Santé

Crises d’angoisse, dépression, irritabilité : quand la ménopause pèse sur la santé mentale

« J’étais tellement déprimée que je pensais être malade. » La préménopause, cette période qui précède l’arrêt total de l’ovulation, s’accompagne généralement de troubles climatériques désagréables. 87 % des femmes présentent au moins un symptôme de ménopause en plus de l’arrêt des règles, selon  l’Inserm. On parle souvent de bouffées de chaleur, de sécheresse vulvovaginale ou encore de fatigue, mais certaines femmes souffrent aussi de troubles psychiques, affectant leur qualité de vie quotidienne. 

C’est le cas d’Albena, 60 ans, et ménopausée depuis l’âge de 49 ans. Les premiers symptômes altérant sa santé mentale sont apparus durant la préménopause, qui a duré quatre ans. « Ce qui m’a fait souffrir le plus, c’est la dépression et les crises d’angoisse », confie-t-elle. « Un jour, j’ai eu une attaque de panique alors que je me trouvais seule chez moi. Je n’arrivais plus à respirer, j’ai cru mourir. C’était la première fois que ça m’arrivait. » Quant à sa dépression, elle a duré trois ans : « Je n’avais envie de rien, c’était horrible. Le matin, je voulais rester sous la couette. Même mettre mes chaussures me semblait difficile. »

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« Comme un syndrome prémenstruel qui durerait plusieurs mois » 

Selon une étude internationale publiée dans « The Lancet » le 5 mars 2024, les femmes sujettes à des bouffées de chaleur nocturnes, ou celles ayant subi un événement stressant au même moment que la ménopause, seraient plus susceptibles de développer des troubles de la santé mentale. « J’imagine que ça doit être multifactoriel, et que tout ne repose pas forcément sur la baisse des œstrogènes et de la progestérone, glisse Albena. Moi, j’étais en plein divorce, j’avais des soucis au travail, tout s’est accumulé et ça a donné un cocktail explosif. »

« Je me sens moins bien dans ma peau, ça affecte mon image de moi. »

De son côté, Valérie, 48 ans, est en préménopause depuis quatre ans, avec un état émotionnel en dents de scie. « Je souffre d’anxiété et j’ai des sautes d’humeur. Parfois, je suis super heureuse, mais c’est hélas très rare, et d’autres fois, je ne suis vraiment pas bien, j’ai des crises de larmes. C’est comme un syndrome prémenstruel (SPM) qui durerait plusieurs mois », confie-t-elle. « Mon sommeil n’est pas du tout réparateur, je fais des nuits incomplètes et je rumine beaucoup plus qu’avant. » Valérie a également pris du poids, 15 kilos en quatre ans. « Je me sens moins bien dans ma peau, ça affecte mon image de moi. »

Un lourd impact sur la vie pro et perso

Ces troubles de la santé mentale affectent la vie personnelle et professionnelle des femmes qui en souffrent. « Je pense que je suis moins agréable à vivre », confie Valérie. « Au travail, j’ai des trous de mémoire, je ne trouve plus mes mots », ajoute cette formatrice en langue française et en développement desoft skills. Et Albena, responsable marketing et communication dans une grande entreprise, de renchérir : « En réunion, j’étais complètement à côté de la plaque, j’écoutais mes collègues sans comprendre de quoi ils parlaient. J’avais perdu le sens et l’intérêt des choses. » L’irritabilité a aussi affecté ses relations amicales : « Je fais le tri dans mes amis, parce que je suis beaucoup plus exigeante, moins tolérante. Parfois je regrette, mais c’est comme ça. »

De l’errance médicale à l’autodiagnostic 

À la préménopause, les femmes souffrent aussi d’un manque cruel d’informations et d’accompagnement médical. « Quand tous ces symptômes sont apparus, je me suis sentie démunie, je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait, livre Albena. Je pensais être atteinte d’une maladie mystérieuse, je suis donc allée voir une tonne de médecins qui me disaient que mes bilans sanguins étaient OK et que je n’étais pas encore ménopausée. » Tout comme elle, Valérie s’est autodiagnostiquée. « J’habite à l’île Maurice, où les médecins sont très peu au courant de tout ce qui touche à la ménopause, déplore-t-elle. Je n’arrivais pas à trouver un élément déclencheur à ces sautes d’humeur, c’est ce qui m’a un peu alertée. Finalement, j’ai compris toute seule que c’était lié à la préménopause. »

« Je me suis sentie jugée, désemparée et incomprise face au corps médical. »

Quant à Alix*, ses premiers symptômes sont apparus à l’âge de 37 ans. Selon l’Assurance maladie, les premières manifestations liées à la préménopause surviennent généralement aux alentours de 47 ans. Du fait de son jeune âge, Alix s’est sentie très isolée. « Pendant longtemps, j’ai dû me débrouiller toute seule, déplore-t-elle. Je faisais de la tachycardie, dans mon couple je m’énervais pour un rien. Au travail, la moindre contrariété me faisait pleurer. J’ai parfois l’impression d’être parano : si quelqu’un me regarde, je me dis que c’est parce qu’il ne m’aime pas. C’est horrible parce que je ne me reconnais pas », décrit-elle. 

« Quand j’en parlais aux médecins, ils me disaient : “Il fait chaud, c’est normal. De toute façon, la ménopause, ce n’est pas à votre âge que ça doit se passer.” Je me suis sentie jugée, désemparée et incomprise face au corps médical. J’ai fini par me dire qu’ils avaient raison, que j’étais en train de rêver, et que tout ce que je ressentais, c’était uniquement dans ma tête. » Pour celle qui était encore une jeune maman, cette situation était d’autant plus difficile à gérer. « J’ai eu un enfant tard, ma vie de mère était assez stressante, et ça n’a pas rendu les choses très faciles. » Finalement, c’est en effectuant des recherches sur Internet qu’elle est parvenue à mettre un mot sur ce qu’elle traversait. Pour autant, elle n’a bénéficié d’aucun accompagnement médical adapté. « Les médecins ne croyaient pas mes premières analyses médicales, qui indiquaient des résultats post-ménopause, rapporte-t-elle. Mon diagnostic de préménopause est enfin tombé il y a deux mois, parce que j’ai avancé en âge et que je rentre un peu plus dans les cases. »

La médecine douce comme remède 

Pour tenter de soigner sa dépression, Albena s’est vu prescrire des antidépresseurs, en vain. « Il faudrait que les gynécologues soient plus sensibilisés à la ménopause, au lieu de nous envoyer vers des psychiatres qui tentent de soigner la dépression avec des médicaments. Les femmes ont besoin d’être écoutées », s’insurge-t-elle.

Pour lever le tabou sur la ménopause, Albena a créé la page Facebook « Marre de la ménopause ! ». Ce groupe permet aux femmes de se confier sur leurs douleurs, et de s’apporter des conseils. Albena, elle, s’est finalement tournée vers la médecine douce. « L’homéopathie m’aide beaucoup, assure-t-elle. Je pratique aussi la méditation, et je fais plus attention à mon alimentation. » C’est également le cas de Valérie, qui s’est mise à la marche et au yoga, et a trouvé des ressources sur l’application Omena. « Je suis aussi allée voir une coach enintegrative nutrition[une discipline holistique qui prend en compte les aspects physiologiques, psychologiques, nutritionnels et sociaux de l’individu, N.D.L.R.] », confie-t-elle. Si les symptômes d’Albena se sont atténués depuis qu’elle est officiellement ménopausée, Alix, qui est encore dans la phase de la préménopause, « attend la prochaine étape avec impatience »…

(*) Le prénom a été modifié.

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