Santé

5 questions sur l’anxiété nocturne : « L’inconscient nous interpelle sur le fait qu’il y a un problème »

Tension musculaire, palpitations, boule au ventre, difficultés à respirer la nuit… si ces symptômes vous parlent, il est probable que vous ayez déjà souffert d’anxiété (ou angoisse) nocturne. Cette émotion peut également se manifester par des sueurs nocturnes, une envie d’uriner, ou encore l’impression d’avoir des membres en coton. Des sensations inconfortables, qui empêchent de dormir paisiblement. Si tout le monde est susceptible de la ressentir à certaines périodes de sa vie, « l’anxiété nocturne peut être normale, ou pathologique », explique Nicolas Neveux, psychiatre à Paris. 

Sept Français sur dix souffrent de  troubles du sommeil, selon une enquête Ifop pour Les-Matelas.fr, publiée en mars 2022. Lorsque les symptômes deviennent trop intenses voire handicapants, l’anxiété nocturne s’inscrit généralement dans le cadre d’un trouble anxieux sous-jacent. En effet, « les problèmes de sommeil doivent être envisagés comme des symptômes », précise l’expert. Alors, comment différencier l’anxiété nocturne dite « normale » de l’anxiété de type pathologique ? Quels sont les effets néfastes sur la santé ? Comment apaiser cette angoisse ? Interview. 

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ELLE. Comment expliquez-vous que l’anxiété se manifeste parfois la nuit, plutôt qu’en pleine journée ? 

Nicolas Neveux. La nuit est un moment où la conscience laisse place à l’inconscient. Il n’est donc pas étonnant que des éléments qui nous angoissent remontent, parce qu’ils n’ont pas été traités. En effet, c’est une façon qu’a l’inconscient de nous interpeller sur le fait qu’il y a un problème, et qu’il serait peut-être bien de le traiter. L’anxiété nous avertit d’un potentiel danger, c’est la raison pour laquelle, dans la plupart des cas, cette émotion nous réveille.

ELLE. À partir de quel moment peut-on parler d’anxiété nocturne de type pathologique ?

N.N. Très souvent, on ressent de l’anxiété parce que l’esprit s’inquiète de quelque chose. Tant que l’angoisse est adaptée à ce que l’on craint, et n’est pas excessivement handicapante, cela ne relève pas de la pathologie. Ce qui fait qu’il s’agit d’un trouble, c’est le caractère disproportionné de l’anxiété par rapport au contexte. 

Je m’explique : supposons que vous souffriez d’angoisse nocturne parce que vous n’avez pas les moyens de régler une facture. Si cela vous empêche de dormir le temps de quelques nuits, ce n’est pas considéré comme pathologique. En revanche, si ces impayés déclenchent chez vous des crises d’angoisse (ou attaques de panique nocturnes), à tel point que vous êtes incapable d’aller travailler le lendemain, on peut parler de pathologie. Le côté disproportionné s’évalue par l’intensité, la durée ou le caractère inadapté aux circonstances.

ELLE. Quels sont les facteurs aggravants ?

N.N. L’anxiété nocturne est principalement réactionnelle à des événements de vie lambda : un entretien professionnel le lendemain, un premier date, son propre mariage…  C’est aussi pour cette raison que nous y sommes tou·te·s confronté·es.

Pour les personnes qui souffrent d’anxiété nocturne pathologique, les causes sont énormes. Cela peut être lié à des troubles anxieux (comme le trouble anxieux généralisé ou TAG), mais aussi à tous les troubles de l’humeur. En effet, le sommeil est perturbé dans quasiment toutes les pathologies mentales. Pour cause, le sommeil est très fragile : c’est la première chose qui se perturbe, et la dernière chose qui se rétablit. Il y a également de nombreuses pathologies physiques (cancers, troubles endocriniens…), qui peuvent entraîner une anxiété nocturne, ainsi que d’autres troubles du sommeil. 

ELLE. Quelles sont les conséquences de l’anxiété nocturne sur la santé physique et mentale, à court, moyen et long terme ?

N.N. Forcément, l’anxiété nocturne va entraîner un risque de fatigue le lendemain. S’il y a une privation de sommeil sur le moyen ou long terme, on est dans une situation qui évoque un caractère pathologique. La personne qui en souffre risque de ressentir de l’épuisement, et cela peut retentir sur l’humeur (irritabilité, tristesse…).  

ELLE. Quelles solutions préconisez-vous pour apaiser l’anxiété nocturne ?

N.N. Pour commencer, il faut se rappeler que l’anxiété est révélatrice d’un problème. Beaucoup de gens veulent se débarrasser de cette émotion, sans en chercher la raison. Or, il est important de mettre en place des mesures préventives ou de nature à traiter le problème révélé par l’émotion, pour éviter que cela se reproduise.

Ainsi, la première chose que je dirais à quelqu’un qui souffre d’anxiété nocturne est la suivante : «Tout d’abord, ne faites rien pour essayer de diminuer l’anxiété. Cherchez plutôt pourquoi vous êtes anxieux·se et comment vous pouvez y remédier. » Cela ne passe pas forcément par une thérapie. Dans le cadre d’une anxiété nocturne normale, le problème sous-jacent est facilement identifiable. À l’inverse, si on est anxieux·se sans savoir pourquoi, cela peut valoir le coup de se faire aider.

Pour essayer de diminuer l’anxiété nocturne, une fois le déclencheur identifié, je recommande de recourir à des techniques de relaxation, telles que le Training autogène de Schultz, ou la relaxation progressive de Jacobson. In fine, le fait de se pencher sur sa respiration et sur son corps conduit à un détournement de l’attention, qui va créer un contexte physiologique propice au sommeil.

Par ailleurs, s’il existe des troubles psychiques à l’origine des angoisses nocturnes, il faut absolument les traiter. Si la personne ne parvient pas à traiter le problème seule, je l’inviterais à consulter un médecin ou un psychiatre pour poser un diagnostic, en expliquant les symptômes. S’il n’y a pas de trouble médical, une prise en charge en TCC (thérapie cognitive et comportementale) ou en TIP (thérapie interpersonnelle), qui prend en compte les rythmes du sommeil, est à privilégier.  

(*) Dr Nicolas Neveux, psychiatre, auteur du livre «  Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle ».  

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