Santé

Peur de décevoir et d’être déçu, Matthias 26 ans : « J’enchaîne les insomnies »

Cela fait trois jours que Matthias ne dort pas. « Depuis deux semaines, j’espérais recevoir une réponse positive après avoir passé plusieurs entretiens pour un poste. Finalement, ils n’ont pas retenu mon profil. » Ce rejet, un classique de la recherche d’emploi post-master, finit par ronger le jeune homme de 26 ans. « Je suis déçu de moi, mais j’ai surtout peur d’avoir déçu mes proches – mes amis qui avaient espoir que je vienne habiter à Paris, ma conjointe qui s’imaginait déjà déménager, et ma famille qui me souhaitaient d’obtenir le poste. Je le ressens comme un échec, je me sens nul. Pourtant, je suis sûr qu’aucun d’entre eux ne m’en veut de ne pas avoir été embauché ! Mais rien n’y fait, j’enchaîne les insomnies par crainte de les avoir déçus. »

La peur de la déception de Matthias est à la hauteur des attentes qu’il place en lui-même. « Je suis dur avec moi-même. Je pense que j’ai des objectifs, des attentes que je me suis fixé, qui correspondent à la vie que j’ai eu la chance d’avoir. J’ai grandi dans une maison pleine d’amour, et avec de l’argent. Je veux être en mesure de donner la même chose à ma partenaire, à mes futurs enfants. Il faut que je gagne de l’argent pour garder ces avantages dans ma vie, et ne pas décevoir personne. Je considèrerais ça comme un echec. » 

Une confiance abimée

Matthias me décrit son rapport aux autres de cette manière : « Je m’investis énormément dans mes relations amicales, amoureuses, familiales… Je veux toujours être au meilleur de moi-même. J’en suis fier, mais d’un autre côté, ça amplifie ma peur de décevoir et d’être déçu. » Pour éviter ces désillusions, il a mis en place un mécanisme bien à lui. « J’ai une classification au niveau de l’amitié », avoue-t-il en souriant. « Il y a les connaissances, les potes, les amis et puis les meilleurs amis ! Je ne m’en cache pas, mes proches le savent et se moquent de moi. Mais je suis très sérieux, chaque personne que je rencontre doit d’abord passer certains stades avant d’atteindre l’étiquette d’ami. Mes meilleurs amis ont mérité leur place. Et à tout moment, s’ils me déçoivent trop de fois, ils peuvent redescendre au stade d’ami. » C’est son bouclier affectif : « Je n’investis pas la même confiance et le même effort dans chacune de ces catégories, sinon, je me sens trop vulnérable et j’estime que je risque trop d’être blessé. »  

D’aussi loin qu’il se souvienne, le jeune homme a toujours éprouvé la peur de décevoir. Un événement l’a particulièrement ébranlé. « J’ai perdu mon papa jeune, il s’est suicidé quand j’avais 12 ans. Mon cerveau d’enfant ne pouvait pas comprendre ce qui l’avait poussé à mourir. Je me suis donc longtemps imaginé que si j’avais mieux fait certaines choses, j’aurais peut-être réussi à éviter ce drame. Ma peur de décevoir vient en grande partie de là, et j’ai dû longuement travailler dessus en psychothérapie. » 

Je suis déçu des gens, mais aussi déçu de moi

En grandissant, Matthias a aussi vécu son lot de déceptions, qui n’ont fait que nourrir son manque de confiance en lui et envers les autres. « À 17 ans, j’étais fou amoureux, je pensais que mon couple allait très bien. En fait, j’ai découvert que ma copine m’avait trompé avec deux garçons. Après ça, j’ai passé des nuits sans dormir. Je ne parvenais pas à comprendre pourquoi l’investissement que j’avais mis dans la relation n’avait pas porté ses fruits. » Quelques années plus tard, il propose à son groupe d’amies du lycée de se retrouver au restaurant. « Chacune d’entre elles a une bonne excuse pour ne pas être disponible. Je les crois bien-sûr, et je pars boire un verre avec un autre ami. En face de notre bar se trouve un restaurant. Et là, je me retrouve né à né avec mes meilleures amies de l’époque, en train de toutes dîner ensemble. » La déception est immense, et s’en suivent à nouveau des nuits d’insomnie. « Dans ces situations, je suis déçu des gens, mais aussi déçu de moi, de ne pas avoir fait confiance aux bonnes personnes. » 

Fuir l’isolement

Malgré tout, Matthias parvient à échapper à l’aigreur. « À chaque fois, après une déception amoureuse ou amicale, je me disais que je ne pourrai plus jamais refaire confiance à personne. Et finalement, je me surprends à rester positif. Je ne renonce pas à l’amitié ni à l’amour, à chaque nouvelle relation, je m’y replonge avec entrain ! »

Pour dépasser sa peur, il sait ce qui fonctionne à tous les coups : la communication. « Le fait de communiquer à mes proches ce dont j’ai peur, me permet de moi-même comprendre ce qui m’a réellement déçu. Le fait de leur dire quand je fais des insomnies, ça me permet de me sentir plus en confiance. D’autant plus que moins je dors, moins je suis patient et sympa. Je sens bien que je ne suis pas la meilleure version de moi-même. En parler à ma conjointe lui permet de comprendre ce qu’il se passe en moi. Tout ça me rassure. »

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