Santé

Témoignages : à 50 ans, elles n’ont jamais été aussi épanouies sexuellement

Dans la série « Emily in Paris, Syvlie Grateau, interprétée Philippine Leroy-Beaulieu se veut libre de collectionner les amants de son âge, ou plus jeunes qu’elle. Bien sûr, on est loin de la transgression d’une Samantha Jones dans « Sex and the City », mais les personnages de quinquagénaires désirables et surtout désirantes sont suffisamment rares à l’écran pour que par l’actrice française de 60 ans ait volé la vedette à la naïve Emily toute juste tombée du nid. Signe des temps, dernièrement, d’autres ont également eu droit à leur scène de sexe torride, orgasme décoiffant à la clé : Julie Delpy, 52 ans, dans « On the Verge », Gillian Anderson, 53 ans, dans « Sex Education » ou Cynthia Nixon, 55 ans, dans « And Just Like That ». Une petite révolution dans nos sociétés où les femmes, passé 50 ans, semblent définitivement exclues de la sexualité.

Nous sommes à la fois victimes de sexisme et d’âgisme

« La valeur des femmes serait liée à leur fertilité, constate Marie Charrel, auteure de “Qui a peur des vieilles ?“ (éd. Les Pérégrines). Avec l’arrivée de la ménopause, c’est comme si elles sortaient du champ du désir. Pire encore, à travers l’image de la sorcière, on voit bien comment, au fil des époques, la sexualité des femmes plus matures est taboue : elle ne peut être que l’objet du diable, effrayante et malfaisante ! » Aujourd’hui, la figure de la « cougar » a remplacé la carabosse, mais la quinquagénaire assumant sa sexualité est toujours associée à une forme de déviance (bien sûr, elle ne traque que d’innocents trentenaires à la chair fraîche) ou d’animalité un peu dégoûtante. « Une stigmatisation à laquelle échappent miraculeusement les hommes de 50 ans et plus, ironise Marie Charrel. On voit bien que nous sommes à la fois victimes de sexisme et d’âgisme. » Un peu comme un yaourt, nous aurions donc une date de péremption. « Depuis que j’ai 45 ans, le vieillissement m’angoisse, abonde Nathalie, 50 ans. Je me disais que plus personne ne me désirerait, que je serais tout simplement “imbaisable”. Aujourd’hui, je vois bien que je n’ai pas soudainement basculé dans un trou noir ; je suis toujours là, je fais du sport, j’ai un amant, une vie amoureuse excitante. » Jennifer Lopez, la sainte patronne des quinquas, n’est-elle pas la preuve vivante qu’un renouveau amoureux trépidant est possible. Et si 50 ans était le temps d’un nouvel hédonisme ?     

Depuis les années 1970, l’activité sexuelle des femmes après 50 ans s’est intensifiée                                              

« Je me sens à l’opposé de ma mère ou de ma grand-mère au même âge, observe Candice, 51 ans. Leur vie était rangée, elles me paraissaient déjà vieilles. » Depuis, la donne a changé. La France est l’un des rares pays à avoir mené sur quarante ans plusieurs enquêtes nationales sur la sexualité, des données comparées par les sociologues Nathalie Bajos et Michel Bozon*. Leur constat : depuis les années 1970, l’activité sexuelle des femmes après 50 ans s’est intensifiée, diversifiée et tend à se rapprocher de celle des hommes. Plus de partenaires, un appétit grandissant pour la masturbation, le sexe oral, et dans l’ensemble une satisfaction sexuelle bien plus élevée… Autant de facteurs qui s’expliquent par une plus grande autonomisation, une libération des normes sociales ainsi que des séparations et divorces plus fréquents. D’ailleurs, la plupart des femmes interrogées ici ont un point commun : elles se sont séparées de leur compagnon, souvent le père de leurs enfants, avec lequel le sexe était relégué aux oubliettes du quotidien, entre la liste des courses et les devoirs des gosses.

« Rétrospectivement, je réalise que ma sexualité d’avant était très pauvre »

« Les cinq dernières années, mon mari ne m’a pas touchée une seule fois, se rappelle Leïla, divorcée depuis deux ans. J’ai tout essayé : le dialogue, la colère, la thérapie de couple, rien n’y a fait. Je ne suis pas sortie indemne de ces années de disette sexuelle : je me sentais moche, nulle et je pensais ne plus jamais faire l’amour. Mais je me suis mise sur des applis, et j’ai rencontré des hommes. Aujourd’hui, j’ai un amant et des papillons dans le ventre. » D’autres, comme Candice, 51 ans, disent vivre leur meilleure vie sexuelle. « Rétrospectivement, je réalise que ma sexualité d’avant était très pauvre : après ma séparation, j’ai rencontré un homme qui m’a fait vibrer comme jamais auparavant. Avec lui, j’ai eu des orgasmes fous. Je n’ai jamais pris autant mon pied ! » Pour Astrid, 50 ans, « toucher un corps nouveau m’a bouleversée. Je m’étais résignée, je me disais que certaines aiment le cul, d’autres non, et que je faisais partie de cette seconde catégorie. Mais, en réalité, je n’avais pas exploré le dixième de mon potentiel sexuel. Moi qui voyais la cinquantaine comme un grand toboggan en pente douce jusqu’à la fin, c’est plutôt une grande secousse ! ». Pour expliquer un tel épanouissement, toutes mettent en avant une liberté retrouvée. « Entre mes 30 et 40 ans, avec mes enfants et mon boulot, j’étais le plus souvent crevée ou stressée, se rappelle Candice. J’avais une vie de famille heureuse, mais sexuellement vraiment chiante. »

« J’ai tout essayé, j’ai même couché pour la première fois de ma vie avec une femme »

Même constat pour Astrid, séparée du père de son fils désormais adulte : « Je n’ai plus de contraintes : je peux zapper le ménage, sortir quand je veux. Cette nouvelle liberté rebat totalement les cartes : j’ai face à moi une page blanche. Qu’est-ce que j’ai à perdre ? Rien ! J’ai déjà construit ma vie. » Pour la plupart, ce renouveau est une grande surprise, un bonus inattendu, une « seconde adolescence », comme pour Judith, 55 ans, qui parle « d’un pétage de plombs : j’ai tout essayé, j’ai même couché pour la première fois de ma vie avec une femme ». Qu’ils semblent loin, les clichés sur les femmes ménopausées terrassées par une baisse de libido, une prise de poids ou une sécheresse vaginale ! « Bien sûr, cela entraîne des désagréments, une perte de connexion avec son corps, rappelle Caroline Ida, 62 ans, mannequin et influenceuse “silver“. Mais la machine fonctionne encore. Aujourd’hui, je me connais parfaitement, je m’autorise tout ce dont j’ai envie, j’ose dire les choses à mes partenaires. » Une maturité sexuelle qui attire même les plus jeunes « qui aiment être guidés », poursuit celle dont le dernier amoureux était de vingt ans son cadet.

« En réalité, je n’avais pas exploré le dixième de mon potentiel sexuel »                                        

Mais derrière cette allégresse se cache une réalité parfois plus âpre : « Toutes les femmes ne sont pas armées de la même manière, nuance Caroline Ida. Le départ des enfants peut aussi déstabiliser, parfois c’est le mari qui part, certaines perdent leur travail, comme cela m’est arrivé, ou connaissent des soucis financiers. Dans ces cas-là, difficile de sentir flamboyante dans sa vie intime. » Se remettre sur le marché de la rencontre à 50 ans n’est pas non plus une sinécure. « Sur les sites, les hommes de mon âge sont souvent déprimés, trop sérieux. Le mec qui me demande au premier message de lui raconter ma journée de travail ou qui me parle de ses mômes, c’est pas possible ! », peste Madeleine, 53 ans. « Les beaux gosses bien conservés veulent des plus jeunes et ne nous calculent pas », ironise Judith. Peur de la solitude, rencontres aléatoires, histoires éphémères… « Il y a des moments pas rassurants où on a peur de finir sa vie seule », reconnaît Candice. « Il faut être honnête, on me regarde beaucoup moins dans la rue, admet Dorothée, 52 ans. La réalité, c’est que, oui, tu peux disparaître si tu cèdes au discours ambiant et à la façon dont la société te ramène sans cesse à ton âge. C’est une bataille, il faut être capable de se créer sa propre réalité enthousiasmante. Par exemple, j’ai arrêté de fréquenter certaines copines plombées par le vieillissement et obsédées par la chirurgie esthétique, et je vois des gens plus jeunes et plus fun. Je ne regarde pas de vieilles photos de moi. Je refuse de céder à la nostalgie ; j’évite la complainte et les mecs machos ! »         

Elles innovent en décohabitant avec leur compagnon

 D’ailleurs, les femmes de 50 ans pourraient devenir de nouveaux « role models » tant elles réinventent les codes amoureux. « J’ai découvert d’autres façons d’être ensemble, constate Astrid. Oui, le couple continue à me faire envie, mais plus à n’importe quel prix. » Libérées de l’injonction de la conjugalité, elles innovent en décohabitant avec leur compagnon, comme Judith, savourant cette solitude qui les effrayait tant, refusant la charge mentale du couple. « Je ne veux plus jamais laver un slip sale, s’amuse Candice ! Rien ne m’oblige à repartager mon quotidien. » D’autres, libérées de la pression d’avoir des enfants, ont le sentiment d’enfin « jouer d’égal à égal avec les hommes ». « Ce travail que l’on fait, ces explorations que l’on mène, cette affirmation de notre désir et de notre liberté, cela peut aussi profiter aux femmes trentenaires qui se posent des questions, abonde Caroline Ida. À 30, 40 ou 50 ans, c’est au final le même combat. »            

* Enquête parue en 2012 dans « Gérontologie et Société ».

Cet article a été intialement publié le 27 janvier 2022

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