Santé

C’est mon histoire : « Mon mec a plongé dans la coke »

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IL MENTAIT depuis six ans

Comment ça, Paul voulait acheter des céréales pour demain matin ? Il était 21 heures, nous dînions tranquillement en terrasse. « Il n’y en a plus », insista-t-il, inquiet, comme si un petit déj sans céréales aurait pu être un drame. Sa mère et son frère, assis avec nous, ne comprenaient rien à cette soudaine obsession logistique. Moi, j’avais tout compris. « Bouge pas, j’y vais », ai-je lancé, espérant encore me tromper. Mais lorsque j’ai quitté la supérette avec mon paquet de céréales, je l’ai vu, l’homme que j’aime, sortir d’une voiture le pas fuyant. Devant mes yeux, il venait d’acheter sa saloperie, incapable de s’en passer une soirée. Il allait nous rejoindre à table tout joyeux désormais, prétextant sans doute qu’il était venu me chercher à l’épicerie et qu’il ne m’avait pas trouvée. Il allait lancer quelques bons mots, faire rire et, comme d’habitude, endormir tout le monde. Mais cette fois, pas moi, je ne le croyais plus.

Depuis six ans que nous étions ensemble, il me mentait. Lorsque nous nous sommes rencontrés, je n’étais pas vraiment disposée à tomber amoureuse. Je venais de me séparer du père de mon fils. Mais Paul est arrivé comme un sauveur. Il avait tout : le charme, la gentillesse, les bonnes manières, le job rassurant (notaire)… Moi qui rêvais de fonder une famille, il cochait toutes les cases de l’homme idéal. Il allait chercher mon fils à l’école, me couvrait d’attentions et posait sur moi un regard si doux qu’il pansait toutes mes blessures. Très vite, il est devenu indispensable à mon existence.

« T’INQUIÈTE, je gère »

Mais Paul aimait la fête. Dès les premiers mois, on est partis tous les deux à un festival électro à Amsterdam. Ce jour-là, il me tendit un cachet de MDMA. Je n’avais jamais essayé, mais avec lui j’étais en confiance, alors je l’ai pris. C’était l’euphorie, on s’est fait le plus long baiser du monde, mais la descente a été un enfer. Plus jamais, je lui ai dit. Il a tout de suite compris que ce n’était pas mon délire et que j’espérais que ça ne serait pas le sien non plus. Et il m’a rassurée. Je trouvais aussi qu’il buvait pas mal, mais il se tenait, rien à voir avec le poivrot qui se roule sous la table. Alors je n’y prêtais plus attention. Très vite, on s’est mariés et on a tenté de faire un bébé. C’était compliqué – ce que je comprends mieux maintenant que je connais ses addictions…

Je l’écoutais calmement, alors qu’à l’intérieur c’était la panique

Au bout de la deuxième Fiv, je suis tombée enceinte. Une fille ! La vie était belle, pleine d’amour, nous formions cette famille que j’avais tant désirée. Désormais, on habitait une grande ville de province. C’était le moyen de se rapprocher de ses parents, mais aussi de ses potes d’enfance, eux aussi des fêtards. Je l’accompagnais à leurs soirées, pimpante et enjouée, sans voir ses allers-retours aux toilettes ou dans les salles de bains. À l’écouter, c’était toujours les autres qui « carburaient », pas lui. Jusqu’au jour où la femme de l’un d’eux s’est sentie obligée de me signaler que c’était plutôt l’inverse. Je suis tombée des nues. « Mais non, t’inquiète, je gère », me répondit-il lorsque je lui ai demandé des explications. Cette phrase allait devenir le refrain lancinant de notre quotidien. « Tout le monde en prend », répétait-il. Il banalisait tellement sa consommation que j’ai fini par faire pareil.

 Je me rassurais en me disant qu’il avait la « cocaïne récréative » et qu’il se limitait aux grandes fêtes. Je l’aurais forcément vu, sinon, non ? Mais un soir, dans un éclair de lucidité, Paul m’avoua tout. Il en prenait le matin avant d’aller travailler, la journée à son étude, après le dîner, bref, tout le temps, et ce depuis un moment. Ça ne lui faisait presque plus rien. Je l’écoutais calmement, alors qu’à l’intérieur c’était la panique. Qui était cet homme qui partageait ma vie depuis quatre ans ? Comment en était-il arrivé là ? La peur m’envahit. Je pensais à sa santé, mais aussi aux enfants, à notre équilibre… « Il faut absolument que tu te fasses aider », l’ai-je supplié le lendemain. Mais il m’asséna son « T’inquiète, je gère, j’arrête quand je veux ».

J’AI L’IMPRESSION d’être folle

Alors j’ai commencé à le scruter. À me méfier de ses sorties et de ses amis, à l’observer du coin de l’oeil lorsqu’il rentrait. Et ce n’était pas près de s’arrêter. Quelques jours plus tard, j’ai découvert par hasard, sur l’iPad familial synchronisé avec son téléphone, le message d’une femme avec qui il avait passé un bout de soirée, la veille, et a priori pas autour d’une partie de Scrabble. Il me jure que ce n’est rien, ce n’est pas lui, « c’est la “C” ». « Pardon mon amour, je t’aime, je vais arrêter. » J’ai le coeur brisé. Je le menace de partir. Mais je suis amoureuse. Et je ne veux pas d’un second divorce. Alors je pardonne. Du moins j’essaie. Mais je deviens jalouse, inquisitrice. Il me traite de « parano », dit que je « l’étouffe », puis on s’engueule. On fait de moins en moins l’amour. À cause de la drogue ? Des filles ? J’ai l’impression de devenir folle.

Mais j’y croyais, je voulais lui faire confiance

Ma famille tant rêvée vire alors au cauchemar, mais je n’en parle à personne. Je crains trop d’inquiéter mes proches. J’ai honte, aussi. Tout ça est si glauque. Alors je minimise la situation, mais consulte quand même un psy, comme si c’était moi qui en avais besoin. Je passe mes séances à parler de Paul. Je me dis qu’il nous faut un projet. Acheter une maison qu’on retaperait. Mais ce qui semble surtout intéresser Paul, c’est acheter ses « céréales ». Après l’épisode du dealer, il me promet d’arrêter. Mais, pour lui, pas question de consulter ou de se retrouver chez les Cocaïnomanes Anonymes. Nous faisions donc des « dépistages maison ». Le bon moyen d’anéantir définitivement notre vie érotique. Je suis devenue la « contrôleuse en chef antidopage ». La relou, en somme. Celle qui vérifie la bandelette imbibée d’urine. Lorsqu’elle est positive, on s’engueule. Lorsqu’elle est négative, on s’engueule aussi parce qu’il m’en veut. La dernière année, nous avons vécu au rythme de ses sautes d’humeur et de ses rechutes. Mais j’y croyais, je voulais lui faire confiance.

FAIRE TESTER notre fille ?

L’achat de notre maison sonnait comme un nouveau départ. Mais juste avant de signer la vente, un message d’une « fille de soirée » s’affiche sur l’écran de son portable alors que nous parlons à mon fils en FaceTime. J’ai l’impression qu’une enclume s’abat sur moi. Nous sommes chez des amis. Je prends mon manteau et je pars. Je ne pouvais plus, lui, la coke, les mensonges. Sept ans de montagnes russes, c’est moi qui étais en overdose. Le lendemain, je le quittais. Je l’aimais, pourtant, mais je venais de comprendre que je ne pouvais rien pour lui. Il refusait mon aide et m’entraînait dans sa descente. Mon avocate m’a conseillé de faire tester notre fille de 3 ans après son premier séjour chez son père.

J’ai retrouvé mon sourire et un peu de sérénité

Elle m’a parlé du film « Mais vous êtes fous », d’Audrey Diwan, que j’avais toujours refusé de voir, de peur qu’il raconte un peu trop mon histoire. Résultat du test capillaire ? Positif. Ma fille avait donc de la cocaïne dans son petit corps. J’ignorais que lorsqu’on consommait beaucoup de cocaïne on pouvait la transpirer et… la transmettre par voie cutanée. Sans parler des résidus, un peu partout dans la maison, qui pouvaient aussi avoir un impact sur sa santé. La crise d’asthme inexpliquée qu’elle avait faite quelques mois plus tôt ne venait peut-être pas de nulle part. J’ai fait consigner les résultats par huissier dans la procédure de divorce. Je ne veux pas priver ma fille de son père mais, au moins, il sait qu’en sa présence c’est tolérance zéro. Pour l’instant, il tient. Peut-être que cela le motivera à arrêter enfin, puisque notre amour n’a pas suffi. Cela fait plus d’un an que nous sommes séparés. J’ai retrouvé mon sourire et un peu de sérénité. J’ai même arrêté de fumer.

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