Santé

Piqûres de chenilles processionnaires : symptômes, risques, solutions

Les chenilles processionnaires sont les larves d’un papillon de nuit. Elles présentent un risque pour la santé humaine, mais aussi pour les animaux et la végétation. Elles tissent généralement leurs nids de soie en hauteur, au milieu de branches d’arbres, mais arpentent les parcs, jardins et les forêts en quête de nourriture, une bonne partie de l’année. À nos risques et périls. Comment les éviter ? Quelles réactions en cas de contact avec leurs poils urticants ? Réponses de la professeure Marie-Sylvie Doutre, dermatologue au CHU de Bordeaux et membre de la société française de dermatologie (SFD).

Chenilles processionnaires du pin et du chêne, quelles différences ?

Ces chenilles vivent en groupe et se déplacent le plus souvent en processions de plusieurs mètres (autrement dit, à la file indienne), d’où leur nom : chenilles processionnaires. Leur corps est recouvert de poils urticants et allergisants, jusqu’à ce qu’elles se transforment en inoffensifs papillons (nymphose).

En France, on recense deux types de chenilles processionnaires :

  • les chenilles processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa) ;
  • les chenilles processionnaires du chêne (Thaumetopoea processionea).

Lorsqu’elles viennent d’éclore, ces chenilles sont orange et non urticantes. Les jours passant, elles deviennent grisâtres et présentent une bande noire sur le dos, jonchée de deux sortes de poils : des poils blancs et soyeux, mais aussi de minuscules poils orange et urticants, qui se développent au troisième stade de leur transformation. En cas de stress, lorsqu’elles se sentent en danger par exemple, elles peuvent les projeter par milliers dans l’air.

Ces insectes peuvent ralentir la croissance des arbres qu’ils colonisent, mais leurs cycles biologiques diffèrent : si la chenille du chêne reste dans l’arbre en attendant de se transformer en papillon, la chenille du pin, elle, s’enfouit dans le sol pour se transformer en chrysalide avant de déployer ses ailes.

Les chenilles processionnaires, reconnues comme nuisibles pour la santé humaine

Les chenilles processionnaires du chêne et du pin sont reconnues comme des nuisibles depuis le 27 avril 2022. Un décret paru au Journal Officiel (source 1) a permis de les ajouter à la « liste des espèces dont la prolifération est nuisible à la santé humaine ». Depuis 2012, 1 300 cas d’exposition à ces chenilles ont été recensés par les centres antipoisons. Un chiffre probablement sous-estimé. Avoir classé ces insectes comme espèce nuisible permet aux préfets, dans chaque département concerné, de prévenir la population et de détailler les mesures à prendre pour se protéger.

Où trouver les chenilles processionnaires ? Quand sont-elles dangereuses ?

En raison du réchauffement climatique, les chenilles processionnaires progressent en France, et ce n’est pas une bonne nouvelle pour notre santé.

Les chenilles processionnaires du pin : les zones à risque

Les chenilles processionnaires du pin sont présentes sur les ¾ sud du territoire français. Mais leur front de migration a remonté vers le nord et vers l’ouest. Les zones les plus à risque en 2024, selon l’Anses  (source 2) :

  • Morbihan (région Bretagne),
  • Gironde (région Nouvelle-Aquitaine),
  • Landes (région Nouvelle-Aquitaine),
  • Maine-et-Loire (région Pays de la Loire),
  • Bouches-du-Rhône (région PACA),
  • et Var (région PACA).

Ces chenilles sont urticantes du mois d’octobre au mois de mars, avant de migrer sous terre pour amorcer leur nymphose.

Les chenilles processionnaires du chêne : les zones à risque

Les chenilles processionnaires du chêne, habituellement présentes dans le quart nord-est de la France, ont étendu leur aire de distribution vers l’ouest. Les zones les plus à risque en 2024, selon l’Anses (source 2) :

  • région Grand-Est,
  • Bretagne,
  • et Pays de la Loire.

Leurs larves éclosent généralement entre les mois de mars et avril, avant de sévir de mai à juillet, en tant que chenilles urticantes. Elles fabriquent ensuite leur nid au cœur de l’été, sur les branches les plus solides, pour garantir leur sécurité pendant leur transformation.

Les périodes de vigilance peuvent varier chaque année, en fonction de l’évolution des températures. Si l’hiver et l’automne ont été doux, les chenilles du pin auront par exemple tendance à s’enfouir plus tôt sous terre.
Pre Marie-Sylvie Doutre, dermatologue.

Nid de chenilles processionnaires : comment le reconnaître ?

Les nids de chenilles, aussi appelés abris de soie, sont facilement identifiables. Ils ressemblent à de grosses boules blanches calées entre les branches. Leur aspect cotonneux ne laisse pas de place au doute, et on voit souvent des fils de soie dépasser du nid.

Pourquoi ces chenilles sont-elles si urticantes ?

Les micropoils présents sur le dos des chenilles processionnaires contiennent une toxine urticante, la thaumétopoéïne, qui peut entraîner desréactions allergiques chez certaines personnes et certains animaux (chiens, chats, mais aussi équidés et ovins peuvent notamment souffrir de lésions au niveau de la langue, de la bouche ou des pattes).

Le problème, c’est que ces poils sont très volatils et peuvent être transportés sur de longues distances. Ils s’accrochent facilement à la peau, aux muqueuses, aux vêtements, etc. On peut donc développer une réaction sans avoir été en contact direct avec la chenille en question. Pre Marie-Sylvie Doutre

Un phénomène d’autant plus délétère que ces micropoils urticants se dispersent aisément lorsqu’on transpire, lorsque l’on se gratte, ou par l’intermédiaire des vêtements.

Une troisième espèce de chenille urticante est présente en France hexagonale et en Corse : la chenille du bombyx cul-brun.

Comment reconnaître les boutons des chenilles processionnaires ?

Les chenilles ne « piquent » pas, à proprement parler. Les symptômes ORL, dermatologiques, oculaires, voire respiratoires se manifestent simplement au contact de leurs poils urticants. Ces derniers peuvent être inhalés, ingérés, ou, le plus souvent, simplement entrer en contact avec la peau et les yeux.

Les victimes ressentent généralement une sensation de prurit et de brûlure : « on observe systématiquement l’apparition de plaques rouges sur la peau, accompagnés de démangeaisons importantes », indique la dermatologue. Elles peuvent apparaître immédiatement, ou dans les huit heures.

D’autres symptômes peuvent alerter

  • Le développement d’une conjonctivite (yeux rouges, douloureux et larmoyants) après 1 à 4 heures ;
  • Le développement d’une rhinite allergique (écoulement nasal, nez qui gratte, éternuements, etc.) ;
  • Et / ou une irritation des voies respiratoires (principalement en cas d’inhalation), qui se manifeste par des éternuements, des maux de gorge, des difficultés à déglutir et éventuellement des difficultés respiratoires.

En cas d’ingestion – « ce qui est exceptionnel », précise la spécialiste -, il se produit une inflammation des muqueuses de la bouche et des intestins, caractérisée par une hypersalivation, des vomissements et des douleurs abdominales.

Allergie aux chenilles processionnaires : gare au choc anaphylactique

Plus rarement, le contact avec une chenille processionnaire peut entraîner un choc anaphylactique, caractérisé par :

  • une urticaire ;
  • un œdème dans la bouche et la gorge ;
  • des difficultés à respirer ;
  • une hypotension ;
  • voire une perte de connaissance.

Piqûre de chenilles processionnaires : que faire ? Comment les calmer ?

Après avoir été piqué par cet insecte,  plusieurs gestes permettent de soulager les symptômes.

En cas de contact avec la peau

  • Rincer la zone concernée avec de l’eau et du savon ;
  • Dans le doute, rincez ou brossez aussi vos cheveux ;
  • Retirer les vêtements avec des gants, les laver à fortes températures et les sécher au sèche-linge pour éliminer les poils urticants ;
  • Utiliser du papier collant pour décrocher les poils urticants de la peau, un peu à la manière d’une épilation ;
  • Éviter soigneusement de se frotter les yeux durant tout le processus.

Quelle crème utiliser ?

« Une crème contenant de la cortisone, associée à un traitement antihistaminique, permettra de soulager démangeaisons et autres symptômes allergiques », indique la Pre Doutre.

En cas de contact avec les yeux

En cas de contact avec les yeux, mieux vaut se rendre chez un ophtalmologue qui pourra nettoyer correctement vos yeux et extraire les poils urticants qui, parfois, s’y sont logés. Ces derniers peuvent pénétrer dans la cornée et occasionner une gêne oculaire, un larmoiement, une conjonctivite, etc.

Quel médecin consulter ? Quand faut-il se rendre aux urgences ?

Les symptômes peuvent être impressionnants, mais restent bénins, la plupart du temps. Ils peuvent nécessiter une consultation chez un médecin généraliste, bien que certains antihistaminiques soient vendus sans ordonnance. Selon un rapport publié par l’Anses en juin 2020 (source 3), l’immense majorité des personnes (96,3 %) exposées aux poils des chenilles processionnaires ont développé des problématiques de « gravité faible ». Les spécialistes ont observé des maux de « gravité forte » dans seulement 0,2 % des cas.

« Si l’étendue des lésions dermatologiques est importante, si la victime est un nourrisson ou un jeune enfant, si les yeux ou les voies respiratoires sont atteints, mieux vaut consulter rapidement un médecin », alerte la dermatologue.

Rendez-vous dans un service d’urgences, ou contactez le 15 ou le 112 en cas de signes graves : vomissements, vertiges, perte de connaissance, difficultés respiratoires, œdème.

Prévention : comment éviter les piqûres de chenilles processionnaires ?

Si des chenilles processionnaires ont élu domicile dans votre jardin, ou si leur concentration est particulièrement importante dans les espaces verts environnants, gardez en tête qu’il ne faut pas s’en approcher et encore moins les toucher ! Plusieurs gestes de prévention ont fait leurs preuves.

  • Ne pas faire sécher son linge à l’extérieur, surtout s’il y a du vent ;
  • Laver soigneusement les fruits et légumes de son jardin et ne pas consommer ceux qui se trouveraient à proximité d’un nid ;
  • Arroser la pelouse avant de la tondre, pour que les éventuels poils soient plaqués au sol et ne s’envolent pas lors du passage de la tondeuse ;
  • Ne pas laisser jouer ses enfants à proximité d’un arbre infesté et à distance, les munir de vêtements protecteurs (voire chapeau et lunettes également) ;
  • Porter des vêtements couvrants lors de balades en forêt (manches longues, pantalons longs, chaussures fermées) ;
  • Éviter de se frotter les yeux pendant et au retour d’une balade ;
  • Se doucher et se changer au retour d’une expédition dans une zone potentiellement infestée.

Comment se débarrasser des chenilles processionnaires ?

En cas d’infestation avérée, il existe deux traitements principaux pour venir à bout de ces insectes :

  • un traitement biologique à base de Bacillus thuringiensis. Il s’agit d’une bactérie qui vit naturellement dans le sol et intoxique petit à petit les chenilles qui l’ingèrent. ;
  • un traitement chimique, le diflubenzuron. Cet insecticide perturbe le processus de mue et empêche la prolifération des chenilles. Il n’est toutefois pas recommandé pour les invasions de grande ampleur.

Comment se débarrasser d’un nid de chenilles processionnaires ?

Il n’existe aucune réglementation officielle, puisque la chenille processionnaire n’est pas considérée comme une espèce exotique envahissante. Le mieux est de contacter votre mairie pour connaître la marche à suivre, ou de faire directement appel à des professionnels, qui coupent les branches concernées, brûlent les nids et aspirent les résidus en toute sécurité.

Comment tuer les chenilles processionnaires au sol ?

Pour piéger les chenilles au sol, il est possible d’utiliser un Écopiège® : on place une sorte de collerette autour du tronc de l’arbre infesté, sous laquelle on fixe un tube d’exutoire, associé à un sac. L’objectif ? Au moment de la procession, les chenilles arrivent dans la collerette, suivent le tracé du tube et atterrissent dans le sac rempli de terre et d’aiguilles. Il suffit ensuite de détruire précautionneusement le sac, et de renouveler le processus chaque année.

Miser sur des prédateurs naturels

La chenille processionnaire a peu de prédateurs naturels. L’installation de nichoirs à oiseaux peut toutefois être recommandée : les mésanges et les coucous peuvent en consommer des centaines par jour.

Les larves de calosome (espèce de coléoptère) raffolent aussi de chenilles processionnaires et peuvent facilement grimper aux arbres pour s’en nourrir.

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