Santé

Lou-Anne, 42 ans « Je préfère mon fils à ma fille »

« Je n’ai pas pour habitude de le revendiquer, et je ne suis pas spécialement fière non plus de le raconter, mais oui, j’ai un enfant préféré (avec énormément de guillemets, je tiens à le préciser), lâche, du bout des lèvres, Lou-Anne, maman de Lina, 14 ans et de Jules, 10 ans. Cela ne veut évidemment pas dire que je n’aime pas ma fille – elle est, comme son frère, la prunelle de mes yeux et je pourrais mourir pour eux -, il n’empêche, je dois reconnaître que je me suis toujours sentie un poil plus proche de mon fils. C’est comme ça, je n’y peux rien. Il s’agit juste d’une question d’affinités. Lina est discrète, posée, raisonnable, comme mon mari, alors que Jules est aussi exubérant, aussi impatient et aussi fougueux que je l’étais à son âge. Il passe son temps à tester nos limites et, quand il a quelque chose en tête, impossible de le faire changer d’avis ».

Cette formatrice en insertion professionnelle de la région parisienne reconnaît que son petit dernier n’est pas toujours de tout repos et que son mari et elle s’accrochent souvent avec lui (il les force même parfois à se fâcher pour de bon), mais ça lui plaît, en son for intérieur, de savoir qu’il a du caractère. « Je me dis qu’il sait tellement ce qu’il veut que, plus tard, il ne se laissera pas marcher sur les pieds, explique la mère de famille. Je suis convaincue qu’il arrivera toujours à se débrouiller dans la vie, alors que j’ai peur que Lina souffre, un jour, de sa timidité et de son hyper-sensibilité. J’ai honte, mais parfois j’en veux même à ma fille de « ne pas se donner un coup de pied aux fesses », de ne pas aller plus vers l’avant. Bref, de ne pas prendre exemple sur son frère ».

Aussi étrange que cela puisse sembler, cette « préférence » au sein de la fratrie n’est, au quotidien, pas du tout perceptible. « Dans mon entourage, personne n’imagine que j’ai un « chouchou », glisse la quadra. Je suis sûre que Jules lui-même n’en a absolument pas conscience (pas plus que Lina ou mon mari d’ailleurs), car je fais tout pour ne rien laisser paraître. Je ne sais pas si c’est parce que, inconsciemment, je cherche à me faire pardonner d’être ce que je considère « une mère indigne », mais il est évident que je propose toujours spontanément plus d’activités – virée shopping, séance ciné, restaurant japonais… – à Lina qu’à Jules. Comme si la quantité de moments passés ensemble allait compenser la qualité de la relation, la complicité, que j’avais avec son frère ».

Je souriais toujours quand je regardais Jules

Si Lou-Anne veille, depuis quelques années déjà, à rééquilibrer les liens respectifs qu’elle entretient avec sa progéniture, c’est parce qu’elle a, à une certaine époque, elle-même pris conscience de ne pas se conduire tout à fait de la même façon avec l’un qu’avec l’autre. « Je n’ai aucun problème à dire non à Lina lorsqu’elle me demande de lui acheter un scooter pour aller, l’an prochain, au lycée, ou de sortir jusqu’à pas d’heure avec ses copains, explique-t-elle. Quand je le fais, j’estime le faire pour son bien et, donc, d’être dans mon rôle de maman. En revanche, quand j’exigeais autrefois de Jules qu’il aille se coucher, parce qu’il avait école le lendemain, alors qu’il me suppliait, bien sûr, de le laisser continuer à « jouer encore un tout peu à la console », c’était presque une torture pour moi. J’avais l’impression de le maltraiter et qu’il allait moins m’aimer ».

Il y avait aussi de petits faits et gestes en apparence très anodins, mais qui en disaient finalement long. « C’est tout bête, mais, je souriais toujours quand je regardais Jules, ce que je ne faisais pas avec Lina (il m’arrivait même de prendre un air agacé lorsqu’elle ne se bougeait pas assez vite à mon goût), glisse Lou-Anne, avec une pointe de remords perceptible dans la voix. Je valorisais la moindre prouesse de mon fils. À table, tout comme dans le canapé du salon, j’avais aussi tendance à toujours m’asseoir à côté de lui, plutôt qu’à côté de ma fille. Et sur mon fond d’écran de portable, c’était sa photo qui s’affichait. Ma belle-mère ne s’est d’ailleurs pas gênée, un jour, pour me le faire remarquer. Et quand on allait se balader en famille, le dimanche après-midi, c’est à lui encore, et non à Lina, que je donnais systématiquement la main. À ma décharge, j’avais souvent peur que son côté impulsif ne l’entraîne à commettre une bêtise irréparable. Il aurait tout à fait été capable de traverser la route, sans regarder ».

Ma grande hantise était que Lina s’en aperçoive

Lorsqu’elle a compris qu’elle faisait, bien malgré elle, des différences entre ses deux enfants, Lou-Anne a paniqué. « Ma grande hantise était que Lina s’en aperçoive, qu’elle ait le sentiment d’être le vilain petit canard de la fratrie, qu’elle en souffre et que cela crée des tensions entre elle et moi, mais aussi avec son frère, explique-t-elle. Elle manque déjà terriblement de confiance en elle, inutile d’en rajouter. Et puis, honnêtement, je ne suis pas sûre que ça aurait été un cadeau de continuer à faire sentir à Jules qu’il est mon « préféré » (avec toujours énormément de guillemets). Pour l’avoir été aux yeux de mon père, je sais que c’est un fardeau. Jusqu’à sa mort, j’avais peur de ne pas être à la hauteur de ses attentes, de le décevoir ».

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page