Santé

La question psy : « Je m’auto-sabote, comment sortir de ce cercle vicieux ? »

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« J’exerce le métier de décoratrice d’intérieur depuis quatre ans, mais je n’ai pas fait d’études pour ça, j’ai tout appris sur le tas. Quand j’ai de très gros projets à rendre, qui nécessitent des connaissances techniques, je m’y mets au dernier moment. Si tout n’est pas parfait et qu’on me demande du travail supplémentaire, dans ma tête je le justifierai en me disant que, de toute façon, je n’y avais pas consacré assez de temps. Que ce n’est pas moi qui suis nulle.  

Dans un contexte d’appel d’offres, c’est le même mécanisme qui s’enclenche, à quelques nuances près. Si je sais que l’on est cinq dans la course pour obtenir un projet, je préfère rendre un travail hyper original. Comme ça, ça passe ou ça casse ! Si je ne suis pas sélectionnée, je me dirai que, de toute façon, ce que j’ai produit ne me correspondait pas à 100 %. Ça me rassure. À l’inverse, si je proposais quelque chose qui fait partie de mon univers, j’aurais trop peur d’être confrontée au fait qu’ils n’aient pas choisi ce que je suis. 

Je pense que cet auto-sabotage provient d’un manque de confiance en moi. Je crains de ne pas y arriver, et comme j’ai peur d’être confrontée à cet échec, je préfère me saboter pour justifier ma défaite par un manque d’investissement ou un concours de circonstances, plutôt que de me surinvestir et d’échouer malgré tout. 

Ce comportement me fait souffrir. Je me sens nulle parce que, non seulement je galère, non seulement j’ai un  syndrome de l’imposteur, mais en plus, je sabote mon travail. Je me dis que je n’y arriverai jamais ! Comment arrêter de réfléchir de cette manière-là ? Comment prendre confiance en moi pour sortir de ce cercle vicieux ? » 

Manon, 28 ans.  

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LA RÉPONSE D’UNE PSYCHOLOGUE 

« Chère Manon,  

L’auto-sabotage est une réponse automatique à une situation anxiogène dont nous tentons de nous protéger. Cette réaction est chargée d’une bonne intention à notre égard, mais elle est colorée par une estime de soi abîmée, qui risque de nous nuire à long terme, en portant préjudice à notre image. 

Ce qui peut se cacher derrière ce comportement, c’est aussi la question de la juste place et de la sortie de sa zone de confort. Souvent, le mental nous pousse vers des objectifs qu’il estime justes et bons pour nous, sans prendre en compte nos besoins profonds, émotionnels et de sécurité.

Identifier la source de l’insécurité 

Dans un premier temps, je vous inviterais à essayer de comprendre ce qui vous insécurise. Dans ce que vous expliquez, il est très clair que les projets conséquents que l’on vous propose ou auxquels vous postulez vous confrontent à l’angoisse de ne pas être suffisamment compétente ou légitime, compte tenu du fait que vous vous êtes formée sur le terrain. 

Il n’y a rien de problématique à ce que cette petite voix surgisse dans votre tête pour vous alerter sur un besoin d’acquérir des connaissances supplémentaires. Le problème, c’est que cette voix est teintée de dévalorisation : « Je suis nulle », « Le problème, c’est moi », « Ce que je fais est mauvais. » Il est donc tout à fait normal dans ce contexte, de la fuir pour préserver votre estime de vous professionnelle. Mais c’est là que le cercle vicieux se met en place. 

Ainsi, je vous conseillerais d’approcher cette voix, qui peut aussi être de bons conseils, et vous apporter des informations utiles. Ce travail peut se faire idéalement dans un espace thérapeutique pour être accompagnée, pour vous regarder avec un miroir positif. Pour cause, renoncer à l’écouter contribue à refuser d’entendre la part de réalité qui devrait vous amener à envisager de continuer à progresser sur le plan professionnel, pour compléter les points qui vous manquent afin de vous sentir à l’aise. 

Trouver une autre issue au dilemme qui se répète

La vie vous ramène régulièrement vers ces gros projets, qui réveillent ce même conflit intérieur : « si je m’expose en m’investissant à fond, je risque d’être confrontée à certaines lacunes techniques qui vont apparaître au grand jour. » C’est comme si vous étiez bloquée dans un choix binaire : vous investir à fond avec ce risque, ou effectuer une pirouette en vous y mettant à la dernière minute ou en proposant un projet décalé.

Or, il existe une issue à ce dilemme impossible à résoudre :  ne pas vous engager dans ces gros projets actuellement. Soit en n’investissant que des projets qui vous permettent de rester dans votre zone de maîtrise, soit en vous engageant dans une formation complémentaire qui vous permettra d’acquérir les connaissances techniques qui vous manquent. C’est évidemment frustrant, comme toute limite, mais cela peut être une source de soulagement et de sécurité profonds. D’autant plus que la confiance en soi ne peut se développer et se consolider qu’en progressant marche après marche, en augmentant les difficultés progressivement. 

Le rôle de l’éducation dans le développement de la confiance en soi 

J’imagine que vous luttez contre cela en ce moment dans votre vie professionnelle, et que vous ne trouvez pas d’issue pour le moment, parce que vous avez dû être habituée à apprendre de cette façon, sans garde-fou protecteur, en ayant à apprendre chaque fois un rythme soutenu qui excédait vos capacités réelles normales liées à votre âge. Comme si vous aviez appris à nager en sautant directement dans le grand bain à la piscine et en buvant la tasse, ou à faire du vélo en vous retrouvant directement sur une grande bicyclette sans avoir pu bénéficier de l’étape des petites roulettes. On retrouve fréquemment cette situation chez les enfants qui ont un frère ou une sœur aînée qu’ils veulent imiter ou qu’ils doivent « suivre » alors qu’ils ont 2, 3, voire 5 ans de moins.  

Porter un regard bienveillant sur soi-même 

Je ne sais pas si cela est votre cas, Manon. Quoi qu’il en soit, on peut sentir dans vos paroles que vous avez une force de vie en vous, de la résistance et du caractère. Vous avez réussi à surnager, à vous adapter et à progresser, au prix d’une insécurité profonde et de la peur constante de ne pas y arriver. Et cela a dû être très coûteux en énergie.  

Je vous conseillerais de vous accorder plus de douceur, de bienveillance et de vous offrir la possibilité de progresser étape par étape, sans vous juger ni vous comparer. D’accepter votre rythme et toutes les étapes nécessaires à votre construction professionnelle. Et de regarder avec fierté tout le chemin déjà parcouru par vous-même, grâce à vos ressources personnelles et sans doute aux personnes rencontrées sur votre chemin. Si ce métier est une passion pour vous, faites-vous ce cadeau d’approfondir les connaissances techniques qui vous manquent à votre rythme et selon vos envies. » 

Anne-Claire Froger, psychologue clinicienne, spécialisée dans le manque d’estime de soi, la dépression et l’auto-sabotage, et autrice du livre « Le complexe de la tortue ». 

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