Santé

Son smartphone, son écharpe, son mari… le Dr Aga dévoile ses doudous d’adulte !

Ma mère se souvient que, quand j’étais petite, je ne me déplaçais jamais sans  doudou. Problème : je n’avais pas, comme les enfants normaux, un jouet fétiche, mais une dizaine, dont une grosse bouée en forme de cygne… et Bagheera, une panthère en peluche d’un mètre de long, assez peu pratique à caser au milieu de cinq corps dans la Peugeot 104 paternelle. Le temps a passé, et j’ai toujours autant d’objets transitionnels, mais les choses ont évolué dans le sens que l’on peut attendre d’une personne mature : la voiture est beaucoup plus grande. Revue des indispensables de ma vie d’adulte.

MA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE

À quoi reconnaît-on un doudou d’enfant ? Il a un rapport avec l’oralité. Le bébé le porte à sa bouche, le mâchouille, le suçote. Eh bien, avec la cigarette électronique, pour Élisabeth Borne comme pour moi, c’est pareil. Ma tétine à nicotine n’est jamais loin, je l’attrape sans même m’en rendre compte et, comme un petit enfant, je compte sur elle pour faire son office de consolation. Parfois, quelqu’un marche dessus, et je dois en racheter une autre. Ça me fait le même effet qu’une fillette de 2 ans à qui ses parents expliqueraient « Mais si, c’est le même doudou, on l’a juste lavé » – avec cette odeur de neuf dégueulasse ?, prenez-moi pour un jambon ! Quand  Élisabeth Borne était encore Première ministre, malgré les avalanches de 49.3, sa clope électronique me la rendait sympathique, comme l’unique défaut visible de sa cuirasse. Et j’ai trouvé pas cool du tout que les députés LFI l’en- gueulent de vapoter dans l’hémicycle : ça m’a fait penser à des adultes qui arracheraient la tétine d’un enfant en public.

MON SMARTPHONE

Tous les bambins ont un doudou qu’ils adorent détester : une poupée super moche, une figurine sur laquelle ils marchent tout le temps pieds nus, une peluche qui sent mauvais… Moi, c’est mon téléphone. S’il n’est pas visible, c’est la panique. Quand je le vois, tout clignotant de notifications, j’ai envie de le défenestrer. Le seul moment où je l’aime à la folie, c’est quand je le retrouve après l’avoir égaré. Mais j’ai remarqué un truc : les autres, autour de moi, sont bien pires avec leurs propres smartphones. Plusieurs fois, j’ai chopé des proches qui le posaient à côté de leur assiette, ça m’a ulcérée, et je me suis dit qu’ils étaient mille fois plus accros que moi, qui en ai un usage civilisé (à table, il reste sur mes genoux). Ça m’a rappelé que, quand on est petit, on trouve souvent les autres nuls, à trimballer partout leurs doudous débiles – alors que notre grosse bouée en plastique en forme de cygne, ça a une autre gueule !

MES ALBUMS PHOTO

À chaque fois que nous voyageons en famille, et on a la chance de le faire souvent, je réalise un  album photo. Ça me prend un temps fou – j’aime bien peaufiner, et les logiciels de mise en page changent tout le temps, ça me rend dingue –, il y a 2 000 photos des autres et 4 (moches) de moi, ça coûte cher… bref, je râle. Mais quand je regarde le résultat, je me demande si je ne préfère pas encore ces albums aux voyages eux-mêmes. Il ne reste que l’enchantement, dans ces pages, pas de course à l’aéroport, de médicaments oubliés, de nourriture louche, de longs trajets ou untel gémit parce qu’il a la place du milieu à l’arrière… Mes albums ont ceci de particulier que ce sont des doudous contagieux : à chaque fois qu’ils viennent à la maison, les enfants en attrapent un et deviennent tout tendres.

LA MOLAIRE DE MA FILLE

J’ai perdu les dents de mes bébés. Je veux dire : la petite boîte où je les collectionnais a disparu. J’en ai juste retrouvé une, un jour où je rangeais mon bureau, dans une enveloppe au nom de ma fille. Pas de chance, ce n’est pas une minuscule incisive ou une mignonne canine, mais une solide molaire. Peu importe, je la regarde très souvent et je revois E. toute petite, avec cet appétit qu’elle avait, incroyable compte tenu de son corps de poupée. L’autre jour, Didier a vu cette molaire et m’a soutenu que ça ne pouvait être que celle d’un mammifère énorme, mais, moi, je sais : mon enfant n’a jamais été grosse que des dents, c’est son karma.

MON TIRE-BOUCHON

Combien de gens, au monde, ont réussi à user leur tire-bouchon ? Le mien brille à certains endroits, comme ces statues lustrées par des mains superstitieuses. Ça devient difficile de l’enfoncer, encore plus d’enlever un bouchon, mais je n’en changerai jamais, car c’est le cadeau de mariage de ma témoin (qui me connaît bien). Et, peut-être plus que tous mes autres objets, il symbolise des décennies de conjugalité. Ma joie de le retrouver, aussitôt après avoir accouché ! Les bonnes bouteilles qu’il a ouvertes, pour fêter… bah, rien du tout, le plus souvent. Je me demande si ce n’est pas lui que ma famille glissera dans mon cercueil, au cas où…

LA ROGNURE D’ONGLE DE GEORGE CLOONEY

L’histoire de ce petit morceau de kératine jauni par le temps est aussi chouette que son aspect est repoussant. Au début des années 2000, on pouvait encore parler aux stars hors de la présence de chargés de com s’égosillant « last question !! » au bout de huit minutes, et j’ai eu le plaisir de passer une heure en tête à tête avec  George Clooney (et ouaiiis). Dans sa suite d’hôtel, il était détendu, blagueur et visiblement célibataire, à en juger par un coupe-ongles abandonné dans un vide-poches (aucune femme ne supporte que son mec laisse traîner ça, c’est scientifique). Au milieu de l’interview, l’acteur s’est levé pour aller nous chercher des verres d’eau à l’autre bout de la pièce. Ni une ni deux, j’ai profité de son dos tourné pour attraper un petit bout d’ongle dans la coupelle. Alors, s’agit-il vraiment de kératine clooneysque ? Je n’en ai pas la preuve, mais ça m’étonnerait que quelqu’un de son staff promo soit venu se limer les griffes sur son canapé à lui. Depuis, cette rognure, emballée dans du papier de soie, est toujours dans mon porte-feuille, à portée de cœur.

MON ÉCHARPE DE LUXE

De loin, on dirait un vrai doudou d’enfant : un morceau de tissu beigeasse, tout mou et qui s’effiloche. Et pourtant, il s’agit d’une étole en soie et pashmina d’une célèbre marque italienne – dont je ne dirai pas le nom parce que ça ne lui ferait pas plaisir. Je l’ai achetée il y a une quinzaine d’années, et je me souviens que, même si elle était super-soldée, j’ai pensé que son prix était en francs, alors que pas du tout. Mais dire que je l’ai amortie est un euphémisme : je vis avec, je dors avec, je travaille avec… Et la seule fois où j’ai failli éviscérer mon teckel, c’est quand je l’ai retrouvée au fond de son panier. Un doudou, c’est aussi une chose qu’on ne partage jamais.

MON MARI

Un être humain peut-il être, dans son entièreté, un doudou ? Je me suis long- temps demandé si ajouter Didier à la liste de mes objets fétiches était pertinent. Après tout, un mari est-il un support de consolation infaillible ? Se sent-on toujours réconfortée, apaisée, en présence d’un être susceptible d’avoir faim trois fois par jour, de marcher sur votre cigarette électronique, de regarder son portable à table et de commenter « Ça t’a pris tant de temps que ça, de faire cet album ? » ? J’en ai conclu que la vraie question n’était pas celle-là : contre quoi serais-je prête à échanger l’intégralité de mes doudous (même la rognure de Clooney), et ce sans aucun état d’âme? Eh bien, la réponse, c’est Didier.

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