Quels sont les dangers de l’argent colloïdal ?

L’utilisation de l’argent à des fins médicales ne date pas d’hier. D’après un article paru en 2011 dans les Annales de toxicologie analytique : « En 980, Avicenne, philosophe et médecin persan, propose d’utiliser l’argent pour purifier le sang en cas de mauvaise haleine ou de palpitations. Il rapporte que l’ingestion d’argent s’accompagne d’une coloration bleuâtre des yeux, c’est probablement le premier cas d’argyrie décrit. Au Moyen Âge, le nitrate d’argent était utilisé pour le traitement de certains troubles neurologiques comme l’épilepsie ».

À la fin du XIXe siècle, avant l’avènement des antibiotiques, l’argent est employé pour ses propriétés anti-infectieuses. Il entre ainsi dans la composition de gouttes nasales pour soigner la sinusite et est utilisé dans le traitement de la syphilis.

L’argent colloïdal se présente sous la forme d’une solution aqueuse contenant des nanoparticules d’argent en suspension. L’argent colloïdal s’achète principalement en magasin bio et sur internet ; sa concentration varie de 5 milligrammes à 20 milligrammes par litre.

Actuellement très en vogue en médecine alternative pour ses vertus antimicrobiennes, l’argent colloïdal est un produit à utiliser avec précaution.

L’argent colloïdal est interdit par voie orale depuis 2009 en Europe et depuis 1999 aux États-Unis. La Federal Drug Administration (FDA) (équivalent américain de l’Agence du médicament) est d’ailleurs très claire concernant son utilisation : « l’argent colloïdal peut provoquer des effets indésirables graves » et n’a prouvé « ni son efficacité ni son innocuité » une fois ingéré. Le risque ? Développer une argyrie, une maladie liée à l’ingestion excessive de composés d’argent.

L’argyrie – ou maladie de la peau bleue – est une dermatose engendrée par une intoxication à l’argent. « L’argyrie se caractérise par une coloration bleutée des muqueuses et de la peau, confirme la Dre Bénédicte Lebrun-Vignes, pharmacologue et dermatologue à l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris. Après pénétration, les particules d’argent se déposent au niveau du derme, dans les glandes sudoripares de manière indélébile. » Selon la Société française de toxicologie, la maladie est le plus souvent liée à l’utilisation médicale d’argent ou de sels : sprays, gouttes nasales, collyres à base d’argent colloïdal ou de sels d’argent ; solutions antiseptiques à usage externe, pansements gastriques ou cutanés, suppléments diététiques…

« Au moins deux cas d’intoxication avec des particules d’argent ont eu lieu ces derniers jours dans le canton du Jura. Un patient est toujours hospitalisé. Sa peau est devenue bleue et elle le restera à vie », relate la Radio Télévision Suisse fin 2021. Cherchant à renforcer son immunité en prévention de la Covid-19, le patient consommait des particules d’argent diluées dans du lait. « Un remède naturel interdit en Suisse par voie orale mais vendu librement sur internet pour un usage externe, pour lutter contre les infections microbiennes », précise la presse locale. Admis aux urgences pour une coloration de la peau bleu foncé, de fortes douleurs abdominales et des palpitations cardiaques, le diagnostic est rapide : le malade souffre d’argyrisme. « La première chose qui est visible, c’est la pigmentation de la peau, explique alors le Dr Olivier Lebeau, médecin-chef de médecine interne à l’Hôpital du Jura, dans la matinale de la RTS. Mais, l’argent peut aussi s’accumuler dans le foie et causer des hépatites, ou provoquer des dégâts dans les reins ou dans le cerveau. Pour ce qui est de l’aspect esthétique, il est irréversible : la peau va rester bleue. »

Selon les sites de santé alternative, l’argent colloïdal serait capable de venir à bout de nombreux microbes, d’affaiblir les virus pathogènes, de soigner la peau, de booster l’immunité et d’accélérer la cicatrisation des brûlures. Une vraie panacée ? « Aucun de ces bienfaits n’a encore été prouvé, indique la Dre Bénédicte Lebrun-Vignes. Les rares études montrant une potentielle activité antimicrobienne ont été réalisées in vitro, pas chez des êtres humains. »

Le principal usage médical de l’argent est réservé actuellement aux antiseptiques en application externe : par exemple, la sulfadiazine argentique est prescrite dans le traitement des plaies superficielles telles que les brûlures (Flammazine®). « L’argent colloïdal est utilisé pour ses vertus antimicrobiennes et antifongiques sur la peau, en spray nasal, en bains de bouche ou encore en gouttes auriculaires mais là encore sans fondement scientifique solide, c’est-à-dire reposant sur des essais cliniques bien menés chez l’être humain », insiste la pharmacologue et dermatologue.

Dans l’ouvrage Je soigne ma peau au naturel, la naturopathe Annie Casamayou, conseille d’utiliser de l’argent colloïdal en cas d’acné sur une compresse en remplacement d’une eau florale ou d’un tonique après le démaquillage. Julien Kaibeck, co-auteur de l’ouvrage et fondateur du mouvement Slow Cosmétique, lui, y a recours pour soigner les petits bobos cutanés : plaques d’eczéma, boutons, etc.

Il serait possible de l’utiliser en cas :

En revanche, l’argent colloïdal est fortement déconseillé en usage interne. Outre le risque d’argyrisme, l’argent colloïdal pourrait également entraîner des interactions médicamenteuses avec certains antibiotiques et des traitements destinés à soigner les troubles de la thyroïde. « Actuellement, seul l’argent contenu dans la spécialité Oligostim cuivre argent or  est approuvé comme médicament et utilisé comme modificateur du terrain en particulier au cours de la phase de convalescence de maladies infectieuses et d’états asthéniques, vraisemblablement sans étayage scientifique solide, conclut la Dre Bénédicte Lebrun-Vignes. En dehors de cette spécialité dans laquelle l’argent est très peu concentré, l’utilisation d’une solution d’argent colloïdal par voie orale est interdite en Europe. Le risque principal est l’argyrie, intoxication chronique à l’argent qui donne une coloration bleutée définitive à la peau. »