Santé

La question psy : « Pourquoi ai-je tendance à me sentir étouffé par ma famille ? »

Les moments entre proches ne sont pas épanouissants pour tout le monde. Ils sont même étouffants pour certains individus. Entre les instants de désaccord et les remarques gênantes, voire intrusives, les réunions de famille peuvent rapidement se transformer en petit calvaire. Ce sentiment est souvent accompagné d’une forme de culpabilité. Pour cause, se sentir étouffé par le cercle qui est censé être le plus cher à nos yeux peut nous donner une impression d’ingratitude. Pourquoi le contact des personnes qu’on aime le plus peut-il nous faire ressentir cela ? La psychologue Anouck Boulet De Bohan nous éclaire.

La réponse d’une psy

Le sentiment d’étouffement est très souvent le résultat d’une dynamique et d’un fonctionnement familial. Il ne surgit pas sans raison. Dans une famille, chacun se retrouve à porter un rôle, ou un symptôme. Et en fonction de ça, les membres peuvent se sentir plus ou moins oppressés par rapport à d’autres, parce qu’ils doivent porter des parts familiales particulières. Je pense notamment à la place de l’aîné. Elle peut être vécue comme étouffante parce qu’il y a généralement une certaine attente de la part des parents. Je précise que l’étouffement surgit souvent chez les enfants envers leurs parents. C’est en tout cas le schéma que je retrouve le plus souvent dans ma patientèle.

L’une d’entre elles m’en a d’ailleurs récemment fait part. Elle s’est retrouvée co-parentalisée et faisait beaucoup d’angoisse car elle devait s’occuper de ses frères et sœurs, même au cours des vacances. Ses parents en attendaient beaucoup d’elle, elle devait porter des attentes surdimensionnées par rapport à son âge. En travaillant ensemble, elle s’est aperçue qu’elle était étouffée par ces demandes parentales. Et tout le travail a été de lui faire prendre de la distance en lui faisant comprendre qu’elle ne pourrait jamais combler toutes les attentes et demandes de ses parents car ils en auront toujours plus.

Familles fusionnelles et étouffement

Ce sentiment peut également être lié à des systèmes familiaux fusionnels qu’on qualifie d’« enchevêtrés » en psychologie. Il y a des familles, qui, pour de nombreuses raisons, vont avoir des tendances à refermer les frontières avec l’extérieur, mais aussi celles entre chacun des membres, qui sont dissipées. Cela crée un système de relations fusionnelles qui donne lieu à un déséquilibre. Pour cause, toutes les attentes que peut avoir un individu sont alors à trouver au sein du système familial. Les familles enchevêtrées reposent sur des dynamiques qui favorisent l’étouffement. Par ailleurs, elles sont souvent le terrain d’un écrasement générationnel, dont le cas typique est une mère qui se confie trop à ses enfants.

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Les vacances chez les parents

Les enjeux sociétaux auxquels on fait face ces dernières années participent également à l’accroissement de ce sentiment d’étouffement. Pour cause, la baisse du niveau de vie crée des restrictions budgétaires en termes de vacances. Certains individus n’ont d’autres choix que de partir en congés chez leurs parents. Cela relance des dynamiques familiales qui n’avaient plus forcément lieu d’être puisque l’enfant, désormais adulte, ne vivait plus chez ses parents. Cela peut alors donner lieu un sentiment d’étouffement, car un adulte n’est pas fait pour vivre chez ses parents durant une longue période.

Les personnalités exposées

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas forcément les profils les plus solitaires qui se sentent étouffés par leurs proches. En effet, ces personnes réussissent généralement à se construire un système qui leur permet d’éviter ce genre de situations.

Ceux qui en souffrent le plus sont les individus très empathiques, ceux qui construisent leur bénéfice de vie sur le lien à l’autre. Ce sont généralement les personnes qui donnent le plus et qui se sentent obligées de participer à tous les moments en famille. A contrario, quelqu’un qui pose facilement ses limites le ressentira moins.

La culpabilité comme signal

La culpabilité, sentiment qui peut être très écrasant, est finalement le signal qu’il se passe quelque chose qui n’est pas équilibrant. Il ne faut pas la nier, mais aller au fond de soi pour comprendre ce qui fait que je me sens étouffé et que j’ai l’impression de ne jamais suffisamment donner à l’autre. Pour ne pas se sentir coupable, il faut commencer par comprendre le processus familial. Ce qui est demandé par un parent fait généralement partie d’une histoire plus vaste et plus large qu’on ne peut pas réparer avec nos petits bras. Nous ne sommes pas les sauveurs de nos parents.

Pour atténuer ce sentiment d’étouffement, la première piste à envisager est sans surprise la communication. Si le proche est capable de l’entendre, il faut lui expliquer qu’on va momentanément prendre une distance qui est nécessaire pour servir la relation. Si on ne prend pas les choses en mains, on va soit finir par détester l’autre, soit par se détester soi-même. La distance peut être salvatrice. En revanche, elle peut être difficile à initier si le proche impliqué est fragile psychologiquement. Dans ce cas, on peut toujours installer une distance intérieure, en éloignant le téléphone lorsqu’il ou elle nous appelle, par exemple. L’objectif reste le même : ne plus se laisser aspirer et se raccrocher au réel pour mettre des frontières.

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