Santé

Allô Giulia : « Ma compagne me tanne pour qu’on aille voir un thérapeute de couple »

« Chère Giulia,

Ma compagne me tanne pour qu’on aille voir un thérapeute de couple, et je ne sais pas quoi en penser. On a eu pas mal de galères, elle et moi,  ces derniers temps, mais moi, je trouve qu’on les a plutôt bien surmontées. Notre couple – et même, notre famille, puisque nous sommes mamans depuis un an maintenant – a fini par être accepté par tous nos proches. Notre fille fait enfin ses nuits. Moi, j’ai arrêté l’allaitement et repris le boulot – c’est vrai, ça n’a pas été simple, mais je l’ai fait ! Pour moi, on est juste crevées, on a besoin de temps pour digérer, et quand on aura bien récupéré, on s’engueulera moins, point. Ça, c’est ma lecture des choses. Mais ce n’est pas du tout celle de Mara. Pour elle, il faut impérativement consulter. Elle vient d’une famille de psy, où on sait à peu près se parler… Et donc elle a horreur des conflits. Dans la mienne, s’engueuler, ce n’est pas grave. C’est même sain. Et, non, je ne pense pas qu’il faille être bon à interner pour aller voir un psy, mais je me dis qu’il y a des choses plus difficiles dans la vie que ce qu’on a vécu. En fait, je ne sais pas trop ce qu’elle cherche avec cette histoire. Et déballer son linge sale en public, ce n’est pas mon truc. Et puis j’ai beaucoup entendu dire que les thérapeutes de couples t’aidaient surtout à bien te séparer – une rupture sans trop de casse, en gros. Mais moi, je n’ai pas envie qu’on se sépare ! Je l’aime, je pense, je sais qu’elle m’aime, et je crois qu’on a pas mal de choses à vivre encore ensemble… Si elle me lâche avec cette histoire de psy. Ou si j’accepte d’y aller, si j’ai bien compris. Bref : j’y vais, ou je n’y vais pas ? » – Ophélie, 37 ans 

« Chère Ophélie,

Alors déjà, vous y allez. À deux. Et c’est tout l’intérêt de la démarche : poursuivre, ensemble, un chemin entamé ensemble, avec une boucle, ensemble, chez un thérapeute, de couple. Engager ce travail, c’est donc, avant tout, continuer à vous construire, toutes les deux. Avec la possibilité, oui, que cette étape chez le psy soit la dernière de votre route commune. Mais refuser d’y aller n’empêchera pas la rupture, si rupture il doit y avoir… Au fond, vous le savez bien : l’endroit où veut vous emmener Mara, c’est un nouvel espace pour votre couple. Là, il peut exister, lui, et lui seul. Sans le boulot, sans vos proches, sans votre fille – est-ce que c’est de ça dont vous auriez peur ? Vous offrir un espace-temps où vous seriez un peu plus la compagne de, et un peu moins la mère de ? Rassurez-vous, vous le serez dix fois plus en sortant… On est de bons parents quand on n’est pas que ça, j’en suis convaincue. Et si votre fille est là, c’est parce que Mara était là avant elle. Peut-être que c’est ça, au fond, dont Mara a besoin. Et peut-être qu’elle a besoin d’un tiers pour vous le dire : parce que les mots viennent mieux quand ils ont un endroit pour eux, où ils se savent réceptionnés. Parce que dans ce temps-là, qui vous serait consacré, à toutes les deux, vous seriez mieux à même de les entendre. Mais ça n’est qu’une hypothèse : je ne suis ni Mara, ni vous, ni dans cette drôle d’alchimie qu’on appelle un couple. Ce que je sens, c’est que vous avez, l’une et l’autre, enchaîné les luttes. Comme tous les couples de femmes. Comme tous les jeunes parents. Que vous les avez toutes gagnées, et que votre histoire est suffisamment vivante pour que vous m’écriviez. Très sincèrement : chapeau. Mais justement : est-ce que vous ne mériteriez pas, toutes les deux, de trouver un endroit où vous pourriez déposer tout ce qui a alourdi vos bagages ? Vous pourriez les ouvrir en séance, regarder dedans, refermer le sac, et le laisser derrière vous… Délestées de ce poids, vous pourriez, alors, reprendre votre route. Toutes les deux, et toutes les trois. Essayez, Ophélie. N’ayez crainte : il n’y a que du bon à prendre là-dedans, croyez-moi.

PS : je ne sais pas si vous êtes au courant, mais vous avez le droit de tester plusieurs psys, avant de choisir celui ou celle qui vous conviendra le mieux.

PPS : Freud a produit pas mal de petits suppôts du patriarcat, c’est vrai. Mais pas que. Et bon nombre de thérapeutes ont engagé de solides réflexions pour adapter leur pratique, et leur grille de lecture, au monde, aux familles, aux couples, d’aujourd’hui. Vous sentirez vite si c’est le cas. Si ça ne l’était pas : next.

PPS : je vous embrasse. »

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