Santé

C’est mon histoire : « Un chien a guéri mon chagrin d’amour »

UNE BOULE DE POILS

Je l’ai choisi sur Internet. Comme mon ex d’ailleurs. Mais, avec lui, il n’y a pas eu de « match » ni d’échanges de textos pendant mille ans avant de se voir. Sur le site de l’éleveur, il y avait plusieurs photos de chiots, de cockers anglais plus précisément. « Une race concentrant la douceur, la gentillesse et l’affection », avais-je pu lire sur un blog canin. Tout ce qu’il me fallait. L’un d’eux avait des petits yeux particulièrement tristes. « Cela nous fera un point commun, avais-je songé au moment de le réserver. On dit bien que les chiens ressemblent à leur maître, non ? » Il s’appellerait Thierry, comme mon premier amour. Deux mois plus tard, la petite boule de poils caramel avec ses grandes oreilles furetait joyeusement partout dans mon salon. Avant de sortir avec Marc, l’idée d’avoir un chien ne m’avait jamais effleuré l’esprit. Je voyais dans cet animal une forme de servitude pleine de poils, de ramasse-crottes et de bave. Sans parler de la forte odeur qui me rappelait les après-midi à m’ennuyer chez ma nourrice pendant les grandes vacances. Elle avait trois gros labradors. J’avais 8 ans et les cheveux qui empestaient le chien mouillé pendant tout l’été. Ça m’avait vaccinée. Mais avoir un chien avec Marc, ce n’était pas pareil. Nous étions en couple depuis presque quatre ans. J’avais des projets pour nous deux. J’imaginais qu’élever un chien ensemble, c’était une belle aventure et pourquoi pas la première étape vers un futur bébé. J’espérais secrètement que ça lui donnerait envie de s’occuper d’un autre petit être. J’avais 39 ans, suffisamment vécu pour me sentir prête à devenir maman. Seulement Marc avait déjà deux enfants d’un premier mariage et ne semblait pas vraiment pressé d’en faire un troisième avec moi. Il se dérobait à chaque fois. Dès la première année, je lui avais pourtant fait part de mon désir d’enfant. « Profitons encore un peu de nous, mon amour », m’avait-il rétorqué. J’avais pris sa réponse pour une promesse. Après tout, je n’avais alors que 35 ans. Je ne voulais surtout pas lui mettre la pression. Je réprimais donc patiemment mon désir d’enfant en attendant qu’il se décide, tandis que les bébés des autres affluaient tout autour de moi.

UN COCKER COUP DE CŒUR

Au bout de trois ans à vivre comme des patachons, j’en ai eu marre. J’ai remis le sujet sur la table. « Pfff…Tu me parles encore de ça ! », « Laisse-moi du temps », « Qu’est-ce que tu es insistante ! » Dans le discours de Marc, j’étais la relou qui n’avait à la bouche que le mot « bébé ». C’était un brin exagéré mais il avait ce talent pour retourner la situation et te faire culpabiliser ensuite. Je n’osais plus lui en parler. Le simple fait de ressentir ma déception l’agaçait. C’est qu’il culpabilisait à son tour, je « l’étouffais avec ce bébé » et on finissait par s’engueuler. La dernière année, les disputes étaient devenues notre quotidien, avec, en filigrane, cet enfant non désiré. J’avais tenté la diversion avec mon histoire de chien. Peine perdue, il n’en voulait pas non plus. Un soir, le ton est monté plus haut que d’habitude. En pleine explosion, Marc me dit enfin ce qu’il avait sur le cœur : « Je ne veux pas d’enfant, OK ! J’en ai deux et c’est bien assez, “dé-so-lé !” » Comment ça « dé-so-lé » ?

À aucun moment depuis quatre ans, il n’avait été clair. « J’avais peur de te perdre », se justifia-t-il. Au-delà de la tristesse, j’étais en colère. Presque sur-le-champ, je l’ai quitté. Je l’aimais pourtant mais il n’y avait pas d’autre option. Je voulais me laisser l’opportunité d’être un jour maman. Retour à la case départ. Déménage- ment, nouvel appart, solitude… Ce silence dans mon deux- pièces quasi vide me brisait le cœur. Chaque jour, Marc me manquait davantage. Le soir, j’étais le cliché de la meuf qui déprimait sur son canapé. Je me passais en boucle l’échec de ma vie : célibataire, pas d’enfants et bientôt 40 ans. Je devais réagir. Gonflée par l’énergie du désespoir, je décidai que, avec ou sans Marc, j’allais l’adopter, mon clébard ! Je ne voulais pas vivre seule. Et si Freud reconnaissait dans son chow-chow des vertus thérapeutiques, la présence d’un cocker ne pouvait pas me faire de mal.

CÂLIN CANIN

Thierry est arrivé dans ma vie comme une tornade. Changement d’ambiance. À 5 mois, espiègle et tout fou, il prenait un malin plaisir à me faire tourner en bourrique. Au départ, je passais mon temps à lui courir après en hurlant « non » ! Lui me regardait avec sa tête penchée sur le côté et sa petite bouille qui me faisait déjà craquer – j’étais foutue. Heureusement, en dehors de détruire mes plantes, ronger mes escarpins et l’unique étagère de mon salon, il savait être tendre. Lorsque je broyais du noir sur ledit canapé, il venait, doux et compatissant, poser sa tête sur mes genoux. C’est tout juste s’il ne m’apportait pas la boîte de Kleenex. Certains jours où je n’avais envie de rien, seulement laisser couler mon mascara devant le feed Insta de mon ex, il venait japper devant sa laisse, comme pour dire « Allez viens, on sort, garde le moral, ma vieille ».

J’étais la première surprise de l’attachement que j’éprouvais pour ce cocker

J’étais peut-être en pleine projection mais j’avais l’impression que ce chien me comprenait, lui. Progressivement, une routine s’est installée entre nous. Le nourrir, le promener, le faire jouer… Tout cela me redonnait un cadre et un rythme de vie. Sa constance me faisait du bien. Prendre soin de lui m’obligeait aussi à m’oublier un peu, moi et ma peine de cœur. C’était comme si je partais en vacances de moi-même. Plus d’ex, plus d’histoire de bébé. Certes, j’avais toujours du chagrin mais aux côtés de Thierry, ma peine s’atténuait. En fait, il me consolait. Il m’enveloppait de son amour inconditionnel et de ses regards gentils, sans jugement. J’étais la première surprise de l’attachement que j’éprouvais pour ce cocker. Il m’est arrivé de refuser des soirées pour ne pas le laisser seul. Au bureau, j’inventais des excuses pour pouvoir télétravailler ou rentrer chez moi plus tôt. Je n’allais plus que dans des endroits « dog-friendly », sinon je n’y mettais pas un pied (ni une patte). Je l’observais engloutir sa pâtée avec un sourire béat. Je m’inquiétais de ses diarrhées, de sa truffe chaude, des trucs qu’il pouvait ingurgiter par mégarde… Au fil du temps, Thierry était devenu plus qu’un chien, il était mon confident, mon ami… et, oserais-je le dire, cet enfant que je n’avais pas encore eu. Peut-être y avait-il aussi entre nous quelque chose du lien mère-enfant comme l’a décrit récemment la journaliste Hélène Gateau avec son petit chien Colonel. Je ne sais pas. En tout cas, ça n’enlevait rien à mon désir de bébé, même si, pour le moment, ça l’avait apaisé, pour ne pas dire comblé.

Aujourd’hui, Thierry a 2 ans. Je vais beaucoup mieux, je ne pense plus du tout à Marc. J’ai même vécu une jolie aventure avec le propriétaire d’un teckel. Car Thierry m’a fait rencontrer tous les maîtres de chiens du quartier. C’est fou comme l’amour canin rapproche ! Mais ça n’a pas duré. J’avoue ne pas avoir insisté. Lorsque le type a débarqué chez moi avec sa brosse à dents, son pyjama et son sourire conquérant, je n’étais pas prête. Pas prête non plus à briser mon duo à six pattes. Je suis bien, seule avec Thierry. Nous sommes inséparables. Certains diront que c’est trop, cela m’est bien égal. Si on m’avait dit que j’aurais autant de bon- heur à enfouir mon visage dans la fourrure frisée d’un toutou ! Et cela même quand il pleut et qu’il revient de la forêt tout poisseux. Ensuite, je ne vous dis pas l’odeur de mes cheveux… Mais ça c’est un autre sujet !

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