Santé

Christiane (44 ans) et Loïc (47 ans) « Mon conjoint ne comprenait pas le racisme que j’avais subi »

Loïc, 47 ans, et Christiane, 44 ans, sont en couple depuis leurs 20 ans. Mais, quand ils ont décidé de faire un enfant, il y a 6 ans, le couple a eu besoin de suivre une thérapie de couple. En effet, Loïc ne prenait pas assez en compte le fait que leur enfant allait être métis. 

Christiane, je l’ai aimé pour ce qu’elle est, une femme incroyable

Selon lui, Loïc n’a jamais fait attention à la couleur de Christiane : « Pour moi, c’était exactement pareil que si elle était blanche. J’ai grandi avec les messages anti-racisme, les « Touche pas à mon pote » et autres. J’ai toujours eu des amis noirs ou beurs et ça n’a jamais fait de différence. Quand je me suis mis en couple avec Christiane, je l’ai aimé pour ce qu’elle est, une femme incroyable. Je sais que ce n’est pas quelque chose qui se dit mais je n’ai pas vu sa couleur. Après, quand j’ai rencontré sa famille, j’ai découvert une culture que je ne connaissais pas bien. Son père est originaire de Côte d’Ivoire et sa mère est normande. J’ai toujours trouvé que cette double culture est une chance pour elle. Mais c’est vrai qu’on avait jamais parlé du racisme qu’elle avait pu subir, en particulier à l’école. C’est pour ça que j’ai été étonné, et même que j’ai mal réagi, quand elle a voulu qu’on en parle au moment de notre désir d’enfant. »

Loïc a l’impression que sa compagne lui fait des reproches : « Quand on en parlait et qu’elle me partageait ses inquiétudes sur la question, je ne l’écoutais pas vraiment. J’avais l’impression qu’elle exagérait et même qu’elle me reprochait d’être raciste alors que je ne le suis pas du tout. Je me suis focalisé sur mon ressenti à moi plutôt que sur son expérience à elle. Avec le recul, je vois combien j’ai été con et à quel point ça a pu la blesser. J’ai eu de la chance qu’elle propose une thérapie de couple parce que ça aurait très bien pu nous pousser à nous quitter. »

La seule solution pour qu’on en parle sans que ça finisse en dispute, était d’avoir en face de nous une personne neutre

C’est en effet Christiane qui propose à son compagnon de faire une thérapie de couple : « La question de mes origines ne s’était jamais posée. Je ne lui avais pas parlé de mes expériences à l’école, au collège, au lycée. Des réflexions des enfants mais aussi de leurs parents. Des gens qui ont critiqué ma couleur de peau, mais aussi mes cheveux. Qui faisaient des réflexions sur mon odeur corporelle. Mes parents m’ont appris à supporter ça en silence, à ne pas faire de vague. Mais quand j’ai eu envie d’être mère, je me suis dit que ce n’était pas comme ça que je voulais élever mon enfant. Pour pouvoir changer ça, je devais être sûre qu’on soit 100% d’accord avec Loïc, qu’il allait me soutenir dans mon choix éducation et qu’il allait soutenir notre enfant. Je n’ai pas compris tout de suite quand il s’est mis sur la défensive. Quand j’ai compris son ressenti, je me suis dit que la seule solution pour qu’on en parle sans que ça finisse en dispute, c’était d’avoir en face de nous une personne neutre. »

Une amélioration quotidienne 

La thérapie de couple leur a permis de réussir à mieux communiquer : « J’ai enfin raconté ce que j’avais vécu à Loïc. Là aussi, il a d’abord été blessé que je n’ai pas réussi à le faire avant. Il prend un peu tout personnellement. Je le vis bien d’habitude mais sur ce sujet, je n’ai pas réussi à faire la part des choses. Donc même devant le psychologue, il y a eu d’autres disputes. Sauf que ça se terminait toujours avec de l’apaisement. Je pense que c’est ce qu’on a appris dans ce cabinet : à ne jamais laisser la conversation se finir dans la colère. Quand le ton monte, on reste l’un en face de l’autre et on essaye d’exprimer ce qu’on ressent. De toute façon, à propos de notre désir d’enfant, j’ai été très claire : je ne voulais pas qu’on se lance avant d’avoir tout résolu. Il n’était pas question pour moi de me jeter dans l’aventure sans être totalement sûre qu’on était sur la même longueur d’ondes. »

Le psychologue que j’avais choisi est quelqu’un de bien, en qui on a confiance

Christiane et Loïc sont désormais les heureux parents d’un garçon de quatre ans. La thérapie de couple a duré un peu plus de deux ans. Et on a revu le psychologue en visio pendant la pandémie. C’est une ressource qu’on a décidé de garder dans nos vies quand on a du mal à communiquer, qu’on est trop dans l’émotionnel ou même quand on a juste besoin d’un conseil un peu neutre. Le psychologue que j’avais choisi est quelqu’un de bien, en qui on a confiance. J’avais choisi un homme noir parce que je voulais qu’il comprenne ce que j’avais vécu enfant, et ce que mon enfant risquait de vivre, et je n’ai jamais été déçue de ce choix. Je crois que c’est important de choisir un psychologue qui nous ressemble un peu ou qui puisse comprendre qui on est et pourquoi on vient. C’est le conseil que je fais à mes amies quand on en parle. Je crois que c’est important de choisir la bonne personne, et qu’il ne faut pas hésiter à essayer plusieurs personnes. On n’en a pas eu besoin, personnellement, mais j’étais prête à ce que ce soit le cas. En tout cas, c’est grâce à lui que j’ai pu devenir mère sereinement. Je suis plus forte pour accompagner mon fils, quoi qu’il vive. Et je suis accompagnée d’un homme qui nous aime et nous comprend de mieux en mieux. Le psychologue nous aide pour ça. Ça ne pouvait pas mieux se passer. »

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