Santé

Être persuadée que quelqu’un nous aime : une psy décrypte ce qui se cache derrière l’érotomanie

Un cadeau de bienvenue offert par leur patron, un sourire aimable qui se dessine sur le visage d’un commerçant… la moindre attention est susceptible de plonger les personnes érotomanes en plein délire : elles sont alors persuadées que l’autre – une personne de leur entourage, un inconnu ou une personnalité publique – est amoureux d’elles, ou les désire secrètement. L’érotomanie, ou syndrome de Clérambault, est un trouble psychiatrique qui touche 15 personnes sur 100 000 dans le monde, selon une étude publiée dans la revue « CNS Drugs ». Valérie Grumelin, psychanalyste à Paris, dit en rencontrer une centaine par an. 

À quel endroit cet amour imaginaire prend-il racine ? Comment expliquer un tel mécanisme de pensée ? « Les érotomanes sont des personnes qui ont reçu très peu de considération narcissique durant l’enfance, explique la thérapeute. Elles n’ont pas reçu suffisamment de compliments, de câlins ou de tendresse. Souvent, elles souffrent d’un manque de confiance en soi énorme, et doutent de leurs attributs physiques ou moraux. Par conséquent, dès lors qu’elles ressentent, quelque part dans l’assemblée, qu’on s’intéresse à elles, ces personnes l’interprètent comme le signe d’un sentiment amoureux. »

« Je me souviens d’une patiente qui s’est rendue à la pharmacie pour demander des médicaments. Le pharmacien est sorti de derrière sa caisse pour lui ouvrir la porte et la saluer. Le film qu’elle s’est fabriqué a débuté à cet instant précis : il était amoureux d’elle. » Ces crises peuvent survenir deux à trois fois dans une vie, précise l’experte. 

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Des histoires d’amour imaginaires et dangereuses

Attention à ne pas confondre l’érotomanie avec la paranoïa, un « trouble mental caractérisé par une méfiance et une suspicion excessive à l’égard d’autrui », comme le définit le site de consultation médicale en ligne Livi. Pour autant, le syndrome de Clérambault peut conduire à des situations embarrassantes, aussi bien du côté de l’érotomane, que du côté de la personne qui en est victime. Celui qui est considéré comme « séducteur » est souvent « incapable de poser des limites, en disant explicitement : « Ce n’est pas parce que je vous ai ouvert la porte que j’éprouve un intérêt particulier vis-à-vis de vous » », souligne Valérie Grumelin. Résultat, cet amour fictif tourne à l’obsession.

« Quand on est en couple, avec des enfants, ce type de comportement peut détruire des familles »

Les personnes érotomanes sont amoureuses, certaines que c’est réciproque, mais que l’autre n’ose pas l’exprimer, parce qu’il aurait honte ou n’assumerait pas ses sentiments. Une forme de déni, qui peut conduire au harcèlement, et devenir extrêmement envahissant. Valérie Grumelin évoque une autre situation, rencontrée dans son cabinet. « Une patiente érotomane a été interdite de concert d’un très célèbre chanteur, parce qu’elle le suivait dans le monde entier, persuadée que ses chansons d’amour lui étaient destinées. Elle se rendait à tous ses spectacles, en hurlant son nom au premier rang », rapporte la psychanalyste. « La victime, qui s’en amuse au début, peut aussi en jouer, ou devenir agressive quand le comportement de l’érotomane finit par l’agacer », ajoute l’experte. « Quand on est en couple, avec des enfants, ce type de comportement peut détruire des familles », ajoute-t-elle encore. Les victimes d’érotomanes ont aussi tendance à culpabiliser : Qu’est-ce que j’ai fait pour envoyer ce signal ? Comment aurais-je pu faire pour éviter ça ? 

Descente aux enfers et travail thérapeutique 

Quand les personnes érotomanes prennent conscience de la dimension fantasmagorique de leur scénario, le retour à la réalité peut s’avérer extrêmement douloureux. « Je me souviens d’une femme qui s’était vu offrir un classeur rouge de la part de son patron pour Noël. Quand je lui ai demandé si ses collègues avaient reçu, eux aussi, ce cadeau, elle s’est accrochée à ses pensées obsédantes : « Oui, mais moi, c’est un classeur rouge, il sait que j’adore cette couleur. » » Une fois que le film s’arrête, c’est la descente aux enfers, et des symptômes dépressifs peuvent apparaître. « Les personnes érotomanes sont d’abord dans le déni, et ont tendance à accuser l’autre. Elles ont du mal à en sortir, parce que ce scénario leur plaît », explique Valérie Grumelin. 

Comment sortir de ce cercle vicieux ? En thérapie, avec un professionnel, les patients travaillent sur les périodes de l’enfance où ils ont manqué d’amour inconditionnel, sur leur reconstruction narcissique, en se réappropriant leur amour-propre, pour enfin se libérer du trouble érotomaniaque, en cessant d’être dans l’illusion et dans une attente extérieure, de quelque chose qui ne se produira vraisemblablement jamais.

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