Santé

Marianne, 58 ans : « Du jour au lendemain, j’ai eu l’impression de ne plus servir à rien »

« Le père de Pierre-Antoine s’étant volatilisé peu avant sa naissance, j’ai élevé mon fils seule, précise d’emblée Marianne. J’ai connu d’autres hommes, mais je n’ai pas refait ma vie, à proprement parler. Et, surtout, je n’ai pas eu d’autre enfant. Autant dire que mon garçon a donc toujours été ma raison de vivre, mon rayon de soleil dans un ciel qui n’a pas toujours été bleu, car j’ai dû me battre, il y a une quinzaine d’années, contre un cancer du sein particulièrement agressif, dont je me suis, heureusement, sortie. »

Comme toutes les mamans du monde, cette créatrice de bijoux ethniques, installée dans l’Ouest parisien, savait pertinemment que sa progéniture allait un jour partir vers d’autres horizons, suivre des études, gagner sa vie et vivre ses amours. Bref, prendre son indépendance et accomplir toutes ces choses qui allaient probablement le conduire vers un avenir florissant. « Je trouvais cela parfaitement normal, glisse-t-elle. On sait très bien qu’on ne fait pas des enfants pour les garder avec soi ».

Je me disais qu’il serait bientôt mûr pour prendre son envol

Pour préparer ce moment imparable, mais déroutant, où elle n’allait plus voir vivre son fils au quotidien, Marianne avait commencé, depuis quelques années, à le pousser à se débrouiller seul. « Après avoir décroché le bac, Pierre-Antoine a suivi une première année de droit à la Sorbonne, avant de se réorienter, confie la quinquagénaire. À l’époque, il habitait encore avec moi, mais je le laissais déjà volontairement gérer ses rendez-vous médicaux et remplir ses papiers administratifs. Quand il rentrait tard le soir, je lui préparais toujours son repas (question d’habitude), mais plus systématiquement son assiette. Il s’en chargeait lui-même. C’est à cette époque qu’il a également pris l’initiative de faire du baby-sitting pour payer ses sorties et pour financer une partie de son permis de conduire, afin que je ne sois plus obligée de jouer les taxis à tout bout de champ. Il lui arrivait aussi souvent de vider le lave-vaisselle, sans que je lui demande, et de ranger ses vêtements (et même parfois les miens) repassés par notre femme de ménage. Ça me soulageait le quotidien et, surtout, ça me rassurait de le voir devenir progressivement autonome. Je me disais qu’il serait bientôt mûr pour prendre son envol ».

Un chemin vers soi-même

Après des années passées à couver son enfant, à le surveiller comme le lait sur le feu, quitte à s’oublier elle-même, la mère de famille n’était finalement pas si mécontente d’envisager ce futur proche, et de se dire qu’elle allait retrouver un peu de quiétude. En son for intérieur, elle se sentait prête à réorganiser son emploi du temps, afin que toute l’énergie qu’elle avait déployée envers son fils, pendant toutes ces années, se libère ailleurs. Exit les corvées de lessives, de courses et de menus équilibrés à concocter, plus de portes qui claquent et de copains qui passent à l’improviste, le jour où il ne serait plus là, elle allait enfin pouvoir penser à elle, et à elle seule. Se délecter de voyages hors périodes scolaires et de sorties culturelles. Et peut-être même, qui sait, relancer les sites de rencontre.

Je ne voulais pas non plus lui faire part de mon mal-être

L’envol du fiston est arrivé en septembre 2022, lorsqu’il a plié bagage et quitté Paris pour suivre des études de commerce à Bordeaux. Un départ qui, contre toute attente, fait à Marianne l’effet d’une claque. « Du jour au lendemain, je me suis retrouvée seule, avec mon chat, désorientée, à ne plus savoir quoi faire, explique-t-elle. Je me sentais abandonnée, inutile, vide. D’autant que Pierre-Antoine, sans doute trop occupé (et grisé) par cette liberté nouvelle, ne m’appelait que très rarement. Quant à moi, je m’étais fait la promesse de ne jamais le bombarder de SMS. Et je ne voulais pas non plus lui faire part de mon mal-être ».

Le souvenir du passé heureux, quand son fils était à ses côtés, surgissait à tout moment du jour, voire de la nuit. « Je n’arrivais même plus à regarder le pot de Nutella, dont il se régalait, chaque matin, sur des tranches de brioche (ou à même la cuillère), ni à entrer dans sa chambre de peur d’éclater en sanglots, détaille-t-elle Même sa mine renfrognée au réveil me manquait ». Le blues a duré près de deux ans. Deux longues années pendant lesquelles Marianne se forçait à bricoler, à sortir de chez elle et à pratiquer des activités, la plupart du temps en solo.

J’avais besoin de me retrouver un temps en tête-à-tête avec moi-même avant de passer à autre chose

« J’allais nager à la piscine municipale trois fois par semaine, à l’heure du déjeuner, comme une âme en peine, se souvient-elle. Comme je n’y croisais quasiment que des personnes âgées, j’avais le sentiment d’avoir pris un coup de vieux et ça me déprimait encore davantage. Mais je crois que j’avais besoin de me retrouver un temps en tête-à-tête avec moi-même avant de passer à autre chose ». Et puis, peu à peu, les envies sont revenues. « Pierre-Antoine rentre désormais à Paris une ou deux fois par mois et c’est, à chaque fois, un bonheur renouvelé de l’entendre me parler de sa nouvelle vie, glisse Marianne. Nous sommes encore plus fusionnels qu’avant et j’avoue éprouver une certaine fierté d’avoir réussi à faire de lui un homme bien dans sa peau. Quand il n’est pas là, je suis tout le temps occupée. Je vais au cinéma, au restaurant avec des amis, et parfois même avec des crushs, comme disent les jeunes. Et les rares fois où je me retrouve seule, j’éprouve un plaisir immense à savourer ces petits moments suspendus où je ne pense à rien d’autre qu’à moi-même ».

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