Santé

Amelle Zaïd : « Nous sommes beaucoup à avoir la dépendance affective comme programme par défaut »

Amelle Zaid, autrice du podcast « Spiritualista », s’est servie d’une rupture amoureuse douloureuse comme point de départ d’un nouveau cheminement personnel. Elle propose des pistes pour retrouver la voie de la sérénité, avec une méthode bien à elle, parfois très éloignée de la spiritualité telle qu’elle est perçue par beaucoup. Interview.

ELLE : Quelle est votre définition de la spiritualité « badass », prônée dans votre guide ?

AZ : On a tendance à penser qu’être spirituelle c’est forcément répondre à l’injonction de la bienveillance, de la douceur… Développer une spiritualité badass, c’est être connectée à des valeurs supérieures comme la vérité, la justice, l’amour, mais c’est surtout passer à l’action. Développer une spiritualité badass c’est rester, quoi qu’il arrive, fidèle à sa vision et sortir de la conformité et des faux semblants. C’est aussi accepter de se sentir seule et incomprise. C’est surtout avoir une foi plus grande que ses peurs.

ELLE : En quoi est-elle, pensez-vous, un outil de développement particulièrement précieux ?

AZ : Depuis la crise sanitaire de 2020, on a vu émerger de nouvelles questions dans les consciences. Qu’elle est ma place dans ce monde ? A quoi je sers ? Sans mon job, mes hobbies, mes amis, mes voyages, mes looks à la mode… qui suis-je finalement ? Cela a permis à beaucoup de commencer, l’air de rien, leur shadow work, un travail sur les ombres de leur égo. On a en quelque sorte, malgré nous, débuté la plus grande thérapie de groupe jamais organisée sur Terre ! Pour beaucoup, il est devenu vital de placer sa santé mentale et émotionnelle au premier plan. Etre badass, c’est faire preuve de courage pour prendre ses responsabilités.

« Pour pouvoir exprimer sa colère, il est nécessaire d’accepter d’être imparfait aux yeux des autres »

ELLE : Vous prônez notamment les bienfaits de la colère, pourtant a priori antinomique de la spiritualité…

AZ : Comme l’avait dit en 2007 Ségolène Royal : « Il y a des colères parfaitement saines ». Les psychologues considèrent la colère comme une soupape de décompression qui cache d’autres émotions comme la peur, la tristesse, l’anxiété. Un peu comme si on ressentait une surcharge d’émotions qui nous mettraient dans l’inconfort. On se sent bloqué, coincé, et la colère nous sert alors d’exutoire pour relâcher la tension accumulée. Ce qui freine la juste expression de la colère, c’est aussi qu’elle est perçue comme assimilée à la perte de contrôle. Elle fait peur, c’est pour ça qu’on l’évite le plus possible. Etre en colère, c’est éprouver une ferme opposition entre soi et les autres. Pour pouvoir exprimer sa colère, il est nécessaire d’accepter d’être imparfait aux yeux des autres, d’être incompris, voire rejeté. Assumer de se débarrasser de son masque du bon gars et de la femme cool.

ELLE : Il est donc hors de question, pour vous, de contenir cette colère ?

AZ : Vouloir la ravaler, la contenir, l’étouffer, l’adoucir, n’a aucun sens. On n’adoucit pas sa colère, on l’exprime. Qu’elle sorte dans un souffle, un cri, un rugissement, on l’exprime. Tout ce qui n’est pas exprimé, s’imprime. Les émotions, en anglais, c’est e-motion, de l’énergie en mouvement. L’émotion doit circuler. Si ce mouvement n’est pas respecté, que l’on garde cette sorte de patate chaude qu’on vient de nous lancer, au bout d’un moment la baraque à frites brûlera. En nous coupant de notre colère, nous risquons de finir complètement désaxés et affaiblis. L’absence de colère nous rend dépendants et vulnérables.

ELLE : Vous expliquez aussi, au travers de votre expérience personnelle, qu’il est nécessaire d’être descendue très bas pour se revenir à soi-même…

AZ : C’est dans les grottes les plus sombres que se cachent les plus beaux trésors. Notre évolution de conscience dépend de notre capacité à explorer nos ombres, nos blessures, nos racines les plus profondes. C’est lorsque l’on trouve la vie complètement injuste qu’on lâche prise sur tout, que l’on s’abandonne à son chagrin, que boum ! Une force arrive pour nous soutenir, nous recharger. C’est peut-être aussi parce que ce sont les seuls moments où l’on baisse les armes, où on se laisse traverser par nos émotions, où on embrasse le silence. Le silence, c’est le langage du sacré et là, seuls dans le désert, nous l’entendons enfin.

« La vie nous propose une multitude d’expériences qui nous confrontent à des morts de l’égo »

ELLE : Comment cela s’est-il traduit, dans votre cas ?

AZ : J’ai vécu une rupture qui m’a fait totalement perdre confiance en moi. J’avais rencontré un homme charmant qui, au fur et à mesure, est passé de l’amour à la haine et au contrôle. Ce genre de personnalité scanne très vite les failles, les brêches chez l’autre et une fois l’hameçon bien placé, il est très difficile de s’en sortir indemne. Mais aujourd’hui, je le remercie de m’avoir confrontée au point de rupture qui m’a permis de mourir symboliquement, de tuer mes illusions et fausses postures pour intégrer une partie plus authentique de ma personnalité. La vie nous propose une multitude d’expériences qui nous confrontent à des morts de l’égo. Le plus important dans la vie ce n’est pas ce qu’il nous arrive, mais ce que l’on en fait. Cette idée permet de sortir du rôle de victime et de reprendre son pouvoir.

ELLE : Pour vous, beaucoup de relations amoureuses échouent car l’un et l’autre n’ont pas parcouru ce chemin ?

AZ : Je pense que l’amour « sain » se résumerait à partager avec l’autre ce qui déborde de sa propre coupe et pareil pour l’autre personne. De nos jours, on voit beaucoup de coupes pratiquement vides se mettre ensemble. Mais pour faire quoi ? Pour partager quoi ? Pour grandir et évoluer à partir de quoi ? C’est voué à l’échec. Pour remplir sa coupe il est important de d’abord revenir à soi, être confortable avec sa propre compagnie. Nous sommes beaucoup à avoir comme programme par défaut la dépendance affective. On cherche à combler notre vide intérieur au travers de ce qui est extérieur à nous : relations, nourriture, divertissements, shopping…  Remplir sa coupe c’est déborder de joie, de paix et d’amour, peu importe le contexte extérieur. Ça demande évidemment des réajustements. La solitude choisie est un bon moyen pour se retrouver et se reconnecter à son intuition. Ensuite, installer une routine quotidienne en y intégrant une activité physique, de la méditation, l’écriture, c’est vraiment un must.

Incarner une spiritualité badass, d’Amelle Zaid (Editions Eyrolles)

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