Santé

Belle-doche. – Éva, 30 ans : « Je rejetais le statut de belle-mère et sa vision pessimiste »

Je m’appelle Éva, j’ai 30 ans et j’ai rencontré mon conjoint, père d’une petite fille qui a aujourd’hui 6 ans, en 2019. On a passé un an à distance, de manière très légère, très passionnelle. Malgré tout, j’ai fait des insomnies incroyables au début de notre histoire. Je stressais car je ne savais pas ce qu’était un gosse et j’ai flippé de l’inconnu. J’avais ma vie légère à Paris et je savais que si je m’engageais avec lui, je m’engageais avec sa fille aussi. Des amis m’ont dit que je pouvais toujours prendre un appart à côté pour « garder ma liberté » mais je me suis dit que si l’histoire devenait sérieuse et qu’on fondait une famille, je ne pouvais pas démarrer comme ça.

Quand j’ai rencontré sa fille, elle avait deux ans et demi et quand j’ai emménagé avec elle, au bout de neuf mois de relation avec son père, elle avait trois ans. C’était peu de temps avant le premier confinement, j’ai déménagé de Paris à Lyon et je me suis retrouvée dans son appartement, qui était tout petit. Ça a été très dur, beaucoup trop violent. Je n’avais jamais habité avec quelqu’un et j’ai emménagé dans 35 mètres carrés sans pièce fermée pour moi. J’étais tout le temps sollicitée par cet enfant qu’on a eue en alternance pendant 3 semaines d’affilée. Ça a été éprouvant de mars à juin mais j’ai tenu, j’étais à fond et je me disais que si je ne me surinvestissais pas, mon choix d’emménager avec eux n’avait aucun sens.

Accepter le rôle de belle-mère 

Ce qui a été compliqué, c’est le fait de me sentir très seule dans ma posture. J’ai mis du temps à me considérer comme belle-mère, ça m’a pris un an et demi/deux ans. D’ailleurs, je ne disais jamais « belle-mère », j’essayais de forcer une relation autre, parce que je rejetais le statut et cette vision très pessimiste que l’on en a. Finalement, à un moment, le mot a été posé et ça nous a fait un bien fou. Elle me disait « t’es une tata, t’es une copine, t’es une amie, t’es une maman ». Je lui ai dit « écoute, je suis ta belle-mère » et ça a été très libérateur, à partir de ce moment-là j’ai pu en parler un peu plus aux autres.

Mais une fois par mois je me demande quand même ce que je fais là ! C’est beaucoup d’abnégation. On parlait enfants avec mon mec et il m’a dit « de toute façon les enfants des autres ça me fait chier », ça m’a fait doucement rire. Souvent, je voudrais bien l’imaginer à ma place mais je ne sais pas s’il serait là ou pas, et je n’ai pas envie de savoir. Ce n’est pas revanchard mais j’ai envie de lui dire « rends-toi compte de ma situation ». Que ce soit dur à vivre me fait mettre une pression énorme sur la qualité de ma relation et sur mon mec. Si j’ai ça comme « handicap », il faut qu’il assure à mort. C’est injuste, je le sais et je me dis qu’il faut que j’arrête ce côté victime mais je suis intolérante à ce qui peut mal se passer parce que moi je me force à plein de moments : je souris quand je n’ai pas envie, alors lui aussi peut bien le faire. Mais je n’ai pas envie de le « faire payer ». 

Surtout que dans ce rôle-là il y a aussi une beauté et une générosité incroyables. J’ai découvert comment créer un lien avec un enfant et trouver sa juste place. Sans trop m’investir pour ne pas qu’elle m’appelle maman, ce qu’elle a déjà fait, avant de souffler le froid en me disant qu’elle ne voulait pas que je sois de sa famille et qu’elle voulait que je déménage. Mais aujourd’hui, cette confiance qu’elle a en moi, le pilier que je suis devenu pour elle, c’est très beau. Je suis devenue responsable de cette enfant. Et cette responsabilité me fait un peu peur. Souvent, j’ai besoin d’aller prendre l’air, d’aller voir des amis, de me créer des moments pour respirer quand elle est là. Mon mec me le reproche mais je vois bien que quand il tire la gueule, ce n’est pas pour sa fille que ça lui pose problème mais pour lui, car il est frustré de ne pas pouvoir faire ce qu’il veut. Il se sent un peu contraint, sauf que moi je n’ai pas à subir ça à 100 % du temps, ce n’est pas ma fille. 

Trouver sa juste place et s’investir comme on le souhaite

J’ai mis le holà sur un rôle coparental. Avoir signé pour une présence à la maison la moitié de ma vie c’est déjà pas mal. Je suis disponible pour elle, les cauchemars, les repas, les douches etc. mais je ne veux pas mettre mon temps et mon énergie dans des choses du quotidien comme aller chez le médecin, aller la chercher à l’école etc. C’est lui qui gère toute la logistique et ça, ça me parait évident. Quand je vois toutes ces belles-mères qui s’investissent beaucoup, j’espère vraiment qu’elles ne vont pas se perdre. J’ai pris beaucoup de liberté ces derniers mois, mais avant j’avais de l’appréhension le vendredi, j’avais une boule au ventre. Il y a de la joie quand elle est là mais il y a aussi un côté un peu suspendu, je me sens en retenue, en apnée parfois. Retenue de moi, de mon couple, de mes besoins, de nos besoins. Je suis en attente de la semaine suivante en essayant de voir le positif dans ce que la semaine avec elle m’apporte et pas juste dans ce qu’elle m’enlève.

Je suis toujours sur le qui-vive quand on est tous les trois, je suis sur-stimulée, en alerte, c’est quelque chose d’intranquille pour moi. Ma belle-fille se lève à 6h45 donc je dors moins. Je me sentais mal quand je me levais trop tard, je me suis donc mise à me lever en même temps qu’eux mais il y a quelque chose qui n’est pas naturel. Si j’étais seule je me lèverais à 10 h et me coucherais à 2 h ! Je me sens parfois prise dans un tableau dans lequel je n’avais pas forcément envie d’être. Je suis actrice et spectatrice de ce que je vis et c’est un peu perturbant. Et puis il y a un sujet dont on parle peu mais le sexe et la vie de famille, c’est quand même quelque chose ! Il faut que l’on compte les jours avant qu’elle revienne, il y a quelque chose qui est très stressant, on ne peut pas vivre notre sexualité tranquillou. Faire l’amour à 21 h 30 quand t’as tout donné pour ta belle-fille et pour calmer ses cris, c’est quand même compliqué. J’ai fait un burnout et c’est, entre autres, ce rôle qui m’a mise à bout, c’est beaucoup de challenges, mais également beaucoup de choses réussies aussi dont il faut se féliciter.

Si j’avais un conseil à donner, ce serait d’apprendre à s’écouter, à appuyer sur pause parce qu’on peut le faire, on est dans une position où c’est OK. Même si on se sent sursollicitées ce n’est pas notre rôle de répondre tout le temps à ces sollicitations. Il faut prendre du temps pour soi. C’est un rôle qui est très lourd à porter et le rendre plus léger c’est aussi enlever quelques pierres du sac : la maternité, la disponibilité H24, je suis une belle-mère et plus une femme… on reste une individualité, une femme, une amante, puis une belle-mère. Ce que je m’efforce d’appliquer de plus en plus, c’est de créer des espaces de discussion dont elle ne fait pas partie quand elle n’est pas là, pour profiter à fond des moments de couple.

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