Santé

Allô Giulia ? « Je ne tombe que sur des bras cassés »

« Chère Giulia,

J’entame ma deuxième moitié de vie, et franchement, j’en suis à me demander si ça n’est pas le moment où jamais de changer de cap. Virage à 180, et en avant toute : go les meufs ! Ça peut paraître bizarre dit comme ça, je ne suis pas sûre qu’on « choisisse » son orientation sexuelle – encore que ? Et c’est vrai que jusqu’ici, je n’ai jamais réellement ressenti d’attirance pour les femmes. En même temps, est-ce que, d’une manière ou d’une autre, ça m’a été interdit ? je veux dire : est-ce qu’on n’a pas tous grandi dans l’idée que, de toute façon, le couple hétéro était la norme, et que toute autre vie possible était de l’ordre de l’exception, voire de la transgression ?

Alors peut-être que je n’y ai tout simplement pas pensé… Mes parents étaient très ouverts sur la question, de ce côté-là, pas de problème. J’ai eu, c’est vrai, la chance d’avoir un père assez exceptionnel. Qui n’a jamais entravé ma vie amoureuse, et au contraire, il s’entendait bien avec tous ceux que je ramenais à la maison. Attention, il n’y en a pas eu tant que ça…

Une première grande histoire d’amour au lycée, une autre, très belle, à la trentaine, qui m’a donné mes deux enfants. Donc on peut dire que tout était bien parti, mais, depuis mon divorce, il y a huit ans, ça coince. Je ne tombe que sur des bras cassés, pas franchement méchants, mais tellement pas à la hauteur… Entre le mec incapable de tenir le moindre engagement, celui qui se barre en pleine nuit, et je ne compte pas le nombre de fois où j’ai été cocue, en fait, je me demande où sont passés les mecs, les vrais. Ceux sur qui on peut compter. Ceux à qui on peut faire confiance. En fait, j’en ai plus que marre de me faire avoir.

Et je me demande : est-ce que le problème vient des mecs d’aujourd’hui, pas calibrés, pas éduqués comme ceux d’hier ? Ou alors c’est une question d’âge, qui fait que passé la quarantaine, il n’y a plus personne ? À moins qu’ils naissent tous avec le gène de la lâcheté, et que, juste, je n’avais pas eu l’occasion de m’en rendre compte avant… En tout cas, même ces questions-là, j’en ai marre de me les poser. D’où l’envie du changement de cap. Quand je vois mes copines lesbiennes, je me dis qu’elles ont réglé une partie du problème, non ? » – Laetitia, 44 ans.

« Chère Laetitia,

Pardon, mais vous me faites rire – le gène de la lâcheté, je ne l’avais jamais eu ! Alors évidemment, non, personne n’est programmé biologiquement pour se comporter comme un gougnafier. Si jamais, oui, on a plus un petit souci de construction du masculin dans une société où tout, ou presque, leur est permis, quand on nous colle, à nous, un poupon dans les bras dès que possible, pour apprendre, très, très vite, à prendre soin de l’autre… Mais ça, c’était déjà vrai à l’époque de votre père, aussi génial soit-il – c’était même pire, d’ailleurs. Vous avez eu de la chance, c’est vrai. Encore que le concept de chance m’est un peu étranger, ayant plutôt tendance à penser qu’on a, ou pas, la capacité à sentir ce qui est bon pour nous, et à s’en saisir – mais ok, ce n’est pas du tout la question.

La question c’est : comment se fait-il qu’après votre père, votre amour de jeunesse et le père de vos enfants, vous ne tombiez que sur des branquignols ? La réponse est peut-être dans la question : peut-être que la barre est très haute, peut-être que la distance dans le temps idéalise le souvenir, peut-être que vous avez du mal, vous, à vous séparer d’eux. Alors, pour ne pas les trahir, le mieux reste certainement de ne plus risquer de les mettre en compétition avec un autre homme que vous pourriez rencontrer maintenant. Ça n’est qu’une hypothèse, mais elle mériterait d’être explorée.

Celle que vous faites, je vous l’accorde, n’est pas inintéressante non plus. Et vous n’êtes pas la seule, en plein post MeToo, à interroger si fort le masculin, et le couple hétérosexuel, avec tout ce qu’il suppose de déséquilibre et de rapport de force, qu’un changement d’orientation puisse vous sembler la solution. Je suis d’accord avec vous, on ne choisit pas de switcher des hommes, aux femmes, comme on passerait du mode « rafraîchisseur d’air » au mode « ventilo » – canicule oblige, c’est la première image qui me vient, sorry pour le manque de poésie. Mais c’est vrai qu’après des décennies et des siècles d’hétéronormativité, à partir du moment où nos chakras semblent s’ouvrir un peu, on peut imaginer que bon nombre d’hétéros s’autorisent (enfin) à changer de voie pour emprunter une route qui leur ressemble plus. Est-ce que vous êtes de celles ou de ceux-là ? Vous ne le saurez qu’en le vivant.

Mais allez-y, Laetitia : 44 ans, c’est surtout l’âge de toutes les explorations ! Juste, une toute petite chose : si les couples de femmes affichent des taux de satisfaction sexuelle à faire pâlir d’envie le reste du monde, je ne suis pas sûre que les lesbiennes naissent avec le gène de la fiabilité. Elles ne vous décevront pas moins parce qu’elles sont des femmes. La bonne personne, pour vous, sera, homme ou femme, celui ou celle qui peut répondre à vos envies/besoins/aspirations/fantasmes etc. Et je reboucle la boucle : arrêtez-vous sur vous, deux secondes. Laissez l’autre de côté pour l’instant. Demandez-vous, vraiment, ce que vous attendez d’une histoire d’amour, aujourd’hui. »

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