Santé

Charge mentale : la technique du Dr Aga pour s’en débarrasser

Longtemps, je me suis couchée tard, en pensant à tous les trucs que j’aurais à faire le lendemain. Pour éradiquer cette charge mentale écrasante, j’ai eu, comme si souvent, une idée géniale : j’ai dessiné un diagramme dans lequel j’ai tracé des patates de couleurs différentes au nom de mes sources de prises de tête. Il y en avait des grosses (emploi salarié, enfants, entretien de mes cheveux), des moyennes (mère âgée, organisation des vacances) et des plus petites (gestion du chien, suivi d’Instagram, sorties amicales). Franchement ça avait de l’allure, d’autant que, comme à l’école, j’ai fait se chevaucher certaines patates : organisation des vacances, emploi salarié et enfants, par exemple, ça va bien ensemble, comme sorties amicales et entretien de mes cheveux. Une fois que j’ai fini mon diagramme, l’évidence a jailli : il y avait 32 entrées et 8 carrefours, traduire, 100 fois trop de trucs à faire. Pour en éliminer, j’avais deux options : 1) décider de m’en foutre 2) déléguer. Je me suis armée d’un Bic rouge. À quoi pourrais-je renoncer sans regret dans ma liste ? Ni aux vacances ni à ma brosse chauffante, à l’évidence… Tout ce que j’ai pu biffer, ce sont des choses insignifiantes telles que « suivi de mon poids » et « emploi salarié ».

Bon, j’allais devoir me décider à déléguer, mais quoi, et à qui ? Soudain, l’épiphanie : il manquait un nom capital dans toutes mes patates. Didier, mon mari, dont je n’ai pas souvent l’occasion de vous parler, mais qui irradie tel un astre dès qu’il passe la porte de la maison, à 19 h 30, quand le dîner est prêt. Le soir même, je lui ai collé mon diagramme sous le pif en lui expliquant qu’une nouvelle loi venait d’être votée, tous les trente ans la charge mentale d’un couple doit changer de camp (ce n’est pas exactement la vérité, mais comme je suis à la fois journaliste et péremptoire, c’est passé crème). Je lui ai expliqué qu’aller voir ma mère, faire mes ongles et écrire mes papiers, j’allais continuer, mais tout le reste, soit 29 entrées, c’était pour lui, désormais. Il a regardé mon papelard couvert de patates, il a blêmi, mais il a dit oui. Dès le lendemain, j’ai compris que ça n’allait pas être si simple. Didier m’appelait tout le temps : « C’est qui, l’entreprise qui révise la chaudière ? », « T’as ton numéro de carte Avantage sur sncf-connect ? », « On est libres le 24 pour dîner chez les Morin ? » De mon côté, je devais littéralement m’accrocher à mon bureau pour ne pas bondir vérifier qu’il faisait les choses bien, c’est-à-dire comme je les fais, moi. Je me berçais en psalmodiant « déléguer, c’est lâcher », mais je le savais bien : à le laisser partir tout schuss, on allait droit vers l’abîme (panne de PQ, billets des ponts de mai réservés pour avril).

Alors j’ai changé d’attitude : je l’ai accompagné. En cuisine, déjà. Ça fait trois décennies qu’il lave et essore la salade puis me tend le bol, comme un épagneul à l’arrêt devant un canard, en disant que, pour la sauce, il est nul. Je lui ai montré trois fois de suite, et depuis sa vinaigrette est parfaite. « Meilleure que celle de maman », commente notre fille, que je suis contente de ne pas avoir connue en 1942. Bizarrement, plus Didier monte en puissance, plus il a l’air épanoui, comme si être le seul à savoir la date du renouvellement des vaccins du teckel lui donnait un pouvoir tout neuf. Et moi, je me couche toujours très tard, en pensant à tout ce que mon mari va devoir faire le lendemain.

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