Santé

La question psy : « Je vérifie 4 fois que j’ai bien éteint mon four, qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? »

« Quand je pars de chez moi, j’angoisse d’avoir laissé mon lisseur ou mes plaques de cuisson allumés. Pas plus tard qu’hier, j’étais tellement stressée que je suis retournée chez moi entre midi et deux pour aller vérifier que mon four était bien éteint – un aller-retour qui m’a valu une heure de métro, je n’ai même pas déjeuné. Récemment, j’ai mis en place une astuce que je suis à la lettre chaque matin. Dès que je désactive mon lisseur, je le verbalise à haute voix : « éteint ! », « débranché ! », ça me permet de l’imprimer dans ma mémoire, et de me rassurer », confie Amandine*, 28 ans. « Quand je pars en vacances, j’ai peur que mon chat s’échappe. Ainsi, il m’arrive de vérifier à trois reprises que j’ai bien refermé la fenêtre de mon salon. » 

Ce témoignage résonne avec celui de Claire*, 34 ans : « J’ai toujours été anxieuse à l’idée d’oublier quelque chose chez moi. J’imagine souvent les pires scénarios : et si j’avais laissé la cafetière allumée et que cela déclenchait un incendie ? Ai-je bien fermé la porte à double tour ? Avec les années, j’ai appris à « checker » tout cela en pleine conscience, mais il m’arrive encore, après avoir descendu les cinq étages de mon immeuble, d’être prise d’un doute. Le problème, c’est que lorsque cela arrive, je suis incapable de penser à autre chose. Alors je fais demi-tour et je reviens vérifier. Évidemment, cela ne m’est jamais arrivé de constater qu’effectivement j’avais oublié quelque chose. Je sais donc qu’il s’agit d’angoisses infondées », explique-t-elle. Pourtant rien n’y fait, ses peurs finissent toujours par prendre le dessus. « Quand je pars pour plusieurs jours en vacances, pour m’éviter ce stress, je prends en photo des éléments importants de mon appartement : les radiateurs, les fenêtres, les plaques, les prises, etc. Je sais que si je suis prise d’un doute, je pourrai vérifier à tout instant que j’ai bien fait les choses. Mais en réalité, je ne regarde jamais ces photos. Je pense que le simple fait de les capturer suffit à me rassurer. » Alors, comment expliquer ce type de comportement ? Quelles solutions envisager pour dépasser ces angoisses irrationnelles ?  

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LA RÉPONSE D’UN PSYCHIATRE 

« Ce type de comportement est assez répandu, mais la bonne question à se poser est de savoir si cela relève de la pathologie ou non. En l’occurrence, ce que vous décrivez ressemble très fortement à des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), mais on ne peut poser un tel sans avoir examiné les patientes. À ce stade, il s’agit vraisemblablement de pensées obsédantes, qui entrent souvent dans le cadre de TOC, ou d’un trouble anxieux.  

À partir de quel moment peut-on parler de TOC ? 

On peut parler de TOC dès l’instant où le comportement n’est pas raisonnable, que les mesures prises ne sont pas adaptées. Vérifier une fois que vous avez bien fermé la fenêtre, c’est normal si vous l’avez ouverte récemment. En revanche, si vous la vérifiez plusieurs fois, là, il n’y a aucune raison logique. 

Le fait de verbaliser à haute voix ses actes est un comportement typique des compulsions. C’est ce qu’on appelle la pensée magique : parce qu’on le dit, on pense que c’est vrai. Or, le fait de formuler quelque chose n’a aucune valeur de vérité. On pourrait être sûr d’avoir fermé sa fenêtre ou éteint ses plaques de cuisson, sans pour autant l’exprimer. En l’état, il faudrait s’intéresser au reste du tableau pour déterminer de quelle pathologie il retourne. 

Que se cache-t-il derrière ce comportement ? 

Les personnes qui adoptent ce type de mécanisme inapproprié peinent à accorder de la place au rationnel. Elles veulent que le risque soit égal à 0 (en l’occurrence, un risque d’incendie, par exemple). Or, la validation de cette certitude à 100 % n’est pas accessible. On ne peut que minimiser. Il y a donc un problème de stratégie, et un manque de confiance en ses propres observations. Ces personnes accordent trop d’attention à certaines pensées automatiques, et trop peu de crédit à leurs propres actes, leurs propres souvenirs. Par conséquent, elles utilisent des adjuvants pour suppléer au manque de confiance. Le risque, c’est de ne plus être sûre d’avoir dit « éteint » ou « débranché », et de le répéter plusieurs fois, jusqu’à vérifier trente fois que son lisseur est en effet désactivé.  

Comment apaiser ces angoisses ? 

L’objectif ne doit pas être d’apaiser d’apaiser les peurs, car il n’y a aucun moyen de le faire. Au contraire, il faut casser la dictature émotionnelle : ce n’est pas l’émotion qui doit dicter nos comportements. Il faut donc changer de paradigme.  

Pour ne plus être guidé par ses émotions, soit on arrive à le faire seul en faisant le choix de suivre ce que la raison nous dicte, soit on entame un travail sur soi, qui peut être réalisé dans le cadre d’une thérapie comportementale et cognitive (TCC). Cela permet d’aller chercher d’une part les pensées dysfonctionnelles qu’il y a derrière ces comportements, comme les schémas de contrôle, du risque 0, ou autres. Pour essayer de les assouplir et de les contester. Aider la patiente à revisiter ses stratégies de vie en l’amenant à réfléchir : toutes les mesures que cette personne prend pour réduire le risque, ne sont-elles pas plus nocives pour sa qualité de vie ? D’autre part, le but n’est pas de chercher à se débarrasser de l’émotion, mais de résoudre le problème révélé par l’émotion. »  

(*) Les prénoms ont été modifiés. 

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