Santé

Allô Giulia ? « J’ai surpris mon conjoint devant un film porno »

« Chère Giulia,

je vous écris pour ne pas exploser. Je suis triste. Je suis déçue. Je suis furax. Je suis surtout sidérée, incapable de parler à Adrian depuis plusieurs jours tellement je suis choquée. En fait, je ne sais pas ce que je ressens, je n’arrive pas à mettre de mots dessus : je me sens trahie, même si je sais que c’est idiot parce que, dans les faits, il ne m’a pas trompée. C’était il y a quelques jours, je me suis réveillée, et j’ai senti qu’il n’était plus dans le lit. Il devait être trois heures du matin, j’ai vu de la lumière dans le salon. Il était sur le canapé, il se matait un film, avec son casque, comme il a l’habitude de le faire – enfin, d’habitude, ce n’est pas en pleine nuit, et surtout, ce n’est pas ce genre d’images… C’était dégueulasse.

Adrien matait un porno, une espèce de partouze à je ne sais plus combien, et des sexes en gros plans, suintants, partout. Je ne sais pas combien de temps je suis restée plantée là, derrière lui. Il ne m’a pas vue, pas sentie. Je suis allée me recoucher sans un mot, et depuis, je ne lui dis plus rien. Ce genre de porno me dégoûte : comment Adrien peut-il aimer ça ? Je croyais qu’on était raccords là-dessus, on en a déjà parlé, en plus… Moi, je n’ai rien contre des trucs un peu sexy, mais ça se regarde à deux, je trouve. Et je ne peux pas m’empêcher de me demander depuis combien de temps il fait ça ? C’est vrai qu’on est passés par des moments pas simples, avec une charge de travail pour tous les deux assez costauds, un déménagement, des travaux qui nous ont rendus fous…

Résultat, oui, on a un peu moins fait l’amour ces derniers temps : mais c’est si grave que ça ? Et aussi simple que ça ? Moi, j’ai des besoins madame ! Si on ne baise pas X fois par semaine, je vais péter un câble ? Je ne peux pas croire qu’il soit aussi basique que ça… Ce n’est tellement pas son genre ! J’ai vraiment l’impression de découvrir quelqu’un que je ne connaissais pas. Alors : est-ce qu’il y a d’autres trucs qu’il fait dans mon dos ? Des trucs qu’il aime, tout seul, dont il ne me parle pas ? Mais le pire, c’est de me dire qu’il n’est pas satisfait par notre vie sexuelle puisque, quelque part, il va chercher ailleurs. De là à aller voir ailleurs, on n’est pas loin, non ? » – Lucile, 35 ans

« Chère Lucile,

Si. On est loin. Parce que du fantasme au passage à l’acte, il y a beaucoup, beaucoup de chemin. Un chemin qu’on n’emprunte pas parce qu’on aurait des « besoins ». Boire est un besoin. Manger est un besoin. Faire l’amour est une envie, point. Folle, furieuse, ou joyeuse, mais une envie. On ne meurt pas d’absence de sexe. Et ça n’est pas parce que mon envie n’est pas satisfaite à cet endroit, qu’elle pourra l’être à un autre. On peut remplacer un sex toy défectueux par un jouet tout neuf, mais avec un être humain, c’est nettement plus compliqué. Vous êtes en lien avec Adrien, vous avez des souvenirs, des projets, et un quotidien commun.

Une image porno, aussi puissante soit-elle, ne pourra jamais s’y substituer. Faire l’amour, ou regarder du X vous placent sur deux planètes totalement différentes : l’une est celle de la relation sexuelle, qui se vit, se nourrit, s’enrichit à deux. L’autre est celle de la masturbation, qui peut être, elle, une activité parfaitement solitaire : de soi à soi, elle ne regarde que nous. Mais c’est, au fond, ce qui vous trouble le plus, je crois. Qu’Adrien ait une vie, même fantasmatique, en dehors de vous. Où vous n’êtes pas. Qui se fait sans vous, alors que vous dormez. On a tous été biberonnés à un idéal de fusion, où on partagerait tout, on aimerait les mêmes choses et on « regarderait ensemble dans la même direction ».

Si ça l’est trop, parlez-en avec lui, tranquillement

L’autre serait là pour combler absolument tous nos désirs, nos besoins, et nos failles, dans une symbiose parfaite que rien, même pas le temps, ne viendrait altérer. Bullshit. Et bienvenue dans la vraie vie. La vérité, c’est que dans le couple 1+1 font trois. Il y a votre espace, rempli de vos rêves, de vos peurs, de vos manies, de vos bagages, il y a celui d’Adrien, sans doute aussi plein et divers que le vôtre, et il y a celui du couple, que vous dessinez, peu à peu, à deux. Dans celui-ci, vous ne pourrez y être parfaitement bien, heureux et libres, que si vous avez la liberté de vous retrancher chacun, quand vous le souhaitez, dans le vôtre.

En ce moment, Adrien occupe le sien par des images que, vous, vous ne regarderiez pas. Alors il vous échappe, alors vous le comprenez moins, alors il s’éloigne un peu de vous, et ça, oui, ça peut paraître douloureux. Si ça l’est trop, parlez-en avec lui, tranquillement. Partagez, avec lui, votre ressenti. Dites-lui que, peut-être, vous, justement, après tout ce que vous avez traversé, vous voudriez être dans ses bras, toujours dans ses bras, rien que dans ses bras. Il ne peut que le comprendre… Si c’est vrai. Mais, de vous à moi, très honnêtement Lucile : n’y a-t-il vraiment aucun moment de votre journée, ou de vos nuits, où vous vivez pour vous, sans lui, des choses qui suscitent, en vous, des émotions que vous ne partageriez pour rien au monde ? Si ça n’est pas le cas, de grâce – et de toute urgence : faites-le ! Vous verrez, vous y prendrez un sacré pied »

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