Santé

Allô Giulia ? « J’ai peur de la ménopause »

« Chère Giulia,

Je vous écris parce que je suis à deux doigts de perdre pied. La cinquantaine approche, la ménopause aussi, et je suis complètement flippée. Je ne pense qu’à ça – vraiment, ça vire à l’obsession. Pour vous dire, il y a deux semaines, j’avais un retard de règles de quelques jours, ce qui ne m’arrive jamais… Et j’en étais à espérer être enceinte, alors que mes deux enfants sont grands, que j’ai été vraiment comblée de ce côté-là, que je ne me sens pas du tout d’attaque pour avoir un bébé, enfin, bref, que je ne veux plus d’enfant ! Mais tout était mieux que la ménopause. Je suis allée dans trois pharmacies différentes, acheter trois tests de marque différente, qui, tous, étaient négatifs… Et je devenais folle. Heureusement pour moi, mes règles sont arrivées. Toujours aussi douloureuses d’ailleurs : depuis l’adolescence, je souffre d’un syndrome pré-menstruel très important – ventre et cuisses enflées comme des baudruches, douleurs dans le dos, cafard monstrueux… La totale. Donc j’ai toujours détesté avoir mes règles, c’est ça, le pire ! Bref, tout ça n’a rien de rationnel, je le sais. Mais ce n’est pas pour ça que je ne suis pas plombée. Honnêtement, je ne pensais pas tomber dans un piège à gonzesses aussi grossier, mais je suis en plein dedans. Plus les mois passent, plus il se referme sur moi : je suis bientôt bonne pour la casse, c’est ça ? » – Audrey, 46 ans.

« Chère Audrey,

Non, ce n’est pas ça. Mais tellement pas… Si vous saviez le nombre de mes copines qui s’éclatent comme jamais depuis qu’elles sont ménopausées ! Que ce soit avec leur mec, leurs amants, ou toutes seules, d’ailleurs… Il y a, chez elle, quelque chose de l’ordre de la libération. Comme si, tout à coup, le poids de la maternité les avait quittées. Non, pire : le poids de la « possible » maternité. À bien y réfléchir, il a dû vous tomber dessus, à vous aussi, comme à nous toutes, le jour où vous avez eu vos premières règles : confusément, vous avez dû sentir que vous basculiez « de l’autre côté ».

Du monde des petites filles, à celui des femmes – ce qui, à douze, treize, ou quatorze ans, est quand même un peu incongru… Mais peu importe l’âge au fond : une fois réglée, vous devenez fécondable, c’est aussi simple que ça. Et à d’autres époques, ou à d’autres endroits de la planète, on se fiche complètement de savoir que vous jouez encore à la poupée. La puberté rend les filles pénétrables, qu’elles le veuillent ou non. D’où le poids du secret, voire celui de la honte, qui a toujours accompagné nos cycles : on se cache, on en parle à voix basse, et surtout, on ne s’en plaint jamais. D’une manière ou d’une autre, qu’on le veuille ou non, nous sommes les héritières de cette histoire-là. Elle est millénaire, et on ne s’en débarrassera pas en quelques décennies de féminisme.

La vérité, c’est que depuis la nuit des temps, les femmes n’existent que parce qu’elles sont mères, ou qu’elles le deviendront. Il n’y a qu’à voir les cris d’orfraie que suscitent celles qui ne veulent pas d’enfant pour s’en rendre compte : tout à coup, elles sortent du rôle qui leur a été assigné, et ça, pour beaucoup d’entre nous, c’est intolérable. Cette injonction, vous l’avez forcément ressentie, même de façon subliminale. Alors quand, tout à coup, ce qui vous donnait droit de cité menace de disparaître, vous êtes, vous, prise par l’angoisse de disparaître vous-même : qui serez-vous le jour où vous n’aurez plus cette capacité procréatrice ? Et quelle sera votre place dans la communauté humaine ? Des questions d’autant plus compliquées à résoudre que nous continuons de nager dans un âgisme aussi féroce que palpable, à tous les étages : à plus de cinquante ans, les femmes ne seraient ni employables, ni désirables. Et quelques stars hollywoodiennes mises à part, qui revendiquent la force, et la liberté que leur confèrent leurs premières rides, on est toutes très, très tentées par tout ce qui pourrait effacer les outrages du temps – voire de le remonter d’une bonne dizaine d’années. Le contexte dans lequel vous voyez le temps passer est celui-là. Pas étonnant que vous dévissiez… Mais si je vous le pose là, c’est pour vous permettre de mieux vous en extraire – partant du principe qu’un problème bien posé a plus de chance d’être résolu… Et que si nous ne sommes pas imperméables à notre environnement, nous ne sommes pas non plus obligées d’y rester engluées. Audrey, croyez-moi, vous avez de très belles années devant vous, et pour le coup, trente jours par mois »

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