Santé

La question psy : « Le temps qui passe me fait peur, comment profiter de l’instant présent ? »

« Bonjour Docteur,

L’idée de vieillir me terrifie. Aussi loin que je me souvienne, les années qui défilent m’ont toujours préoccupé – il faut dire que je suis quelqu’un d’assez anxieux. Tous les matins, je me réveille avec la peur de passer à côté de quelque chose. 

Quand j’ai passé la trentaine, je me suis dit : « Mince, je n’ai pas fait assez de choses dans ma vie. » D’ailleurs, depuis deux ans, j’occulte complètement la notion d’âge. Je me convaincs que j’ai toujours 30 ans, parce que l’idée d’être plus vieux m’angoisse. Je crains de louper un épisode, que je n’aurai pas le temps de rattraper, parce qu’il est déjà trop tard et que tout va trop vite.

Si je regarde plus loin, la diminution des facultés me fait peur. La perte de la mémoire, de l’équilibre, des réflexes et autres handicaps que l’on pourrait également associer à des accidents de la vie, et qui m’empêcheraient de réaliser certaines choses. Parfois, certaines épreuves me ramènent, malheureusement, à cette réalité-là. 

C’est le cas en ce moment, car l’un de mes oncles a fait un AVC il y a quelques semaines, à l’âge de 70 ans. Pourtant, il a toujours mené une vie saine : bains d’eau glacée à 7h30, séances de sport et de méditation tous les matins, et autres recettes miracles censées booster la santé. Cela m’a rappelé, une nouvelle fois, que la vie n’est pas éternelle. 

Du fait de ces angoisses, je suis en hypervigilance tout le temps. J’anticipe ce qu’il va se passer, en imaginant des scénarios catastrophe démesurés, par rapport à des situations qui ne le méritent pas. 

Ce qui me fait peur aussi dans le fait de vieillir, c’est d’être largué. On vit dans une société où la personne âgée est associée au retraité, et donc à celui ou celle qui n’est plus dans la vie active. Ce qui m’inquiète, c’est de faire partie de ces gens que l’on considère comme inutiles, grabataires, fatigués et fatigants. On t’appelle parce que tu t’ennuies, et parce qu’on se sent forcé de le faire pour ne pas culpabiliser. J’ai peur de me sentir comme un poids. Alors, comment expliquer ces angoisses ? Comment relativiser et profiter du moment présent ? » 

« Cher Paul,

Je comprends votre peur. Tous les individus sont traversés par des moments de crise et d’angoisse existentielle. On connaît très bien la crise de l’adolescence, et on entend fréquemment parler de celles de la quarantaine et de la cinquantaine, où certaines questions nous animent : « Qu’est-ce que je veux ? » « Qu’est-ce que je fais ? » « De quoi ai-je besoin ? » Pour moi, vous faites preuve d’une grande maturité à votre âge, parce que ce sont des questions que l’on se pose généralement plus tard, en lien avec d’éventuelles réorientations professionnelles, des difficultés affectives, avec le souhait de trouver un bon équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle, pour justement ne pas passer à côté d’un certain nombre de choses…

Tout individu, qu’il soit névrosé ou psychotique, se construit à partir du monde qui l’entoure. Dans la petite enfance, un bébé comprend très vite qu’il y a des choses qu’il peut faire et d’autres qu’il ne peut pas faire, que s’il pleure, sa mère arrivera pour le nourrir, le réchauffer ou le consoler. Son univers se construit également autour de différents complexes et traumatismes, tels que le complexe d’Œdipe de Freud, le traumatisme de la naissance de Grunberger, ou encore le concept de l’attachement de Bowlby, qui conditionnent l’individu et la confiance en soi. En fonction de tous ces concepts, la personne se constitue plus ou moins solidement, de façon plus ou moins sécure. Quand bien même on essaie de tout apporter à un bébé, il a ses propres représentations, son propre caractère, qui va se construire aussi avec des manques. C’est tout ce bagage-là qui fait qu’à un moment donné, l’individu peut être traversé par des questions existentielles, qui peuvent aller jusqu’à des angoisses, des failles narcissiques, qui vont poser problème à des moments-clés de la vie. Elles peuvent se manifester lors d’une séparation amoureuse, une rupture de contrat, une maladie ou encore un décès. Cela semble être votre cas en ce moment, avec ce que traverse votre oncle…

« Bien vieillir est une affaire de jeunesse » 

Quoi qu’il en soit, sachez qu’il est toujours sain de se poser ces questions-là. Il est important de faire face à son angoisse, de ne pas se dire et vouloir se convaincre que tout va bien. Comme je dis toujours : bien vieillir est une affaire de jeunesse. C’est-à-dire que ce n’est pas à 70 ou 80 ans que l’on se pose la question « Comment dois-je faire pour bien vieillir ? » Cela doit être une préoccupation de toute la vie.

Le mieux est de s’occuper de ces problématiques assez tôt, en entamant par exemple un travail thérapeutique, ou en consultant un ostéopathe, un sophrologue, un acupuncteur. Cela évitera aussi que les angoisses s’accumulent. Par ailleurs, il est essentiel de prendre soin de soi. Autorisez-vous à faire des massages, aller au SPA. Autant de choses que vous gagnerez pour préparer votre bien vieillir. La cohérence cardiaque est également un bon outil pour calmer les angoisses.

Je vous recommanderais aussi des lectures : « Bourreau de soi-même, victime des autres » de Guy Corneau ; « Divine blessure », « L’esprit de solitude », « Bréviaire du colimaçon » de Jacqueline Kelen ; « Les 4 accord toltèques » de Miguel Ruiz, sont comme des baumes quand on les lit. 

« Vieillir représente un certain nombre d’atouts »  

J’aimerais vous dire aussi que vieillir a quelque chose de bon, et représente un certain nombre d’atouts. Avancer en âge permet par exemple de gagner en maturité et en confiance. De plus, si l’image des seniors s’appuie souvent sur une confusion entre vieillir et tomber malade, toutes les personnes âgées n’ont pas de problème d’autonomie, d’anxiété, d’angoisse ou de dépression. 

Enfin, soyez rassuré : en vieillissant, on ne devient pas spécifiquement inutile. Il y a des tas de possibilités de garder un tissage social, notamment à travers des associations qui permettent de rester actif. Cette période est aussi l’occasion de faire des activités comme de la peinture sur soie, de la randonnée ou autre chose que l’on n’a pas eu le temps de faire plus jeune. Toutes ces choses qui permettent de cultiver le lien avec les autres, et qui maintiennent en vie. »   

(*) Le prénom a été modifié.  

François Santo, psychologue clinicien dans le secteur de la personne âgée, du traumatisme, de la perte et des deuils.  

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