Santé

La frustration sexuelle, l’exhausteur de nos orgasmes ?

« La frustration demeure peu valorisée dans notre société : nous voulons tout, tout de suite, et il en va de même dans la sexualité », remarque la sexologue et thérapeute de couple Capucine Moreau, auteure de « La créativité érotique » (éd. La Musardine). Si la frustration est perçue négativement, c’est aussi d’évoquer, dans le couple, un désir non comblé pour l’un des partenaires qui, au paradis déchu du sexe, attend gentiment de consommer. De là,  nous ne pensons que trop peu à la frustration sexuelle dite positive, celle que l’on cherche et choisit, et qui, étonnamment, est capable d’alimenter notre désir sexuel, d’accentuer nos plaisirs et d’affiner nos sensations orgasmiques. 

La frustration positive, mille et une façons de jouer

« Sexuellement, jouer avec la frustration, c’est décider de ne pas assouvir trop rapidement son désir, ou de ne pas l’assouvir du tout », explique la sexologue Capucine Moreau. De là, la frustration sexuelle nous laisse le choix. Plusieurs pratiques sont à notre disposition : nous pouvons aussi bien nous abstenir d’un rapport durant quelques jours, flirter avec l’orgasme et tourner le volant pour jouir dans deux heures, ou encore nous interdire toute caresse en faisant monter la tension via l’évocation de fantasmes. Tout est permis. La frustration appelle simplement à ne pas répondre à ses attentes dans l’immédiat. 

Ou de ne pas y répondre du tout ? Dans l’univers du BDSM, il est parfois question d’empêcher l’orgasme de son partenaire. On le prive. On parle de « déni d’orgasme ». « C’est une façon de guider l’autre, de s’occuper de lui, via des leviers sensoriels et psychiques qui accroissent l’excitation », commente la sexologue, qui trouve le parallèle intéressant puisqu’il permet de mieux cerner le caractère positif de la frustration sexuelle. 

La promesse d’un désir en ébullition  

« J’estime la frustration très intéressante dans les relations longue durée, notamment, puisqu’elle renforce le désir et rappelle nos premiers émois », précise Capucine Moreau. Comment l’expliquer ? Par l’inverse : « L’absence de frustration est une des raisons du déclin du désir : on a moins envie de faire l’amour quand les rapports sexuels sont accessibles sans effort et vite liquidés », souligne l’experte. 

A l’inverse, toute attente non comblée reste intacte et attend le prochain round dans l’espoir d’être enfin satisfaite. N’avons-nous pas encore plus envie d’une part de gâteau que l’on s’est refusée hier ? Notre imaginaire se gonfle de projections agréables et notre estomac rêvasse. « En ça, la frustration sexuelle peut être délicieuse, pour le corps comme pour l’esprit », note la sexologue, qui ajoute alors qu’elle « concentre notre excitation sexuelle ». Une bonne raison de l’inviter dans son couple et de jouer avec elle : on devient alors maître de nos désirs et de notre sexualité. Fini d’attendre que le sexe nous surprenne. « Un mot doux ou une caresse légère avant de se quitter pour la journée de travail, voilà qui sème une graine… La frustration, discrètement, va naître et alimenter l’envie de se retrouver », précise la sexologue.

Se frustrer pendant le rapport sexuel pour une jouissance « complète »

Cette énergie sexuelle peut également grossir en plein rapport, pour, in fine, un plaisir plus accru quand on lâche les vannes : « Pendant l’amour, le fait de ralentir et de contenir l’orgasme augmente notre réserve d’énergie et propose une jouissance plus complète », explique la sexologue. Physiologiquement, c’est concret : « Les organes ont le temps de se gorger de sang, pour une meilleure érection ou une meilleure lubrification, développe Capucine Moreau. Le corps s’embrase et se mobilise, ce qui nous octroie de chouettes sensations. » Ajoutons à ça qu’être témoin de son désir montant, parce que l’on voit ou entend nos organes en éveil, est source d’une excitation nouvelle. En somme, on s’installe en phase de plateau, qui précède l’orgasme et qui, en s’étalant, nous mène à des orgasmes intéressants.

Cependant, beaucoup de personnes craignent que l’excitation, à force de se balader au dixième étage sans jamais atteindre le rooftop, déguerpisse. « Ce n’est pas impossible mais on fait une pause ou on arrête, cela fait justement partie de la frustration », oriente la sexologue, avant de préciser qu’il ne faut pas « avoir peur de rater le moment ». Dans le cadre de la frustration sexuelle, c’est même souhaitable. On le loupe et on ignore quand il nous sera possible d’exploser de joie. Cette dose d’inconnu ajoute du bon à la frustration. Nous sommes maintenus en haleine.

Reporter l’orgasme la semaine prochaine, cap ?

Et si, pour aller plus loin, l’orgasme était reporté ? On plante le rapport et le plaisir en pleine action et on se donne rendez-vous samedi. Une pratique pas toujours simple, mais que l’on peut assimiler à une forme de soin, selon Capucine Moreau, « puisque l’on soigne notre désir en le gardant bien au chaud ». 

Il est important d’en discuter et de délimiter la pratique, pour l’assumer complètement et en profiter. « Même lorsque l’on cerne les avantages d’un tel jeu, on continue de craindre de se frustrer ou de frustrer l’autre », observe la sexologue. Ou comment il demeure difficile de changer sa vision de la frustration. « L’orgasme à tout prix est un carcan, rappelle notre experte. Les femmes subissent cette injonction tant elles ont entendu que l’orgasme féminin était capricieux, et les hommes sont tenus par la croyance qu’il est essentiel de se décharger. » Apprivoisons une nouvelle image, celle de l’orgasme bien contenu qui sortira bientôt, et celle d’un désir qui, quand il bout, nous rend particulièrement vivants.

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page