? » Finalement, les hommes n’ont pas d’exutoire pour s’exprimer sur les sujets intimes.  

ELLE. – Dans votre documentaire, les hommes disent ne pas être spécialement obsédés par leur pénis. Mais qu’en est-il dans les faits ?  

M.M. Quand ils disent ça, je pense que ce n’est pas complètement faux. Il y a un pénis concret, de chair, et ça je veux bien croire qu’à partir du moment où l’on a mesuré sa taille, on puisse se dire qu’on n’est pas obsédé par son pénis, et que c’est un organe comme un autre. Cependant, un pénis est aussi un organe symbolique. C’est en ça que les hommes y accordent de l’importance. En effet, dans l’imaginaire collectif (si l’on met de côté la question de la transidentité), le sexe masculin est la preuve qu’on est un homme, dans le corps des dominants, des vainqueurs. En tant que femmes, on réfléchit au pénis par rapport à nous et à la manière dont on appréhende nos sexualités. Mais pour eux, c’est plus un enjeu entre hommes qu’un enjeu par rapport à leur sexualité avec des femmes.   

ELLE. – « Torture », « traumatisme », « honte », « jugement »… Les mots utilisés par les hommes dans votre documentaire, sur les moqueries qu’ils ont subies, notamment dans les vestiaires de sport, sont extrêmement forts. Ce rapport au pénis, que veut-il dire des hommes et de notre société ?  

M.M. L’insulte « petite bite », typiquement, ça n’a quasiment plus rien à voir avec le corps lui-même. Il y a une remise en cause de l’existence sociale entière. Les femmes peuvent avoir du mal à comprendre quand un homme parle de « traumatisme », parce que nous sommes sans cesse renvoyées à des problématiques de viol et de meurtre par rapport à notre corps. Or, je pense qu’il s’y joue une souffrance réelle. « Petite bite », ça veut dire « perdant », « pas homme », que tu n’es personne. C’est une négation de l’identité.  

ELLE. – Dans l’intimité, qu’en pensent vraiment leurs partenaires ? 

M.M. 9 femmes sur 10 s’en fichent du pénis. De toute façon, on ne le voit pas quand on est séduite par un homme ou qu’on drague quelqu’un. Ce critère, secondaire, arrive tard dans l’équation. Pour autant, quand les femmes s’intéressent au pénis, ce ne sont pas les mêmes critères selon qu’il s’agisse d’un partenaire pour le long terme ou pour du court terme. S’il s’agit d’un homme avec qui l’on souhaite faire sa vie, on va préférer un pénis de taille extrêmement moyenne, tandis que s’il s’agit d’un amant d’un soir, les femmes préfèreront un plus gros pénis, comme si l’on parlait juste de fantasme sexuel. On sait aussi qu’au niveau de l’esthétisme, c’est l’apparence en général, les questions de texture de peau, d’odeur, qui entrent en jeu. Cela étant, c’est plus un problème d’homme qu’un problème de femme.  

ELLE. – La performance sexuelle est elle aussi un sujet. Un des intervenants de votre documentaire dit avoir cherché « Comment retarder mon éjaculation ? » sur Google. Cette obsession de l’endurance a-t-elle toujours existé ? Comment l’expliquer ? 

M.M. Sur les graffitis gréco-romains, il y a déjà la question de savoir si le pénis est assez dur et assez long. On n’est pas tant dans le fait de vouloir donner du plaisir aux autres que dans le fait de démontrer des valeurs viriles voire humaines. Donc tenir dix secondes une érection avant d’éjaculer, ce n’est pas un problème sexuel, c’est un problème de contrôle. Quand, à ce moment-là, on est dépassé par son propre plaisir, on rentre dans la catégorie des hommes qui ne sont pas en maîtrise de leur propre corps. Et généralement, c’est ça qu’on demande aux hommes. Albert Camus disait « Un homme, ça s’empêche », alors s’il n’arrive plus à s’empêcher, est-il encore un homme ? Il y a une question de souffrance. D’ailleurs, c’est bien que les hommes puissent en parler et chercher des informations dessus. Le pire, finalement, c’est quand on n’en parle pas. Il y a plein de techniques qui permettent de surmonter ce genre de problèmes, sans forcément consulter des sexologues. Mais bien sûr qu’en tant que femme qui couche avec des hommes, j’aimerais que le souci primordial soit celui du plaisir des partenaires sexuels, or c’est rarement le cas. C’est une question d’image de soi-même.  

ELLE. – Les mentalités autour du rapport au pénis ont-elles évolué ces dernières années ?

M.M. Pas tant que ça, on l’a vu dans le dernier rapport sur le sexisme. Nous sommes dans une période extrêmement contractée, avec d’un côté une communauté éduquée qui est effectivement très féministe, où les mecs envoient balader la masculinité toxique ; et d’un autre côté une espèce de trépidation autour des valeurs plus traditionnelles liées aux questions de genre. À mon avis, c’est dû à la crise économique, à l’inflation, à la guerre : quand on n’a plus d’identité sociale, la seule identité acceptable, c’est l’identité incontestable, celle du genre. J’y vois le signe d’une fragilité sociale énorme.  

« Vous saurez tout sur le pénis », ce mercredi 31 janvier à 21h25 sur TMC. Documentaire tout public.  

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