Santé

La question psy des parents : « Je compare mes enfants aux autres, comment relâcher la pression ? »

« Je suis maman de deux jumelles de 5 ans, et Instagram me pourrit la vie. Chaque jour, je tombe sur des images d’enfants irréprochables, de mères parfaites, et passe mon temps à me comparer à ces familles où tout paraît si simple. Des enfants du même âge que mes filles savent déjà très bien compter, écrire, et tout ça dans le calme absolu, alors que moi, j’ai deux tornades à la maison ! Je vois passer des vidéos de repas au restaurant, où les enfants se tiennent bien, et où tout le monde semble passer un super moment de partage. Je me demande comment les parents font, parce que chez moi, les verres sont renversés quand ils sont trop remplis, mes filles trouvent le temps long, et ces sorties sont plus une source d’angoisse qu’un moment de détente. Sur les aires de jeux, je regarde les autres enfants et il m’arrive souvent de relever leurs prouesses : « Tu as vu, elle a fait une super roulade sur la barre, tu veux qu’on essaie ? »

Quand je compare mes enfants à ceux des autres, j’ai clairement l’impression d’avoir loupé quelque chose. Je remets tout en question, me dis qu’il faut tout reprendre, et pousse mes filles à faire toujours plus. Le pire, c’est que cette pression se ressent dans leur comportement. Si l’on fait une activité à 14 heures, elles me demandent ce qu’on fera dans une heure. Elles ont besoin d’être sans cesse occupées, et tout ça, c’est à cause de moi. Je considère ça comme un échec, parce que je sais que c’est dans l’ennui que l’on est le plus créatif. J’essaie de les aider dans leur apprentissage, mais je culpabilise en me disant que c’est trop. C’est un engrenage… Finalement, j’ai l’impression de ne jamais être vraiment satisfaite de la vie qu’on a. 

Mes filles sont toujours en demande, et moi, je n’y arrive plus. Je suis à bout, à la limite du burn-out parental. Je pense que tout aurait été différent sans les réseaux sociaux et tous les livres qu’on nous bassine sur la parentalité bienveillante, la parentalité positive, et toutes ces injonctions qui font que je m’y perds. La maman est censée aller chercher son enfant à l’école, lui préparer le goûter fait maison, passer du temps à jouer avec lui au moins 30 minutes, ne pas mettre de dessins animés, le coucher à 20 heures… Mais aujourd’hui, mettre son enfant au lit à 20 heures quand on termine le travail à 19 heures, c’est compliqué. Je suis donc sans cesse dans le chronométrage, pour que mes filles fassent tout dans les temps. Une fois couchées, je me connecte sur TikTok et tombe sur des mamans qui se réjouissent que leur enfant dorme à 18 heures. Mais ce n’est pas possible ! Qu’est-ce que j’ai raté ? »

Morgane, mère de famille et fondatrice de l’association Mamans en pause.

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LA RÉPONSE D’UNE PSYCHOLOGUE

« Tout d’abord, rassurez-vous, cette tendance à comparer les progrès de son enfant à celui des autres est assez courant, et il y a plusieurs raisons à cela. La première, c’est que la société nous ramène toujours à la norme, avec un classement des enfants par âge, même dans le carnet de santé où tout est très réglementé, la manière dont on est censé les éduquer, etc. Par ailleurs, certains parents pensent que regarder ce qu’il se passe chez les autres va les rassurer quand ils sont angoissés. Mais c’est souvent l’inverse qui se produit.

SE RENDRE À L’ÉVIDENCE

On retrouve ce comportement notamment chez les personnalités anxieuses, et celles qui ont l’esprit de compétition. Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que vous serez toujours amenée à rencontrer des enfants qui vont acquérir des compétences plus tôt ou plus facilement que les vôtres. Et n’oubliez pas que les autres parents sont certainement eux-mêmes dans la comparaison, dans d’autres domaines : « Est-ce que je fais assez bien la cuisine ? », « Est-ce que ma maison est assez belle ? », « Est-ce qu’elle est assez propre ? », « Est-ce qu’elle est assez grande ? », « Est-ce que mon travail est assez bien par rapport à celui de mes copines ? »

SE DÉTACHER DES RÉSEAUX SOCIAUX

Il est important de rappeler que sur les réseaux sociaux, on montre bien ce que l’on veut. Mais admettons que ce soit la réalité : sachez que même les enfants hyper sages ou très propres sur eux ne sont pas forcément les plus heureux ou les mieux dans leur peau. « Tu es la meilleure, la première de la classe, toujours au premier rang en cours de danse, tu brilles partout ! ». Même la comparaison positive peut être nocive. Poussés dans l’élitisme, les enfants risquent de se dire qu’ils n’existent que lorsqu’ils sont au-dessus des autres.

SE RECENTRER SUR LES PROGRÈS DE SES ENFANTS

Sur le long terme, cette tendance à la comparaison risque de générer de la colère et de l’agressivité chez les enfants. Tous les parents le font assez spontanément, en pensant stimuler leur fils ou leur fille : « Regarde ! Ton copain ne porte plus de couche, je suis sûre que tu peux en faire autant ! », « Ton amie vient de sauter dans la piscine, tu peux le faire toi aussi ! ». Mais ce que l’on renvoie à l’enfant, c’est cette idée que l’autre serait mieux que lui. Inconsciemment, les tout-petits peuvent être amenés à se demander : « Est-ce que ma mère préfère mon copain à moi ? » Quand on craint de perdre l’amour du parent, cela engendre des comportements peu adaptés, pour essayer de se rassurer et de tenter de gagner cet amour.

Si vous êtes vraiment inquiète au sujet du développement de vos enfants, vous pourriez les faire consulter un·e orthophoniste ou un·e psychomotricien·ne, pour vous rassurer. Je vous conseille aussi de vous concentrer sur les compétences et la progression de vos enfants, en les comparant à eux-mêmes : “-« Hier, tu ne savais pas verser de l’eau avec la carafe, et aujourd’hui, tu sais le faire ! » Au fond, quelle est votre priorité ? Que vos enfants sachent faire des multiplications tout de suite, ou qu’elles aient confiance en elles tout en étant heureuses  

METTRE DES MOTS SUR SES BESOINS

En réalité, ce regard que vous portez sur vos enfants peut être une façon d’évaluer votre propre rôle de mère. Comme un effet miroir. Les bonnes questions à se poser sont les suivantes : « Qu’est-ce qui fait que j’éprouve le besoin de me comparer ? », « Est-ce parce que j’ai besoin de me rassurer ? », « Est-ce parce que je crains de ne pas avoir donné assez ou de ne pas avoir fait assez ? » Ce n’est pas tant de savoir si les autres enfants sont plus avancés que les vôtres, mais de comprendre le besoin profond qui se cache derrière cet élan de comparaison. 

TRAVAILLER SUR SES PROPRES BLESSURES 

Vos filles sont peut-être différentes des autres enfants autour de vous, mais qu’est-ce qui vous préoccupe réellement ? Qu’est-ce que cela vient réveiller en termes de blessures et d’inquiétudes ? Suivre un accompagnement, à la parentalité ou individuel, pourrait vous permettre de travailler sur tout ça. Parce que ces préoccupations peuvent être en lien avec votre enfance ou votre propre éducation. Vous n’êtes pas responsable de tout ce qu’il se passe – ni de vos aïeuls, ni de ce que vous avez vécu dans votre histoire. Dites-vous toujours que vous avez fait au mieux avec ce que vous étiez capable de faire à ce moment-là. Et c’est le plus important.

Les groupes d’accompagnement à la parentalité, les groupes de paroles entre femmes peuvent être des soutiens. Il est aussi important de faire équipe avec le co-parent quand il est là, car les mères ne peuvent pas tout porter. Et si vous en avez la possibilité, pensez à déléguer auprès de votre famille, pour prendre du temps pour vous. » 

(*) Marylise Richard, psychologue clinicienne et thérapeute familiale.

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