Santé

« J’en étais malade » : Invasion de punaises de lit, histoire d’un calvaire psychologique

L’histoire est toujours la même. Une petite piqûre sur le pied. Une deuxième sur le mollet… En quelques nuits seulement, les punaises de lit renversent le dicton : « ce n’est pas la petite bête qui va manger la grosse ». Si leur passage dans nos habitations laisse des empreintes physiques, c’est surtout dans l’esprit de leurs victimes que les séquelles sont les plus lourdes. « Fatiguées », « traumatisées », « fauchées » … Trois d’entre elles racontent le calvaire psychologique dû à une invasion de punaises de lit. 

Cauchemars, flashbacks, hypervigilance, insomnie, anxiété, comportements d’évitement, dysfonctionnements personnels. Selon une étude de « The American journal of medicine », ces symptômes liés aux piqûres et à l’invasion de punaises de lit « sont évocateurs d’un syndrome de stress post-traumatique ». Comme déjà un foyer sur dix en France, Laure, Doriane et Camille ont vu leur appartement envahi du minuscule insecte. De près ou de loin, elles en ont subi les conséquences psychologiques. 

« Je me sentais vulnérable »

« J’ai été piquée pour la première fois en revenant de week-end. J’ai commencé à avoir des démangeaisons sur les cuisses mais ce n’était pas de simples piqûres, ça ressemblait plutôt à de l’urticaire. J’en suis arrivée à un point où je me grattais jusqu’au sang. Mais je n’ai pas tout de suite pensé aux punaises de lit, car mon mari, lui, n’avait rien », se rappelle Laure, à l’époque propriétaire d’un appartement dans le 18ème arrondissement de Paris. « C’est toujours le même schéma, rejoint Doriane, 25 ans, quand nous avons découvert que notre colocation était infestée de punaises, j’étais la seule à en subir les piqûres. » Même discours pour Camille, Parisienne. Elle aussi a découvert les marques sur son corps bien avant son petit-ami. Un facteur qui accentue le choc psychologique pour l’un des membres du binôme. 

Dans son petit appartement parisien, Doriane commence à faire des crises d’angoisse. Le marqueur physique, visible sur sa peau, est l’un des éléments le plus dur à supporter. Selon l’école des hautes études en santé publiques, « les punaises de lit peuvent avoir des effets psychologiques directement dus à leur présence mais également en conséquence des lésions dermatologiques ». « Je me sentais sale et honteuse. Dès que j’avais l’impression que les piqûres se calmaient, ça recommençait le lendemain et je pouvais voir le chemin qu’elles faisaient sur mon corps pendant la nuit. » Et pour cause, l’insecte fuit la lumière et se loge bien souvent dans les sommiers, piquant l’humain pendant son sommeil. 

« On se sent très vulnérable de se faire attaquer la nuit par un insecte invisible et inaudible. Ce n’est pas comme un moustique qu’on entend et qu’on peut tuer. J’angoissais avant même de me mettre au lit. Une fois couchée, je me réveillais en sursaut en criant ‘je la sens !’ », raconte Laure. C’est justement en pleine nuit que Camille comprend l’origine de ses démangeaisons. « Plusieurs fois, je me suis réveillée à cause des crises. » Une nuit, alors qu’elle se lève pour prendre un antihistaminique, Camille tombe nez à nez avec l’envahisseur. Celle qui n’avait jamais été confrontée à ce problème en parle à ses collègues dès le lendemain : « elles m’envoyaient des messages en me disant qu’il fallait que je me prépare à vivre un enfer ».

« On va les déglinguer même si ça nous coûte 300 euros »

Pour Laure et Camille, la solution est radicale. Les deux Parisiennes font appel à une société d’extermination de punaises de lit. « Même après la première intervention, j’ai acheté des fumigènes que j’ai activés avant de quitter l’appartement quelques jours », explique Laure. « Je me rappelle d’un message que mon conjoint m’avait envoyé à l’époque, il me disait : « On va les déglinguer même si ça nous coûte 300 euros. J’en fais une affaire personnelle ». »

De son côté, Camille met tous ses vêtements dans des sacs-poubelle et enchaîne les allers-retours à la laverie. « C’est arrivé un week-end où mon copain n’était pas là, alors j’ai tout géré toute seule. Je me souviens des sacs qui ornaient mon salon, je mangeais, et j’ai commencé à pleurer. » Quand il revient de son week-end, c’est son conjoint qui réalise à son tour l’ampleur de la situation. « Nous avons dormi sur le canapé-lit de notre salon pendant un long moment, mon copain a commencé à être piqué à son tour. Moi, j’en faisais des cauchemars », explique la jeune femme qui doit ironiquement rester enfermée dans son appartement pour ne pas transmettre de punaises sur son lieu de travail ou dans les transports. « C’est simple, on est un peu la pestiférée », se rappelle Doriane. Envahie deux semaines avant le confinement, même sa famille n’était pas rassurée à l’idée qu’elle les rejoigne. 

L’envahisseur 

Après plusieurs semaines de colocation avec les punaises, Laure se rappelle l’état psychologique dans lequel elle et son conjoint se sont retrouvés. « J’en étais malade. Un soir, j’ai réussi à prendre une punaise de lit en photo, et j’ai gardé l’image comme un totem dans mon téléphone. Le matin, j’allais choisir mes vêtements dans les sacs-poubelle. C’était dur moralement. Mon conjoint est devenu parano. Ça l’a rendu fou. On s’est disputés car il voulait faire passer l’équipe de désinfection une nouvelle fois », raconte la Parisienne. « On avait cette image de l’envahisseur qui rentre chez vous et accapare le lit, les habits… On avait besoin de savoir : qui de nous deux était coupable ? Qui avait ramené des punaises dans l’appartement ? » C’est finalement leur couple qui a rendu l’événement plus facile, avoue Laura. « On a eu la chance d’être deux. Car si l’on ajoute à ça un événement traumatique comme un décès, ce qui est arrivé pour mon conjoint, il n’y a plus ce sentiment de refuge. Même chez nous, nous étions attaqués. » 

Fort heureusement, Laure est propriétaire de son appartement et les punaises ont disparu en un mois. Ce qui n’a pas été le cas pour Doriane : « nous étions locataires et notre propriétaire ne voulait pas faire intervenir une équipe ou ne serait-ce que nous rembourser les fumigènes ». Les deux amies finissent par quitter les lieux et insistent : « il fallait absolument que notre propriétaire fasse intervenir quelqu’un avant de relouer l’appartement car, sinon, on ne faisait que fuir le problème ».

Pour s’assurer que son appartement n’était plus infecté, Camille a de son côté fait intervenir des chiens renifleurs. Au total, les dépenses liées aux punaises de lit lui auront coûté plus de 1000 euros. « Le prix à payer pour m’assurer que je pouvais à nouveau dormir dans ma chambre », mentionne-t-elle. 

Laure, qui avait prévu de fêter son anniversaire chez elle, a préféré l’organiser dans un bar. « Même si nous en étions débarrassés, nous avions peur d’en transmettre aux autres, mais aussi que les autres en ramènent chez nous », se rappelle la jeune femme. « Pendant la soirée, j’ai fait un discours dans lequel j’ai annoncé : « on a eu des punaises de lit ! » Avant, je me serais dit que c’était sale, mais les désinfecteurs ont été clairs sur ce point : la communication est la clé, les punaises ne doivent pas être un tabou car elles ne sont pas liées à un manque d’hygiène.

Aujourd’hui, Doriane a encore des frissons lorsqu’elle entend les mots « punaises de lit ». Camille change de trottoir quand elle voit un meuble dans la rue. Celle qui s’habillait régulièrement en friperie n’est pas prête d’y remettre les pieds. Laure et son conjoint ont quant à eux investi dans une housse de matelas anti-punaises. Quatre coupoles remplies de terre de diatomée, une poudre censée tuer l’animal, trônent aux quatre pieds de leur lit. Dorénavant, elle s’est promis de ne plus poser les manteaux de ses invités sur son lit, mais plutôt dans la salle de bain. 

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page