Santé

Crise de la quarantaine : Manon, 43 ans, « À 40 ans, j’ai décidé d’arrêter l’alcool »

Manon a 43 ans et elle a décidé d’ arrêter de boire de l’alcool le jour de son quarantième anniversaire. Elle a pris cette décision après quelques mois de réflexion : « Je me suis rendu compte que je consommais de l’alcool par réflexe plutôt que par plaisir. Que cette consommation était dangereusement régulière, plusieurs fois par semaine au moins, et que j’étais toujours très mal après. Quand j’avais vingt ans, je pouvais boire 4 ou 5 verres dans la soirée et être fraîche le matin, mais après 35 ans, et même sans excès, je me retrouvais avec la bouche pâteuse, le teint gris ou jaune, la peau grasse. J’ai fini par me dire que l’alcool ne m’apportait pas grand-chose et avait surtout tendance à me faire du mal. C’est pour ça que j’ai arrêté. »

Pour Camilla Gallapia, dessinatrice et autrice du roman graphique «  Fille d’alcoolo » (aux éditions Larousse), son quarantième anniversaire a aussi été le moment d’une réflexion autour de l’alcool dans sa vie : « Il y a quelque temps, j’ai commencé à faire le parallèle entre la vie de ma mère et la mienne. J’étais suffisamment grande à l’époque pour me souvenir aujourd’hui de qui elle était quand elle avait l’âge que j’ai désormais et je vois les choses sous une autre perspective depuis. Je ne porte plus sur elle le regard de sa fille, mais celui de femme à femme. Et j’essaye de comprendre qui elle était, ce qu’elle a vécu et ce qui a pu la mettre sur le chemin de l’alcoolisme. Pour savoir qui je suis, il faut que je comprenne qui elle était. Et puis elle est décédée jeune, à 49 ans, alors j’imagine que la barrière des 40 ans a également démarré un genre de compte à rebours dans ma tête. C’est un sentiment très étrange de s’imaginer vivre à un âge plus avancé que celui de son parent, comme si on l’avait doublé, dépassé. »

Mes proches ont fait une tonne de réflexions désagréables

Manon a été étonnée des réactions de ses proches à sa décision d’arrêter l’alcool : « Je me suis encore plus rendu compte que c’était un problème quand j’ai vu comment mes proches ont réagi. J’ai eu l’impression que leur but était de me faire reprendre l’alcool. Ils ont continué à m’en proposer, ont fait une tonne de réflexions désagréables, m’ont accusé de faire une crise de la quarantaine avec tout ce que cette réflexion comporte de sous-texte désagréable. J’ai même eu une fois où de l’alcool a été glissé dans mon verre sans qu’on me prévienne. Je me suis énervée et je n’ai eu face à moi que des gens qui ne comprenaient pas le problème. Arrêter l’alcool m’a fait comprendre que j’avais un problème avec, mais que c’était aussi le cas de toutes les personnes autour de moi et que tout le monde faisait tout pour que je replonge. »

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Camillia Gallapia, fille d’une femme atteinte d’alcoolisme, a connu le rôle d’aidant dans le cadre de la désintoxication de sa mère. Elle pointe l’importance de l’implication des proches : « En tant que témoin de la maladie, il me semble que le rôle des proches dans le processus est important. Pas dans le sevrage, qui dépend de la sphère médicale, mais dans l’accompagnement affectif et le soutien sur le long terme. Ceci dit, là encore, un accompagnement médical me semble nécessaire car vivre avec une personne addict est extrêmement compliqué et entraîne des enjeux affectifs particuliers qui peuvent vicier les rapports. Selon moi, le travail de thérapie devrait se faire sur toute la sphère familiale, avec un objectif commun : la guérison du malade et le retour de l’équilibre familial. »

Pour Manon, le problème avec l’alcool est un problème global et même sociétal : « J’ai eu 40 ans, j’ai arrêté l’alcool et c’est comme si j’étais passée de l’autre côté du miroir. J’ai vu à quel point les adultes sont parfois bourrés, alors qu’il y a des enfants autour, aux fêtes de famille. J’ai vu à quel point mes amies prenaient de mauvaises décisions à cause de l’alcool et finissaient par se faire du mal en général, pas que physiquement. En me sentant mieux dans mon corps, j’ai mesuré à quel point l’alcool fait du mal à la santé. J’aurais aimé qu’on m’accompagne là-dedans parce qu’arrêter ne m’a pas apporté que du positif, ça m’a aussi éloignée de ceux que j’aimais le plus et qui n’ont pas compris ma décision. J’aurais aimé que ce soit plus facile d’arrêter pour toutes et tous. Qu’il y ait de ressources ou des gens qu’on puisse voir. Je me suis sentie un peu abandonnée. »

Pour Camille Gallapia, l’absence d’accompagnement, en tant qu’enfant, de personne atteinte d’alcoolisme et d’aidant, a été délétère : « Ma mère s’est battue contre l’alcool toute sa vie. Elle a consulté une multitude de médecins, de psychologues, elle a consulté des centres d’addictologie et suivi plusieurs cures. Pourtant, à aucun moment, un accompagnement psychologique ne nous a été proposé à ma sœur et moi. En écrivant « Fille d’Alcoolo », j’ai réalisé à quel point l’entourage du malade était laissé pour compte. Étonnamment, je ne l’avais jamais réalisé jusque-là, et c’est en prenant du recul sur mon histoire, en me traitant comme un « personnage » que j’ai perçu à quel point cette absence d’accompagnement était dramatique… J’ai du mal à comprendre que ça ne puisse pas être automatique de recevoir a minima les proches qui l’accompagnent au quotidien, et tout particulièrement ses enfants, pour qui l’alcoolisme peut avoir des conséquences désastreuses et durables. » C’est par son livre, « Fille d’alcoolo », que l’autrice réalise le nécessaire travail thérapeutique autour de son expérience.

Ça a pris plus d’un an pour que je fasse accepter ma décision

Manon, elle, n’a pas repris l’alcool : « Je m’y suis tenue. J’ai eu quelques conversations un peu difficiles avec mes parents, qui ont aussi cru qu’en arrêtant l’alcool, je jugeais leur consommation, mais ça va mieux maintenant. Plus personne ne me force ou ne me fait remarquer que je suis « la meuf chiante ». Je crois que tout le monde s’est habitué. Pendant des mois, j’ai amené mes propres boissons, des softs, aux soirées. Maintenant, ils y pensent pour moi. Ça a pris plus d’un an pour que je fasse accepter ma décision et j’ai certaines amies qui m’ont avoué y penser aussi. Ça me fait plaisir quand j’entends ça. Je sais que je ne vais pas être seule avec ce choix, à l’avenir. »


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