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Allô Giulia ? « J’ai l’impression que le monde devient fou »

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« Chère Giulia,

Je vous écris parce que je suis furieuse. J’ai l’impression que tout le monde devient fou, ou parano, avec ces histoires de violences sexuelles et compagnie. Je suis féministe – j’ai élevée toute seule mes gamins, je sais de quoi sont capables les hommes. Et MeToo, au départ, j’étais pour : quand on enfreint la loi, on paye, point. Mais là, ça devient n’importe quoi, c’est tout le temps, pour rien du tout, à tout bout de champ, et des accusations sans fondement, qui peuvent ruiner la vie d’un homme – voire de toute sa famille ! J’étais chez mon amie d’enfance, ce week-end, et elle était effondrée. Son fils cadet est animateur en colonie de vacances, il a le Bafa, il est sérieux, et là, il y a une espèce de folle qui l’accuse d’avoir tripoté sa gamine ! Elle est tellement dingue qu’elle est allée jusqu’à porter plainte au commissariat, vous imaginez ? C’est terrible, pour lui, il ne sait plus où se mettre, il est rentré chez sa mère déséspéré, il sort à peine de sa chambre… Faire ça à un gamin… C’est un bon gamin. Je le connais depuis qu’il est tout petit. Je sais qu’il n’a pas pu faire une chose pareille. Voilà. Ça fait du bien de l’écrire à quelqu’un de neutre. » – Sofia, 48 ans

« Chère Sofia,

Vous savez que je suis tout sauf neutre. Vous lisez ce courrier, vous connaissez mes positions sur les violences faites aux femmes ou aux enfants… Chercheriez-vous, au contraire, quelqu’un qui vous autorise à penser que, peut-être, cet enfant qui n’en est plus un, a franchi la ligne rouge ? C’est drôle, d’ailleurs, d’écrire « faire ça à un gamin » : auquel pensez-vous ? Je ne dis pas qu’il l’a fait. Vous n’y étiez pas, je n’y étais pas. Mais, malgré toute l’affection que vous lui portez, ça n’est pas invraisemblable, et, dans le fond, vous le savez. Les violences sur mineurs ne sont pas rares : elles touchent 160 000 enfants chaque année. Les monstres le sont beaucoup plus – peut-être même qu’ils n’existent pas mathématiquement, ceux qui agressent vivent normalement, parmi nous. Neuf fois sur dix, leurs victimes les connaissent. Ce sont leurs pères, leurs frères, leurs patrons… leur animateur de colonie de vacances, aussi gentil et sérieux soit-il, pour le monde extérieur. Alors oui, il est possible que ce jeune homme, vous ne le connaissiez pas tant que ça. Pas dans sa face la plus sombre, et l’idée même est extrêmement désagréable. On se sent à la fois trahie, et complice. Auriez-vous pu savoir ? Auriez-vous dû voir ?

Vous êtes comme des centaines de milliers de personnes qui, depuis sept ans, avec MeToo, se prennent une sale réalité en pleine gueule : le système dans lequel nous vivons, que l’on croyait juste, humain, et égalitaire, autorise à broyer les plus faibles. Et les institutions les protègent à peine. D’où le fait, d’ailleurs, que si peu de victimes portent plainte. La mère de cet enfant l’a fait. Les statistiques ont la tête dure : il y a de grandes chances que la procédure, policière et judiciaire ne mène à rien. Elle doit le savoir, et pourtant, elle le fait. C’est qu’elle croit son enfant dur comme fer. Et c’est peut-être qu’elle a raison. La justice tranchera, pénalement. Vous n’avez ni le pouvoir ni le devoir de l’envoyer en prison. Le problème n’est pas là, replacez-le au bon endroit : vous, c’est affectivement que vous devez trancher. De vous à vous. Imaginons le pire. Imaginons qu’il soit coupable. Pourrez-vous continuer à le voir ? La réponse à cette question, il n’y a que vous qui l’avez. Vous n’êtes obligée à rien, interdite de rien. Prenez le temps d’y réfléchir, le plus sereinement possible : vous trouverez. »

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