Santé

Peur de ne plus être aimée, Marion (38 ans) : « Et si mon enfant préférait les autres à moi ? »

Depuis la naissance de son fils, il y a six ans, Marion du B’ est régulièrement traversée par la pensée suivante : « Et si mon enfant préférait sa tante et sa grand-mère à moi ? » Elle l’affirme d’emblée : « Ma plus grande peur c’est de ne plus être aimée par lui. » Au quotidien, cette crainte alimentée par la concurrence avec sa belle-famille, est une souffrance. « J’ai du mal à leur laisser mon fils et je ne supporte pas les voir tisser du lien. Quand ils planifient de se voir avec mon partenaire et mon fils, et que je suis prise par le travail, c’est très violent pour moi. J’ai l’impression qu’on me vire de ma famille et qu’on me pique les deux hommes de ma vie. » Une situation des plus isolantes pour la jeune femme. « Ce genre de pensées sont difficiles à avouer. J’ai honte de ressentir ça. Je ne peux pas dire à mon conjoint que je ne supporte pas quand sa mère prend mon fils dans ses bras ! Je ne peux pas lui dire que quand elle l’appelle  »mon amour », j’ai l’impression qu’elle me l’enlève… Alors depuis la naissance, je le tais. »

La peur de Marion s’apaise lorsqu’elle s’occupe seule de son enfant. « Quand on est tous les deux, on est dans une bulle d’amour et de sécurité. Je le remarque, dès qu’il me voit, son visage s’illumine. » Malgré ça, en présence de sa belle-famille, sa crainte devient ingérable. « Si mon fils passe trop de temps avec eux, j’ai peur qu’il se mette à les aimer plus que moi. Il y a un an par exemple, toute la famille fêtait l’anniversaire de ma belle-mère, sauf moi car j’étais en déplacement professionnel. Deux jours plus tard, elle était censée garder mon fils. Je ne le supportais pas, alors j’ai prétexté qu’il était malade et je suis restée avec lui toute la journée pour qu’il n’y aille pas. » Cette peur a poussé Marion à allaiter son fils pendant 24 mois. Avec du recul, elle confie aujourd’hui : « je suis assez lucide pour dire que je l’ai fait pour avoir l’excuse de le garder auprès de moi. »

Être une bonne mère

Marion doute en permanence de l’amour que son fils a pour elle. Mais d’où vient cette crainte ? « Quand j’étais petite, je n’ai pas reçu suffisamment d’amour de la part de mes parents, j’ai une blessure du rejet encore très présente en moi », confie-t-elle. Et puis, tout s’est amplifié lors de son accouchement. Fragilisée émotionnellement par le deuil de sa mère, décédée 5 mois avant qu’elle ne tombe enceinte, Marion raconte le point de départ de sa peur : « Après la naissance de mon fils, quand il a pour la première fois pleuré dans mes bras, que je l’ai mis dans les bras de son père, et qu’il s’est arrêté de pleurer, je l’ai déjà très mal vécu. Je sais bien que ça arrive à tout le monde, mais c’était vraiment terrible pour moi. »

À cette époque, les relations que Marion entretient avec sa belle-mère et sa belle-sœur sont déjà mauvaise. « Tout ce que je faisais, elles le contredisaient. Quand j’ai accepté la péridurale, elles m’ont reproché de ne penser qu’à moi, en me disant que je risquais de faire du mal à mon fils. Lors de l’allaitement, j’ai eu une mastite (inflammation douloureuse du sein, NDLR), alors j’ai dû prendre un Doliprane tant la fièvre et la douleur étaient insupportables. Et elles m’ont fait culpabiliser de prendre ce médicament, qui allait se retrouver dans mon lait. » Et la liste des critiques est longue : « Plus tard, elles me reprochaient d’allaiter mon enfant si longtemps, ou encore de faire du cododo… Toutes leurs critiques ont largement empiré ma peur de ne pas être une bonne mère et donc de ne pas être aimée par mon fils. » Jusqu’à imaginer le pire : « J’ai même envisagé de mettre fin à mes jours, parce que je me disais que ce serait mieux pour mon fils. »

Lâcher prise

Depuis, la peur de Marion s’est quelque peu apaisée. Pour son fils, elle a décidé de consulter pour obtenir une aide psychologique. « Je ne pouvais pas continuer à vivre comme ça. Je l’ai fait pour mon fils, qui a de la chance d’avoir une grand-mère qui s’intéresse à lui. Cette compétition entre elle et moi ne doit pas lui être préjudiciable. » Petit à petit, la jeune femme tente de lâcher prise. « J’apprends à accepter avec l’idée qu’il va vivre des choses sans moi, avec d’autres personnes, et que ça ne signifie pas qu’il m’aimera moins. »

Marion se sent aujourd’hui en meilleure sécurité affective, et parvient à se rassurer. « La première fois qu’il m’a dit  »maman tu es méchante ! » j’étais blessée de façon surdimensionnée. Et puis après, je me suis rappelée que moi aussi j’avais par moment détesté mes parents, que c’était normal pour un enfant de penser ça, et que ça ne voulait pas dire qu’il ne m’aimait pas. » Et la jeune femme de conclure en toute lucidité : « Je suis beaucoup plus apaisée aujourd’hui, mais je me doute que dans le futur, certaines situations pourront raviver ma peur. Je n’ose pas imaginer le jour où il tombera amoureux d’une femme ! Je sais que ce ne sera pas de tout repos pour moi. »

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page