Santé

Disputes, insultes, tensions : à l’âge adulte, elles subissent encore la séparation de leurs parents

« J’entends encore mon père insulter ma mère et son nouveau conjoint » Julie, 45 ans  

« Le divorce de mes parents remonte à mes 12 ans, et ça s’est très mal passé. Mon père a très mal accepté que ma mère le quitte. Elle était tout pour lui, il a vu sa vie s’écrouler. Apprendre que ma mère partait pour quelqu’un d’autre en a rajouté une couche. Il l’a vécu comme un cataclysme. À cette période-là, mon papa, qui travaillait beaucoup, était très fragile, au bord du burnout, même si l’on ne mettait pas de mot dessus. Le départ de ma maman a mis le feu aux poudres.  

Nous habitions au Pays basque à l’époque. Et la situation était tellement tendue que nous sommes montés à Paris avec mes frères et ma mère – elle ressentait le besoin de se protéger. Résultat, on ne voyait mon père qu’une semaine sur quatre et la moitié des vacances. Nous étions très proches, mais il avait l’impression qu’on lui volait une partie de notre enfance. C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui, il en veut énormément à ma mère. Au fil des années, mes parents se sont voué une haine terrible. J’entends encore mon père insulter ma mère et son nouveau conjoint. Je ne supporte pas qu’ils disent des horreurs sur l’un et l’autre. Même en tant qu’adulte, on reste l’enfant de ses parents toute sa vie. Je n’ai pas envie que leur image soit sans arrêt détruite.  

« Un jour, mon fils a eu le malheur de dire qu’il avait la chance d’avoir trois grands-pères »

Pour toutes ces raisons, les moments de rassemblements me stressent énormément. Mes parents, qui ne se parlaient plus, ne se sont pas revus jusqu’à la naissance de mon fils, il y a 17 ans. J’étais tellement absorbée par mon bonheur que je n’ai pas trop ressenti la tension entre eux à ce moment-là. Mais aujourd’hui, leur rancœur est toujours très présente. Un jour, mon fils a eu le malheur de dire qu’il avait la chance d’avoir trois grands-pères, dont le mari de ma mère qu’il appelle « Papou ». Mon papa est monté au créneau et l’a immédiatement repris. J’ai toujours fait en sorte que mes enfants ne subissent pas ces tensions. C’est la raison pour laquelle ils parlent de mon beau-père sans aucun tabou. Mais au fond, ça me noue l’estomac, j’ai peur que cela relance la machine… 

« Je n’ai pas pu profiter du baptême de mon fils, j’avais le bide totalement tordu »

Au baptême de mon fils, ça a été un enfer pour moi. Il y avait le mari de ma mère qui m’a vue grandir, je ne me voyais pas l’exclure à cause de mon père. Je n’ai pas pu profiter de l’événement, pourtant très important pour moi en tant que maman, mais j’avais le bide totalement tordu. Déjà, avant la cérémonie, mon père me disait : « je ne ne veux pas le voir, il a intérêt à se cacher derrière un poteau ! » Le jour J, dès que mon beau-père s’approchait un peu trop d’un invité, mon père débarquait : « il n’est pas de la famille ! » Pour éviter la catastrophe, j’ai dû créer deux groupes distincts après la cérémonie à l’église – il y a eu deux déjeuners différents, une orga de malade ! Pour le baptême de ma fille, aujourd’hui âgée de 14 ans, ça s’est passé différemment. La cérémonie et les festivités avaient lieu chez ma mère et mon beau-père, qui habitaient à la campagne à ce moment-là. Mon papa a fait le choix de ne pas venir. Ça m’a au moins permis de vivre les choses de manière plus sereine. Mais l’histoire s’est répétée quelques années plus tard…  

Je me suis mariée cet automne. Lorsque mon papa a compris qu’il devait s’asseoir à côté de ma mère, il a préféré lui tourner le dos, et ne lui a pas adressé un mot. Le malaise était tellement flagrant que ma maman en a pleuré. Et moi, ça m’a chargée d’un poids qui ne m’appartenait pas. Quand j’essaie de parler à mes parents, en leur disant que leur comportement m’affecte, ils repartent au quart de tour : « Si tu savais toutes les crasses qu’elle m’a faites », « Il y a des choses qui ne s’oublient pas ! » Je vois bien que c’est un nœud indénouable, surtout pour mon père. Il mourra avec ça… » 

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« Si je décidais de me marier un jour, ça serait très compliqué » Camille*, 28 ans 

« Mes parents sont divorcés depuis 25 ans. J’avais 3 ans à l’époque, je ne les ai jamais connus ensemble, et ne me souviens pas de leur séparation. Mais les tensions entre eux se font encore ressentir aujourd’hui. C’est simple : ils n’ont aucune relation, ne s’adressent jamais la parole et ne se voient pas.  

Du haut de mes 28 ans, je subis encore leur séparation, même en tant qu’adulte. C’est très compliqué au niveau de l’organisation de mes vacances et des dîners de famille. Quand je descends dans le Sud-Ouest pour les voir, il faut que je passe du temps avec chacun d’eux. Satisfaire tout le monde est assez sport. Je dois faire des pieds et des mains pour ne pas les vexer, et ne pas me prendre des remarques du style : « On ne te voit jamais ! », « Tu n’es jamais là !’ » Pour éviter de les entendre se critiquer mutuellement, j’évite de parler de mon père devant ma mère, et inversement.  

« Il est inimaginable d’avoir mes parents dans la même pièce »

Cette situation pèse aussi sur ma propre vie de famille. Il est inimaginable d’avoir mes parents dans la même pièce, et impensable qu’ils soient tous les deux présents aux mêmes événements. Moi qui suis en couple depuis sept ans, si je décidais de me marier un jour, ça serait très compliqué en termes d’organisation. Et bonjour l’ambiance s’ils se croisent ! L’atmosphère qui règnerait lors des préparatifs, de la cérémonie et de la fête le jour J serait insoutenable.  

Leur relation conflictuelle complexifie certains aspects du quotidien. Je suis parfois contrainte de me couper en deux. Heureusement, je m’y suis habituée avec le temps. Je sais que cette situation ne changera jamais… » 

(*) Le prénom a été modifié.

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