Allô Giulia ? « Mon amie se fait tromper, dois-je lui dire ? »
« Chère Giulia,
Je suis hyper emmerdée. Et je vous écris, Giulia, parce que j’ai besoin d’un avis extérieur… Je travaille dans la musique, et mon label s’occupe de tout un tas d’artistes en vue. Un soir, l’un d’entre eux se produit au Zénith, et Romain, le mec de Marie, une amie d’enfance de ma sœur, m’appelle : il me demande si je peux lui avoir deux places pour le lendemain. Je connais peu Romain, mais je l’aime beaucoup, autant que j’aime Marie. Donc je fais ce qu’il faut, et, le lendemain, il a deux places à son nom. Je lui envoie un texto, toute contente, pour le lui dire, et il me rappelle, tout gêné. En fait, les places ne sont pas pour lui. C’est pour une « amie », toutes ses copines y allaient, elle était verte de ne pas avoir de place, il voulait juste lui faire plaisir. Lui, il ne pouvait pas aller au concert, il allait dîner avec les parents de Marie. Il hésite, il est tout bafouillant, un peu gêné… Et tout à coup, je comprends : cette amie, c’est sa maîtresse. J’ai vite raccroché, et depuis je cogite : est-ce que j’en parle à Marie ? On se voit tous pour le 31, je vais me retrouver face à eux : comment est-ce que je dois me comporter ? Plus les jours passent, plus ça m’obsède. Je fais quoi de cette info ? » – Louise, 32 ans.
« Chère Louise,
D’abord, ça n’est pas une info. C’est une hypothèse. Elle assez vraisemblable, je vous l’accorde, mais vous savez surtout que vous n’en savez rien. Mais notre cerveau reptilien aime autant le flou que la nature aime le vide, autant dire, pas du tout. Donc, vos données étant parcellaires, et vous comblez les manques avec ce que vous connaissez, et avant tout, avec un peu de vous : ce que vous savez du couple, ce que vous en avez vécu, ce que vous craignez (ou pas) de l’infidélité. Cette histoire n’est pas la vôtre et pourtant, elle occupe toutes vos pensées… Peut-être que ça vaudrait le coup de vous demander en quoi elle fait écho, chez vous ? De manière générale, je me méfie de toute action entreprise au nom des autres, surtout quand ils ne nous ont rien demandé. Le fonctionnement d’un couple est toujours aussi singulier, que mystérieux pour l’extérieur. Il obéit à des règles qui n’appartiennent qu’à lui, il passe par des phases qu’il est seul à connaître. Qui vous dit, par exemple, qu’au même moment, Marie ne trompe pas Romain ? Qui vous dit que le premier coup de canif au contrat, ça n’est pas elle qui l’a porté ? Vous n’en savez rien
. Pas plus que vous ne savez ce qui unit Romain à cette « amie ». Il peut aussi vous dire la vérité : elle est une amie, point. Et la raison de son trouble serait à chercher parfaitement ailleurs. Il pourrait, par exemple, vouloir faire plaisir à quelqu’un que Marie ne peut pas blairer, et que lui aime beaucoup, et cela suffirait à le gêner. Certes, on n’a rien à gagner à agir dans le dos de l’autre, surtout pour des broutilles… Mais qui ne l’a jamais fait ? Mais admettons que vous aviez raison : c’est sa maîtresse. Il doit en être sacrément amoureux, pour prendre autant de risques, non ? Ce qu’il fait, vous appeler, vous en parler, ça ressemble quand même à un acte pas du tout manqué… Et s’il voulait se faire gauler ? S’il voulait, inconsciemment, vous refiler la patate chaude ? Son secret, c’est vous qui le portez, vous qui pourriez exploser, vous qui pourriez tout balancer… Et il n’aurait plus rien à faire.
En ce cas, Louise, parler à Marie, c’est faire exactement ce que Romain attend de vous : le sale boulot, à sa place. N’oubliez pas : il y a la tromperie, et il y a la façon dont on l’apprend. Et l’essentiel, à mon avis, c’est toujours qu’on se fasse le moins de mal possible. Laissez Marie et Romain avancer, à deux, dans leur histoire. Vous n’êtes ni l’infidèle, ni la cocue. Ni victime, ni responsable. Mettez ça dans un coin de votre tête, et oubliez. Vous serez là si ça doit exploser. Etre une amie, c’est ça. C’est pas grand chose, pourtant c’est énorme. »
